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CXXXVI

On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a que par celles que l'on affecte d'avoir.

CXXXVII

Chaque homme se trouve quelquefois aussi différent de lui-même qu'il l'est des autres.

CXXXVIII

Chaque talent dans les hommes, de même que chaque arbre, a ses propriétés et ses effets qui lui sont tous particuliers.

CXXXIX

Quand la vanité ne fait point parler, on n'a pas envie de dire grand'chose.

CXL

On aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler.

CXLI

Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui paraissent raisonnables et agréables dans la conversation, c'est qu'il n'y a quasi personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit, et que les plus habiles et les plus complaisants se contentent de montrer seulement une mine attentive, au même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit, et une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire; au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres ou de les persuader, que de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu'on puisse avoir dans la conversation.

CXLII

Un homme d'esprit serait souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots.

CXLIII

On se vante souvent mal à propos de ne se point ennuyer, et l'homme est si glorieux qu'il ne veut pas se trouver de mauvaise compagnie.

CXLIV

On n'oublie jamais mieux les choses que quand on s'est lassé d'en parler.

CXLV

Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre avec peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits en revanche ont le don de beaucoup parler, et de ne dire rien.

CXLVI

C'est plutôt par l'estime de nos propres sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par leur mérite; et nous nous louons en effet, lorsqu'il semble que nous leur donnons des louanges.

CXLVII

La modestie, qui semble refuser les louanges, n'est en effet qu'un désir d'en avoir de plus délicates.

CXLVIII

On n'aime point à louer, et on ne loue jamais personne sans intérêt. La louange est une flatterie habile, cachée, et délicate, qui satisfait différemment celui qui la donne, et celui qui la reçoit. L'un la prend comme une récompense de son mérite; l'autre la donne pour faire remarquer son équité et son discernement.

CXLIX

Ier état – Nous choisissons souvent des louanges empoisonnées qui font voir par contrecoup en ceux que nous louons des défauts que nous n'osons découvrir autrement.

2e état – Même texte, augmenté de la phrase suivante: Nous élevons la gloire des uns pour abaisser par là celle des autres, et on louerait moins Monsieur le Prince et Monsieur de Turenne si on ne les voulait point blâmer tous deux.

CL

On ne loue que pour être loué.

CLI

On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par intérêt.

CLII

Peu de gens sont assez sages pour aimer mieux le blâme qui leur sert que la louange qui les trahit.

CLIII

Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent.

CLIV

Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

CLV

La louange qu'on nous donne sert au moins à nous fixer dans la pratique des vertus.

CLVI

L'approbation que l'on donne à l'esprit, à la beauté et à la valeur, les augmente, les perfectionne, et leur fait faire de plus grands effets qu'ils n'auraient été capables de faire d'eux-mêmes.

CLVII

L'amour-propre empêche bien que celui qui nous flatte ne soit jamais celui qui nous flatte le plus.

CLVIII

Si nous ne nous flattions point nous-mêmes, la flatterie des autres ne nous ferait jamais de mal.

CLIX

On ne fait point de distinction dans les espèces de colères, bien qu'il y en ait une légère et quasi innocente, qui vient de l'ardeur de la complexion, et une autre très criminelle, qui est à proprement parler la fureur de l'orgueil.

CLX

La nature fait le mérite, et la fortune le met en œuvre.

CLXI

Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passions et plus de vertu que les âmes communes, mais celles seulement qui ont de plus grands desseins.

CLXII

Ier état – Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le cœur, il y a un mérite fade, et des personnes qui dégoûtent avec des qualités bonnes et inestimables.

2e état – Idem, sauf le dernier mot: estimables.

CLXIII

Il y a des gens dont le mérite consiste à dire et à faire des sottises utilement, et qui gâteraient tout s'ils changeaient de conduite.

CLXIV

L'art de savoir bien mettre en œuvre de médiocres qualités donne souvent plus de réputation que le véritable mérite.

CLXV

Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie; ils les font valoir ce qu'ils veulent, et l'on est forcé de les recevoir selon leur cours, et non pas selon leur véritable prix.

CLXVI

Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie.

CLXVII

On se mécompte toujours dans le jugement que l'on fait de nos actions, quand elles sont plus grandes que nos desseins.

CLXVIII

Il faut une certaine proportion entre les actions et les desseins si on en veut tirer tous les effets qu'elles peuvent produire.

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