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ne l’a jamais été par un aspect du thème;

car comme le soleil offusque le regard,

ainsi le souvenir de son sourire heureux

me prive en cet instant du secours de l’esprit.

Depuis le premier jour où j’ai vu son visage

dans le monde mortel, et jusqu’en cet instant,

rien n’a pu m’empêcher de poursuivre mon chant;

mais il faut à présent que je mette une fin

aux efforts que j’ai faits pour chanter sa beauté,

puisque même notre art reconnaît des limites.

Telle que je la laisse à des voix plus sonores

que mon pauvre clairon, qui s’apprête lui-même

à mettre fin bientôt au sujet trop ardu,

elle recommença, sur le ton décidé

d’un vrai chef: «Maintenant nous venons de sortir

du plus grand corps au ciel fait de pure lumière [413];

lumière de l’esprit, que l’amour entretient;

amour du bien réel, tout rempli d’allégresse;

allégresse au-dessus de toutes les douceurs.

Tu pourras voir ici l’une et l’autre milice

du Paradis, dont l’une a déjà l’apparence

que tu reconnaîtras au dernier jugement.» [414]

Comme un éclair s’allume à l’improviste et blesse

les esprits de la vue, empêchant le regard

de percevoir encor d’autres objets brillants,

cette vive clarté m’avait paralysé,

sa fulguration ayant mis sur mes yeux

comme un épais bandeau qui me rendait aveugle.

«L’amour qui fait toujours la paix de ce royaume

accueille dans son sein par ce même salut,

préparant la chandelle à recevoir sa flamme.»

Ces brefs propos étaient à peine parvenus

jusqu’à moi, qu’aussitôt je pus me rendre compte

que je me surpassais au-delà de mes forces.

Dans mes yeux s’allumait une seconde vue,

telle qu’aucun éclat, pour lumineux qu’il fût,

ne pouvait désormais arrêter mon regard.

Je vis une splendeur en forme de torrent

éclatant de clarté, serré dans ses deux rives

qu’un printemps merveilleux émaillait de partout.

Des flots je vis jaillir de vives étincelles

qui de tous les côtés se posaient sur les fleurs

et semblaient des rubis enchâssés dans de l’or.

Ensuite, paraissant de parfum enivrées,

elles allaient plonger dans le gouffre admirable;

et dès que l’une entrait, une autre en jaillissait.

«Cet intense désir qui t’enflamme et te presse

si fort, de pénétrer tout ce que tu contemples,

m’enchante d’autant plus qu’il devient plus puissant.

Mais il faut de cette eau que tu boives encore,

si tu veux que ta soif puisse enfin s’apaiser.»

C’est ainsi que parla le soleil de mes yeux.

Elle ajouta: «Le fleuve, ainsi que les topazes

qui font ce va-et-vient, le sourire de l’herbe,

ne sont que la préface et l’ombre de leur vrai [415].

Ce n’est pas que cela soit trop dur à comprendre;

il s’agit d’un défaut, dont la source est en toi,

qui n’as pas encor l’œil superbe qu’il faudrait. «

L’enfant ne tourne pas aussi rapidement

vers le sein maternel sa face, le matin

lorsqu’il s’est éveillé plus tard que de coutume,

que je ne me tournai, pour faire de mes yeux

un miroir plus fidèle, en me penchant sur l’onde

qui s’épanche là-haut pour nous rendre meilleurs.

Et sitôt que le bord de mes paupières vint

se baigner dans ses eaux, je crus m’apercevoir

que ce que j’avais pris pour longueur était rond.

Puis, comme on voit quelqu’un qui demeurait masqué

se montrer différent, sitôt qu’il se dépouille

de l’aspect étranger qui nous donnait le change,

les fleurs avaient changé, comme les étincelles,

en un bonheur plus grand, et je vis tout à coup

s’étaler sous mes yeux la double cour du ciel.

Ô toi, splendeur de Dieu, qui m’as permis de voir

le triomphe éternel du royaume du vrai,

fais-le-moi raconter tel que je l’ai connu!

Il est une clarté là-haut, qui rend visible

le Créateur lui-même à toute créature

dont le bonheur consiste à contempler sa face.

Cette clarté s’étale et forme comme un cercle,

6e déroulant si loin, que sa circonférence

serait pour le soleil une ceinture lâche [416].

Tout ce qu’on peut en voir est formé de rayons

qui baignaient le sommet du mobile premier

et lui donnent ainsi la vie et la puissance.

Et de même qu’un mont se mire dans les eaux

qui coulent à ses pieds, pour y voir sa parure,

alors qu’il est plus riche en verdure et en fleurs,

tel je vis, dominant tout autour cet éclat,

s’y mirer longuement, du haut de mille marches,

tous ceux qui d’entre nous ont fait retour là-haut.

Et puisque le gradin le plus bas circonscrit

un si vaste foyer, quelle ne doit pas être

l’ampleur de cette rosé au bord de ses pétales!

Mes yeux ne perdaient rien de toute cette ampleur

ni de sa profondeur, mais embrassaient très bien

de ces félicités l’étendue et le mode.

Là, d’être près ou loin n’ajoute ni n’enlève;

car lorsque Dieu gouverne immédiatement,

les lois de la nature ont perdu leur pouvoir.

Dans le centre doré de la rosé éternelle

qui s’étale et s’étage et exhale un parfum

de louange au Soleil du printemps éternel,

pareil à qui se tait tout en voulant parler,

m’attira Béatrice, en me disant: «Regarde

comme il est grand, le chœur de ces blanches étoles!

Tu vois le tour qu’ici comprend notre cité;

et nos sièges, tu vois, sont déjà si remplis

qu’il reste peu de place à ceux que l’on attend [417].

Et quant à ce grand siège où ton regard s’arrête,

parce qu’il est déjà marqué d’une couronne,

avant qu’on ne t’invite à ces noces toi-même,

il doit recevoir l’âme, auguste sur la terre,

de Henri, qui viendra redresser l’Italie;

mais il doit arriver avant qu’elle soit prête [418].

L’aveugle convoitise, en vous rendant stupides,

vous pousse à réagir comme certains enfants

qui, tout en ayant faim, repoussent leur nourrice.

Le tribunal divin lors aura pour préfet

un tel qui n’ira point sur le même chemin

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