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CHAPITRE XXXII

Jâ continua seul. Il vit ses compagnons disparaître peu à peu vers le bas, comme au flanc d'une montagne au versant abrupt. Il leva la tête, la serrure n'était plus qu'à une cinquantaine de mètres, à son échelle. Mais les reliefs de la porte géante s'amenuisaient. Jâ calcula que s'il continuait à grandir à la même vitesse, il n'aurait jamais le temps d'atteindre son but. Il chercha autour de lui et se traita mentalement d'imbécile. A une centaine de mètres à gauche il voyait le joint de caoutchouc de la porte étanche, dont les irrégularités étaient beaucoup plus rassurantes que celles du métal. Il profita d'une rainure horizontale et progressa le plus vite possible vers la gauche. Il atteignit enfin le bord de la porte et soupira de soulagement.

L'ascension devint beaucoup plus facile. Le jeune homme arriva rapidement à la hauteur de la serrure. Il examina la cloison et s'aperçut qu'il lui serait désormais impossible de s'accrocher au métal, les prises n'étant plus suffisantes. Il prit la polyclé et, risquant le tout pour le tout, la lança en direction de la serrure.

La petite tige métallique fila vers la tache rouge, commença à retomber avant de l'atteindre et, tournoyant, en frôla l'extrême bord inférieur. La porte s'ouvrit avec un déclic et Jâ faillit être déséquilibré par la secousse.

Heureux, il s'empressa de redescendre. Le sas était ouvert. Il allait falloir s'attaquer à la deuxième porte.

* * *

Quand Jâ eut rejoint Nira et Terol, il se sentit fatigué. Une sensation d'épuisement le contraignit à s'asseoir sur le sol. Comme dans un rêve, il remarqua que ses compagnons paraissaient également affectés. Il sombra dans une demi-inconscience.

Après un temps indéterminé, il ouvrit les yeux et vit Terol occupé à essayer de faire revenir à elle la jeune femme. Jâ joignit ses efforts à ceux du physicien et Nira s'éveilla enfin.

– Que nous est-il arrivé? demanda-t-elle.

– Regardez-vous, bougonna Terol. Cette sensation d'étouffement était symptomatique, nous avons grandi trop vite.

Jâ compara sa propre taille à celle de la grande porte.

– Je mesure bien dix centimètres, il me semble.

Oui, et nous pouvons nous dépêcher si nous ne voulons pas nous faire prendre. Nom d'un chien!…

– Quoi?

– J'allais oublier autre chose, dit Terol en se fouillant fébrilement.

Il tira de sa poche une petite boîte et en vida le contenu dans sa main.

Il tendit aux autres de petites pilules blanchâtres.

– Avalez-en chacun une, ordonna-t-il…

– Pourquoi faire? demanda Jâ après avoir obéi.

– Pour modifier votre type de bio-ondes, malheureux! Je m'étonne qu'ils ne nous aient pas encore trouvés.

– Vous êtes plein de ressources, Terol, dit Nira.

– C'est possible, avoua le physicien, mais je n'ai guère de présence d'esprit. Eh bien, Jâ, si vous fermiez cette porte derrière nous.

Jâ passa dans le sas, suivi de ses compagnons. Sa taille lui permettait maintenant des prouesses. Sans se fatiguer inutilement à grimper jusqu'à la serrure, il jeta la polyclé en l'air et atteignit la tache rouge du premier coup. Mais la porte ne se ferma pas.

– Elle a touché du mauvais côté, dit Terol, Recommencez!

Au quatrième essai, la porte claqua derrière eux et le sas se vida automatiquement de l'air qu'il renfermait.

Ce fut presque un jeu d'enfant de franchir la deuxième porte et de pénétrer dans la fusée par la même méthode.

– Nous n'avons plus qu'à partir, dit Terol. Mais il faudra attendre d'avoir grandi encore. Je n'aurai jamais la force d'appuyer sur le bouton de départ.

– Nous avons vécu des heures fatigantes, dit Benal. Je propose que nous cherchions une cachette à notre taille en attendant le moment d'agir. D'ici là, n'importe qui pourrait nous surprendre et tout serait à l'eau.

– Avec nos désintégrateurs, nous pourrions soutenir un siège en règle, remarqua Nira.

– Certes, dit Terol. Mais c'est une éventualité qu'il vaut mieux ne pas envisager.

Jâ se glissa sous le tableau de bord.

– Pensez que vous allez encore grandir pendant votre sommeil, dit Terol. Vous risquez de vous trouver coincé là-dessous. Je crois qu'il vaut mieux veiller chacun notre tour. Je vais commencer. Si votre taille prend des proportions gênantes, je vous avertirai.

Jâ protesta. Il voulait veiller le premier. Mais le physicien finit par lui faire admettre que les efforts physiques qu'il avait fournis lui donnaient droit à un repos immédiat.

* * *

Le garde de la terrasse marchait de long en large. De temps en temps, il se grattait la cuisse. Quelque chose le gênait. Il s'accouda au parapet et poussa un faible cri de surprise. Coincé entre lui et la rampe, un angle de l'antigé l'avait meurtri.

Il mit la main à sa poche et en sortit sa trouvaille. Ses sourcils se froncèrent. Il n'avait pas la berlue, pourtant. Il était sûr d'avoir ramassé un jouet grand comme une boîte d'allumettes. Celui-ci était beaucoup plus volumineux. il avait failli déchirer sa poche.

Le garde posa l'objet sur le sol et le regarda d'un air méfiant. Sa surprise s'accrut soudain. Il lui sembla voir l'objet grandir à vue d'œil L'homme se contraignit à fermer les paupières pendant cinq minutes. Quand il regarda à nouveau, l'antigé avait vingt centimètres de long. Le garde siffla doucement entre ses dents et quitta son poste. Il pénétra dans le palais et parla dans le transmetteur.

– Ici, garde de la terrasse. Passez-moi le citoyen Mox. Quoi? Il est occupé? Passez-moi son secrétaire alors. C'est important.

En attendant, le garde jeta un coup d'œil à l'antigé. Celle-ci grandissait toujours.

– Oui? dit le garde. C'est vous? Écoutez un peu ce qui m'arrive. J'ai trouvé une antigé minuscule tout à l'heure. J'ai pensé que c'était un jouet. Mais depuis ce temps-là, elle n'arrête pas de grandir, elle a au moins un mètre de long.

Une voix précipitée nasilla dans l'écouteur.

– Puisque je vous le dis, dit le garde avec mauvaise humeur. Je ne suis pas fou… Bon, je vous attends.

Il quitta le transmetteur et revint à l'antigé. Celle-ci paraissait avoir stoppé sa mystérieuse croissance. Le garde s'assit sur le parapet et ne quitta pas l'objet des yeux.

Au bout de quelques minutes, un homme apparut sur la terrasse. Il était suivi de deux officiers des gardes. Il considéra pensivement le petit appareil et se fit répéter l'histoire de sa découverte. Enfin, il prit une décision.

– Suivez-moi, dit-il aux hommes qui l'accompagnaient. Et vous, ouvrez-moi le hangar.

Ils fouillèrent minutieusement le hangar sans rien trouver de suspect. Ils s'approchèrent de la porte du sas.

– Ouvrez-moi ça, commanda l'homme.

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