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Ce fut ainsi qu’il surprit le manège du courrier, et vit, à différentes reprises, arriver, à toutes jambes, un petit berger, qui entra au château.

Il le fila, et ne fut pas long à se convaincre que chaque fois que le petit pâtre venait à Bidarray, Castel-Rajac, à la nuit, enveloppé d’un grand manteau, enfourchait son cheval et partait rejoindre sa bien-aimée à travers les défilés de la montagne.

Voilà qui pouvait être d’une grande utilité… Un accident est si vite arrivé, la nuit, dans ces parages!

Mais le triste personnage ne pensait point à exécuter lui-même sa sombre besogne. Il savait qu’en cas d’échec, il aurait risqué trop gros, et il entendait bien obtenir satisfaction avec le minimum de risques.

Durbec n’était pas un novice dans ces sortes d’expéditions. Il descendit un jour jusqu’à Pau…

*

* *

– Castel-Rajac! On te demande, mon ami…

Le gros d’Assignac entra dans la bibliothèque où le Gascon lisait. Celui-ci se leva d’un bond et jeta son livre.

– Le berger?

– Oui… fit Hector en clignant malicieusement de l’œil, car les deux compères savaient fort bien ce que signifiait pour leur compagnon l’arrivée du gamin.

Gaëtan n’avait même pas entendu la réponse. Il s’était élancé dans le vestibule, où l’enfant l’attendait.

– Monseigneur, dit-il, voici une missive pour vous…

– Merci! Tiens! attrape!

Le jeune homme lui lança sa bourse en voltige, que l’autre fit disparaître dans sa veste.

Le Gascon fit sauter le cachet, ne remarquant pas, dans sa hâte amoureuse, que celui-ci ne portait pas le sceau habituel de la duchesse…

La lettre ne contenait que ces mots:

«Ce soir!»

Il ne songea pas non plus à s’étonner de la brièveté du message. Il était obsédé par l’idée qu’il allait enfin revoir sa belle maîtresse. Les périodes où elle était absente lui semblaient désespérément longues…

Lorsque la nuit tomba, Castel-Rajac, après avoir hâtivement avalé quelques bouchées, fit seller son cheval et se dirigea vers le petit bourg de Saint-Martin d’Arrossa, où était descendue Marie de Rohan.

Le chemin était assez difficile, car le sentier côtoyait par instants de profonds précipices.

Il en aurait fallu davantage pour faire reculer l’intrépide chevalier! Il en avait suffisamment vu pour ne point redouter les embûches que pouvait réserver la montagne nocturne.

Cependant, cette fois-ci, il devait être à deux doigts d’y laisser sa vie…

Il venait de perdre Bidarray de vue, et il suivait l’étroit chemin qui reliait les deux villages, sifflotant avec insouciance, laissant flotter les brides du cheval, tout à son rêve que berçait encore une nuit idéale de pleine lune.

Soudain, d’une anfractuosité de roc, des hommes jaillirent.

Ce fut tellement inattendu que la monture du chevalier fit un brusque écart, et sans la poigne solide de celui qui le montait, ils roulaient tous les deux dans le gouffre.

– Capédédiou, mes drôles! cria Castel-Rajac, mettant flamberge au poing, voilà une façon peu civile de souhaiter le bonsoir au voyageur!

Mais sans lui répondre, un grand escogriffe, qui semblait avoir pris la tête de l’attaque, s’écria, tourné vers les aigrefins:

– Sus! Sus! Jetez-le dans le vallon!

– Ouais! ricana Gaëtan, faisant faire une demi-volte à son cheval, et s’adossant à la muraille rocheuse pour éviter d’être cerné. Vous pouvez toujours essayer, mais je doute que vous réussissiez!

– Malepeste! hurla le grand diable, par mon nom de La Rapière, je veux le perdre si je n’ai pas tes os!

– Ho! ho! riposta le Gascon sans s’émouvoir. Voilà une outrecuidante prétention, mon ami! J’ai grand peur que tu ne perdes ton élégant sobriquet, et peut-être même quelque chose de beaucoup plus précieux!

Ce disant, il allongea prestement le bras, et son épée alla trouer l’épaule du truand, qui poussa un hurlement de douleur et de rage.

Ce fut le signal de l’attaque.

Gaëtan, arc-bouté contre la paroi montagneuse, fit face à ses adversaires. Par deux fois, son épée rencontra un obstacle humain. Un des vide-goussets alla rouler dans l’abîme avec un grand cri. Un autre s’affaissa, la gorge traversée.

Ces deux disparitions, loin de ralentir l’audace des autres, les jetèrent en vociférant vers leur adversaire.

L’éclair bleu des lames rayait la nuit de rayons fulgurants, et le cliquetis de l’acier se répercutait au loin dans la vallée, éveillant d’étranges échos…

– En avant! hurlait La Rapière, qui, bien que blessé, payait de sa personne.

– Mordiou! grommela le Gascon en parant un coup d’épée et en attaquant aussitôt un adversaire plus entreprenant. Il faut que la récompense soit de taille pour leur inspirer un tel courage! Serait-ce à Monsieur le Cardinal que je suis redevable de cette gracieuse attention?

Il aurait pu le croire, car la qualité des ferrailleurs et leur nombre pouvaient en effet donner à penser que le prix payé était rondelet.

Castel-Rajac était un escrimeur hors ligne. Cependant, il devenait impossible de faire face à toute cette racaille. Ils étaient au moins douze contre lui.

– Sangdiou! s’écria-t-il en éclatant de rire, je vois que Son Éminence ne mésestime pas mon courage! Douze hommes pour me mettre à la raison! Bravo!

– N’accusez pas Son Éminence! répondit une voix forte, qui semblait jaillir des ténèbres. Ce n’est pas Monsieur de Richelieu qui vous a fait tomber dans ce lâche guet-apens, chevalier! En garde, toi, là, sacripant, ou je te transperce!

Et, rapide comme la pensée, l’épée du marquis de Navailles, car c’était lui, pourfendait le premier misérable rencontré sur son chemin.

– Et d’un! Courage, monsieur de Castel-Rajac! Nous aurons raison de ces coquins!

– Sangdiou! monsieur, je ne sais pas qui vous êtes, mais ce dont je suis sûr c’est que j’ai affaire à un brave gentilhomme!

– Vous ne vous trompez pas, monsieur, répondit le nouveau venu en ferraillant comme un enragé. Je me nomme le marquis Gustave de Navailles.

– Capédédiou! monsieur! riposta le Gascon sans cesser de parer et d’attaquer furieusement. Voici un nom dont je me souviendrai, et j’espère pouvoir vous prouver ma reconnaissance, si cette graine de galère nous en donne loisir!

– Je m’en voudrais de laisser périr un aussi brave cavalier que vous! Nous mourrons ensemble ou nous vaincrons ensemble, chevalier!

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