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CCLXXX

La gravité est un mystère du corps inventé pour cacher les défauts de l'esprit.

CCLXXXI

Il y a des personnes à qui les défauts siéent bien, et d'autres qui sont disgraciées avec leurs bonnes qualités.

CCLXXXII

Le luxe et la trop grande politesse dans les États sont le présage assuré de leur décadence parce que, tous les particuliers s'attachant à leurs intérêts propres, ils se détournent du bien public.

CCLXXXIII

La civilité est une envie d'en recevoir; c'est aussi un désir d'être estimé poli.

CCLXXXIV

Ier état – L'éducation que l'on donne aux princes est un second amour-propre qu'on leur inspire.

2e état – L'éducation que l'on donne d'ordinaire aux jeunes gens est un second orgueil qu'on leur inspire.

CCLXXXV

Ier état – Rien ne prouve tant que les philosophes ne sont pas si persuadés qu'ils disent que la mort n'est pas un mal, que le tourment qu'ils se donnent pour établir l'immortalité de leur nom par la perte de la vie.

2e état – Il n'y a point de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans l'amour; et on est toujours plus disposé de sacrifier tout le repos de ce qu'on aime que de perdre la moindre partie du sien.

CCLXXXVI

Il n'y a point de libéralité; ce n'est que la vanité de donner, que nous aimons mieux que ce que nous donnons.

CCLXXXVII

La pitié est un sentiment de nos propres maux dans un sujet étranger, c'est une prévoyance habile des malheurs où nous pouvons tomber, qui nous fait donner du secours aux autres pour les engager à nous le rendre dans de semblables occasions, de sorte que les services que nous rendons à ceux qui en ont besoin sont à proprement parler des biens anticipés que nous nous faisons à nous-mêmes.

CCLXXXVIII

La petitesse de l'esprit fait souvent l'opiniâtreté; et nous ne croyons pas aisément ce qui est au delà de ce que nous voyons

CCLXXXIX

On s'est trompé quand on a cru qu'il n'y avait que les violentes passions, comme l'ambition et l'amour, qui pussent triompher des autres. La paresse, toute languissante qu'elle est, ne laisse pas d'en être souvent la maîtresse; elle usurpe sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie; elle y détruit et y consomme insensiblement toutes les passions et toutes les vertus.

CCXC

De toutes les passions celle qui est la plus inconnue à nous-mêmes, c'est la paresse; elle est la plus ardente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible, et que les dommages qu'elle cause soient très cachés; si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maîtresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs; c'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils, et que les plus grandes tempêtes, le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions; pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la console de toutes ses pertes, et qui lui tient lieu de tous les biens.

CCXCI

La promptitude avec laquelle nous croyons le mal sans l'avoir assez examiné est un effet de la paresse et de l'orgueil. On veut trouver des coupables, et on ne veut pas se donner la peine d'examiner les crimes.

CCXCII

Nous récusons tous les jours des juges pour les plus petits intérêts; et nous faisons dépendre notre gloire et notre réputation, qui sont les plus grands biens du monde, du jugement des hommes, qui nous sont tous contraires, ou par leur jalousie, ou par leur malignité, ou par leur préoccupation, ou par leur sottise; et c'est pour obtenir d'eux un arrêt en notre faveur que nous exposons notre repos et notre vie en cent manières, et que nous la condamnons à une infinité de soucis, de peines et de travaux.

CCXCIII

De plusieurs actions différentes que la Fortune arrange comme il lui plaît, il s'en fait plusieurs vertus.

CCXIV

L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir.

CCXCV

La jeunesse est une ivresse continuelle; c'est la fièvre de la santé, c'est la folie de la raison.

CCXCVI

On aime bien à deviner les autres; mais l'on n'aime pas être deviné.

CCXCVII

Il y a des gens qu'on approuve dans le monde, qui n'ont pour tout mérite que les vices qui servent au commerce de la vie.

CCXCVIII

C'est une ennuyeuse maladie que de conserver sa santé par un trop grand régime.

CCXCIX

Le bon naturel, qui se vante d'être toujours sensible, est dans la moindre occasion étouffé par l'intérêt.

CCC

Ier état – Il est moins impossible de prendre de l'amour quand on n'en a pas, que de s'en défaire quand on en a.

2e état – Il est plus facile de prendre de l'amour quand on n'en a pas, que de s'en défaire quand on en a.

CCCI

Ier état – La plupart des femmes se rendent plutôt par faiblesse que par passion; de là vient que pour l'ordinaire les femmes entreprenantes réussissent mieux que les autres, quoiqu'elles ne soient pas plus aimables.

2e état – La plupart des femmes se rendent plutôt par faiblesse que par passion; de là vient que pour l'ordinaire les hommes entreprenants réussissent mieux que les autres, quoiqu'ils ne soient pas plus aimables.

CCCII

N'aimer guère en amour est un moyen assuré pour être aimé.

CCCII [bis]

L'absence diminue les médiocres passions, et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies et allume le feu.

CCCIII

La sincérité que se demandent les amants et les maîtresses, pour savoir l'un et l'autre quand ils cesseront de s'aimer, est biens moins pour vouloir être avertis quand on ne les aimera plus que pour être mieux assurés qu'on les aime, lorsqu'on ne dit point le contraire.

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