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– Assez bonne, oui, Dieu merci!

– Ce brave Planchet, grommela d'Artagnan, il n'a pas fait là un mauvais rêve. Quelle spéculation, peste! Enfin, ce qui est dit, est dit.

– Combien lui donnez-vous?

– Oh! fit d'Artagnan, ce n'est pas un mauvais garçon, je m'arrangerai toujours bien avec lui; j'ai eu du mal, voyez-vous, des frais, tout cela doit entrer en ligne de compte.

– Mon cher, je suis bien sûr de vous, dit tranquillement Athos, et je n'ai pas peur pour ce bon Planchet; ses intérêts sont mieux dans vos mains que dans les siennes; mais à présent que vous n'avez plus rien à faire ici, nous partirons si vous m'en croyez. Vous irez remercier Sa Majesté, lui demander ses ordres, et, dans six jours, nous pourrons apercevoir les tours de Notre-Dame.

– Mon ami, je brûle en effet de partir, et de ce pas je vais présenter mes respects au roi.

– Moi, dit Athos, je vais saluer quelques personnes par la ville, et ensuite je suis à vous.

– Voulez-vous me prêter Grimaud?

– De tout mon cœur… Qu'en comptez-vous faire?

– Quelque chose de fort simple et qui ne le fatiguera pas, je le prierai de me garder mes pistolets qui sont sur la table, à côté des coffres que voici.

– Très bien, répliqua imperturbablement Athos.

– Et il ne s'éloignera point, n'est-ce pas?

– Pas plus que les pistolets eux-mêmes.

– Alors, je m'en vais chez Sa Majesté. Au revoir.

D'Artagnan arriva en effet au palais de Saint-James, où Charles II, qui écrivait sa correspondance, lui fit faire antichambre une bonne heure.

D'Artagnan, tout en se promenant dans la galerie, des portes aux fenêtres, et des fenêtres aux portes, crut bien voir un manteau pareil à celui d'Athos traverser les vestibules; mais au moment où il allait vérifier le fait, l'huissier l'appela chez Sa Majesté.

Charles II se frottait les mains tout en recevant les remerciements de notre ami.

– Chevalier, dit-il, vous avez tort de m'être reconnaissant; je n'ai pas payé le quart de ce qu'elle vaut l'histoire de la boîte où vous avez mis ce brave général… je veux dire cet excellent duc d'Albermale.

Et le roi rit aux éclats.

D'Artagnan crut ne pas devoir interrompre Sa Majesté et fit le gros dos avec modestie.

– À propos, continua Charles, vous a-t-il vraiment pardonné, mon cher Monck?

– Pardonné! mais j'espère que oui, Sire.

– Eh!… c'est que le tour était cruel… Odds fish! encaquer comme un hareng le premier personnage de la révolution anglaise! À votre place, je ne m'y fierais pas, chevalier.

– Mais, Sire…

– Je sais bien que Monck vous appelle son ami… Mais il a l'œil bien profond pour n'avoir pas de mémoire, et le sourcil bien haut pour n'être pas fort orgueilleux; vous savez, grande supercilium.

«J'apprendrai le latin, bien sûr», se dit d'Artagnan.

– Tenez, s'écria le roi enchanté, il faut que j'arrange votre réconciliation; je saurai m'y prendre de telle sorte…

D'Artagnan se mordit la moustache.

– Votre Majesté me permet de lui dire la vérité?

– Dites, chevalier, dites.

– Eh bien! Sire, vous me faites une peur affreuse… Si Votre Majesté arrange mon affaire, comme elle paraît en avoir envie, je suis un homme perdu, le duc me fera assassiner.

Le roi partit d'un nouvel éclat de rire, qui changea en épouvante la frayeur de d'Artagnan.

– Sire, de grâce, promettez-moi de me laisser traiter cette négociation; et puis, si vous n'avez plus besoin de mes services…

– Non, chevalier. Vous voulez partir? répondit Charles avec une hilarité de plus en plus inquiétante.

– Si Votre Majesté n'a plus rien à me demander.

Charles redevint à peu près sérieux.

– Une seule chose. Voyez ma sœur, lady Henriette. Vous connaît-elle?

– Non, Sire; mais… un vieux soldat comme moi n'est pas un spectacle agréable pour une jeune et joyeuse princesse.

– Je veux, vous dis-je, que ma sœur vous connaisse; je veux qu'elle puisse au besoin compter sur vous.

– Sire, tout ce qui est cher à Votre Majesté sera sacré pour moi.

– Bien… Parry! viens, mon bon Parry.

La porte latérale s'ouvrit, et Parry entra, le visage rayonnant dès qu'il eut aperçu le chevalier.

– Que fait Rochester? dit le roi.

– Il est sur le canal avec les dames, répliqua Parry.

– Et Buckingham?

– Aussi.

– Voilà qui est au mieux. Tu conduiras le chevalier près de Villiers… c'est le duc de Buckingham, chevalier… et tu prieras le duc de présenter M. d'Artagnan à lady Henriette.

Parry s'inclina et sourit à d'Artagnan.

– Chevalier, continua le roi, c'est votre audience de congé; vous pourrez ensuite partir quand il vous plaira.

– Sire, merci!

– Mais faites bien votre paix avec Monck.

– Oh! Sire…

– Vous savez qu'il y a un de mes vaisseaux à votre disposition?

– Mais, Sire, vous me comblez, et je ne souffrirai jamais que des officiers de Votre Majesté se dérangent pour moi.

Le roi frappa sur l'épaule de d'Artagnan.

– Personne ne se dérange pour vous, chevalier, mais bien pour un ambassadeur que j'envoie en France et à qui vous servirez volontiers, je crois, de compagnon, car vous le connaissez.

D'Artagnan regarda étonné.

– C'est un certain comte de La Fère… celui que vous appelez Athos, ajouta le roi en terminant la conversation, comme il l'avait commencée, par un joyeux éclat de rire. Adieu, chevalier, adieu! Aimez-moi comme je vous aime.

Et là-dessus, faisant un signe à Parry pour lui demander si quelqu'un n'attendait pas dans un cabinet voisin, le roi disparut dans ce cabinet, laissant la place au chevalier, tout étourdi de cette singulière audience.

Le vieillard lui prit le bras amicalement et l'emmena vers les jardins.

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