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[35] On ne veut point perdre la vie, et on veut acquérir de la gloire; de là vient que, quelque chicane qu'on remarque dans la justice, elle n'est point égale à la chicane des braves (max. 221, I 235).

[36] La valeur dans les simples soldats est un métier périlleux qu'ils ont pris pour gagner leur vie (max. 214, I 227).

[37] Les crimes deviennent innocents et même glorieux par leur nombre et par leur excès; de là vient que les voleries publiques sont des habiletés, et que les massacres des provinces entières sont des conquêtes (MS 68, I 192).

[38] Comme la plus heureuse personne du monde est celle à qui peu de choses suffit, les grands et les ambitieux sont en ce point les plus misérables qu'il leur faut l'assemblage d'une infinité de biens pour les rendre heureux (MP I).

[39] Le vrai honnête homme c'est celui qui ne se pique de rien (max. 203, I 215).

[40] La générosité c'est un désir de briller par des actions extraordinaires, c'est un habile et industrieux emploi du désintéressement, de la fermeté en amitié, et de la magnanimité, pour aller promptement à une grande réputation (max. 246, I 268).

[41] Le jugement n'est autre chose que la grandeur de la lumière de l'esprit, on peut dire la même chose de son étendue, de sa profondeur, de son discernement, de sa justesse, de sa droiture, et de sa délicatesse.

L'étendue de l'esprit est la mesure de sa lumière.

La profondeur est celle qui découvre le fond des choses

Le discernement les compare et les distingue.

La justesse ne voit que ce qu'il faut voir.

La droiture prend toujours le bon biais des choses.

La délicatesse aperçoit les imperceptibles.

Et le jugement prononce ce qu'elles sont.

Si on l'examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autres chose que la grandeur de l'esprit, lequel, voyant tout, rencontre dans la plénitude de ses lumières tous les avantages dont nous venons de parler (max. 97, I 107).

[42] Quand la vanité ne fait point parler, on n'a pas envie de dire grand'chose (max. 137, I 139).

[43] La sincérité c'est une naturelle ouverture de cœur; on la trouve en fort peu de gens et celle qui se pratique d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation pour arriver à la confiance des autres (max. 62, I 71).

[44] La finesse n'est qu'une pauvre habileté (MP 2).

[45] Dieu seul fait les gens de bien et on peut dire de toutes nos vertus ce qu'un poète a dit de l'honnêteté des femmes. L'essere honesta non é se non un arte de parer honesta (MS 33, I 176).

[46] Nous récusons tous les jours des juges pour les plus petits intérêts, et nous commettons notre gloire et notre réputation, qui est la plus importante affaire de notre vie, aux hommes qui nous sont tous contraires, ou par leur jalousie, ou par leur malignité, ou par leur préoccupation, ou par leur sottise, ou par leur injustice, et c'est pour obtenir d'eux un arrêt en notre faveur que nous exposons notre vie et que nous la condamnons à une infinité de soucis, de peines et de travaux (max. 268, I 292).

[47] Rien n'est si dangereux que l'usage des finesses que tant de gens d'esprit emploient communément; les plus habiles affectent de les éviter toute leur vie pour s'en servir en quelque grande occasion et pour quelque grand intérêt (max. 124, I 126).

[48] Comme la finesse est l'effet d'un petit esprit, il arrive quasi toujours que celui qui s'en sert pour se couvrir en un endroit se découvre en un autre (max. 125, I 127).

[49] Rien ne nous plaît tant que la confiance des grands et des personnes considérables par leurs emplois, par leur esprit ou par leur mérite; elle nous fait sentir un plaisir exquis et élève merveilleusement notre orgueil parce que nous la regardons comme un effet de notre fidélité; cependant nous serons remplis de confusion si nous considérons l'imperfection et la bassesse de sa naissance, car elle vient de la vanité, de l'envie de parler et de l'impuissance de retenir les secrets, de sorte qu'on peut dire que la confiance est comme un relâchement de l'âme causé par le nombre et par le poids des choses dont elle est pleine (max. 239, I 255).

[50] Nous ne nous apercevons que des emportements et des mouvements extraordinaires de nos humeurs, comme de la violence, de la colère, etc., mais personne quasi ne s'aperçoit que ces humeurs ont un cours ordinaire et réglé qui meut et tourne doucement et imperceptiblement notre volonté à des actions différentes; elles roulent ensemble, s'il faut ainsi dire, et exercent successivement leur empire, de sorte qu'elles ont une part considérable à toutes nos actions, dont nous croyons être les seuls auteurs (max. 297, I 48).

[51] La pitié est un sentiment de nos propre maux dans un sujet étranger; c'est une prévoyance habile des malheurs où nous pouvons tomber, qui nous fait donner des secours aux autres pour les engager à nous les rendre dans de semblables occasions, de sorte que les services que nous rendons à ceux qui sont accueillis de quelque infortune sont à proprement parler des biens anticipés que nous nous faisons (max. 264, I 287).

[52] Qui considérera superficiellement tous les effets de la bonté qui nous fait sortir de nous-mêmes, et qui nous immole continuellement à l'avantage de tout le monde, sera tenté de croire que, lorsqu'elle agit, l'amour-propre s'oublie et s'abandonne lui-même, et même qu'il se laisse dépouiller et appauvrir sans s'en apercevoir, en sorte qu'il semble que la bonté soit la niaiserie et l'innocence de l'amour-propre. Cependant la bonté est en effet le plus prompt de tous les moyens dont l'amour-propre se sert pour arriver à ses fins; c'est un chemin dérobé par où il revient à lui-même plus riche et plus abondant; c'est un désintéressement qu'il met à une furieuse usure, c'est enfin un ressort délicat avec lequel il remue, il dispose et tourne tous les hommes en sa faveur (max. 236, I 250).

[53] L'humilité est une feinte soumission que nous employons pour soumettre effectivement tout le monde; c'est un mouvement de l'orgueil par lequel il s'abaisse devant les hommes pour s'élever sur eux; c'est son plus grand déguisement, et son premier stratagème; certes, comme il est sans doute que le Protée des fables n'a jamais été, il est un véritable dans la nature, car il prend toutes les formes comme il lui plaît; mais, quoiqu'il soit merveilleux et agréable à voir sur toutes ses figures et dans toutes ses industries, il faut pourtant avouer qu'il n'est jamais si rare ni si plaisant que lorsqu'on le voit sous la forme et sous l'habit de l'humilité; car alors on le voit les yeux baissés, sa contenance est modeste et reposée, ses paroles douces et respectueuses, pleines de l'estime des autres et de dédain pour lui-même; il est indigne de tous les honneurs, il est incapable d'aucun emploi, et ne reçoit les charges où on l'élève que comme un effet de la bonté des hommes et de la faveur aveugle de la fortune (max. 254, I 277).

[54] La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où on arrive rarement; l'espace qui est entre deux est vaste, et contient toutes les autres espèces de courages, il n'y a pas moins de différence entre eux qu'il y en a entre les visages et les humeurs; cependant ils conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s'exposent volontiers au commencement d'une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée; il y en a qui sont assez contents quand ils ont satisfait à l'honneur du monde et qui font fort peu de choses au delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres d'eux-mêmes. D'autres se laissent quelquefois entraîner à des épouvantes générales. D'autres vont à la charge pour n'oser demeurer dans leurs postes Enfin il s'en trouve à qui l'habitude des moindres périls affermit le courage, et les prépare à s'exposer à de plus grands. Outre cela, il y a un rapport général que l'on remarque entre tous les courages des différentes espèces dont nous venons de parler, qui est que la nuit, augmentant la crainte et cachant les bonnes et les mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménage plus général qui, à parler absolument, s'étend sur toute sorte d'hommes: c'est qu'il n'y en a point qui fassent tout ce qu'ils seraient capables de faire dans une occasion s'ils avaient une certitude d'en revenir; de sorte qu'il est visible que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur et diminue son effet (max. 215, I 228).

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