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qui sont assez nombreux, mais rarement parfaits.

Entends donc mes propos avec cette réserve:

je ne contredis plus, ainsi, ce que tu crois,

sur notre premier père et sur le Bien-Aimé.

Et que ceci te soit toujours du plomb aux pieds,

pour te faire avancer lentement, comme las,

vers le oui, vers le non que tu n’aperçois pas.

Il faut que celui-là soit un sot, et des grands,

qui, sans examiner, affirme ou bien conteste,

quand dans un sens quelconque il donne son avis.

Il arrive, en effet, que l’on voit bien souvent

l’opinion des gens s’incliner vers l’erreur,

et l’amour-propre sert d’entrave au jugement.

Qui veut pêcher le vrai sans en connaître l’art

s’éloignera du port pis qu’inutilement,

car il ne rentre pas tel qu’il était parti [177].

Vous avez de cela des preuves évidentes

dans le monde, où Bryson, Mélissus, Parménide

et d’autres sont partis sans savoir vers quels buts [178],

comme Sabellius, Arius, et ces fous

qui pour les saints écrits furent comme l’épée

qui d’un visage droit en fait un de travers [179].

On doit bien se garder de trop précipiter

le jugement, pareils à ceux qui de leur blé

fixent le prix sur pied, avant qu’il n’ait mûri;

car j’ai vu bien souvent quelque buisson paraître

durant tout un hiver sec et couvert d’épines,

et au printemps garnir de rosés le sommet;

et j’ai vu le bateau glisser facilement

sur l’eau, cinglant tout droit pendant la traversée,

et sombrer à la fin, à deux brasses du port.

Donc, que Madame Berthe et le sieur Martin [180],

ayant vu l’un voler, l’autre faire l’aumône,

n’aillent pas préjuger du jugement du Ciel,

car ils peuvent, les deux, s’élever ou tomber.»

CHANT XIV

Du centre au cercle, ou bien du cercle vers le centre,

on voit l’eau se mouvoir dans un vase arrondi,

suivant qu’on l’a touché sur le bord ou dedans.

Dans mon esprit naquit tout à coup cette idée

que je viens d’exprimer, dès le premier moment

où l’esprit glorieux de Thomas s’était tu [181];

car je pensais trouver certaine analogie

dans ses propos, suivis de ceux de Béatrice,

qui me fit la faveur de parler après lui:

«II lui faut maintenant, quoiqu’il n’en dise rien

de vive voix, ni même en sa propre pensée,

atteindre à la racine une autre vérité.

Dites-lui si l’éclat dont s’embellit ainsi

votre substance propre est éternellement

pour vous un compagnon tel qu’il est à présent;

et s’il doit vous rester, expliquez-lui comment,

lorsque l’on vous rendra votre écorce visible [182],

il n’aura pas le don d’offusquer votre vue.»

Comme, pressés parfois par le vif aiguillon

d’un plaisir grandissant, ceux qui dansent en ronde

haussent d’un ton leur voix, où paraît leur liesse,

de même, à la demande empressée et pieuse,

une nouvelle joie envahit les saints cercles,

traduite par leur danse et par leurs doux accords.

Celui-là qui se plaint parce qu’on meurt sur terre

pour vivre au ciel, le fait pour avoir ignoré

le rafraîchissement de la pluie éternelle.

Cet Un et Deux et Trois qui pour toujours existe

et qui règne à jamais en Trois et Deux et Un

et contient l’univers sans être contenu,

était trois fois chanté par chacune des âmes,

et leur belle chanson suffirait pour payer

à leur plus juste prix les plus brillants mérites.

Ensuite j’entendis dans l’éclat le plus saint [183]

du cercle intérieur une voix aussi douce

que celle de l’archange interpellant Marie

répondre: «Aussi longtemps que durera la fête

du Paradis, l’amour que nous portons en nous

brillera de la sorte au sein de cette robe.

L’éclat de sa splendeur se mesure à l’ardeur

et l’ardeur à la vue; et celle-ci dépend

à son tour de la grâce impartie à chacun.

Le jour où de la chair glorieuse et sans tache

nous serons revêtus, nos personnes seront

plus belles qu’aujourd’hui, pour être enfin entières;

ce qui doit augmenter la lumière d’amour

que le plus grand des Biens nous donna par sa grâce;

et c’est par sa vertu qu’on le peut contempler.

Alors, par conséquent, s’augmentera la vue

et croîtra cette ardeur qui s’allume à son feu,

ainsi que le rayon qui prend naissance d’elle.

Mais, pareil au charbon qui produit une flamme

mais dont le blanc éclat dépasse sa clarté,

faisant qu’on le distingue aisément à travers,

de même le brillant qui nous revêt ici

se verra dépasser par l’aspect de la chair

qui demeure à présent recouverte de terre.

Sa splendeur ne pourra fatiguer nos regards,

les organes des sens devenant assez forts

pour porter ce qui doit servir à notre joie.»

Et l’un et l’autre chœur me semblèrent alors

si prompts et si contents d’ajouter leur «amen»,

qu’on sentait le désir de leurs corps trépassés;

non seulement, peut-être, pour eux, mais pour leurs mères,

pour leurs pères, pour ceux qui leur furent si chers

avant de devenir des flambeaux éternels.

Voici que tout à coup, égal quant à l’éclat,

un feu nouveau parut autour de ce premier,

pareil à la clarté qui monte à l’horizon.

Et comme l’on peut voir, à l’heure où la nuit monte,

s’allumer lentement des feux nouveaux au ciel,

revêtant un aspect à la fois faux et vrai,

je crus apercevoir des substances nouvelles

que je distinguais mal et qui formaient un cercle

au-dehors, tout autour des deux cercles premiers.

Ô vrai scintillement de l’Esprit sacro-saint!

Comme il est apparu soudain resplendissant

à mes yeux qui, vaincus, ne pouvaient le souffrir!

Mais Béatrice alors découvrit à mes yeux

un sourire si beau, qu’il faut que j’abandonne

l’espoir de ranimer un pareil souvenir.

Mon regard reprenant un peu plus de vigueur,

je pus en faire usage et je nous vis, moi seul

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