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– Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.

– J'espère… Ça vaudrait mieux pour vous.

– On a une chance sur deux, c'est raisonnable.

Pinto éclata de rire en hochant la tête comme s'il n'arrivait pas à se faire à cette idée.

– Ah putain ça alors, marmonnait-il entre deux quintes de rire, qui s'espacèrent et se diluèrent peu à peu dans le bruit huileux du moteur.

Il réussit à rejoindre Faro par la N2 sans faire de mauvaises rencontres, puis en ressortit par la 125, qu’il reprit vers l'ouest, repassant par le morceau de route qu'ils avaient emprunté une heure auparavant.

Un peu après Almansil il obliqua vers l'Océan.

Il ne s'arrêta qu'au bout d'un chemin qui s'arrêtait devant les dunes et la plage. Il n'était pas loin d'une petite ville côtière nommée Quarteira. Il coupa le moteur, les feux, et jeta un coup d'œil à Pinto avant de s'éjecter de la voiture. Il alla ouvrir le coffre, le Ruger bien en mains, la mitraillette en bandoulière dans le dos.

Koesler s'extirpa du coffre avec une certaine souplesse, malgré son handicap.

Il se redressa sur le sable et fixa Hugo, puis Pinto qui les rejoignait, le fusil à pompe à la main.

– Bon, laissa tomber Hugo, reprenons donc notre petite discussion… Voilà ce que je te propose. Je vais demander conseil aux flics.

– Attendez… Qu'est-ce que vous voulez dire? Le mot flic avait fait son effet.

– Rien de plus. Que je vais me renseigner pour savoir si je peux légalenient passer un marché avec toi et ce que je peux négocier. Toi, en attendant, tu vas me dire jusqu'où tu irais si j'te proposais, par exemple, de te donner quelques heures pour filer et disparaître…

Le type se mit à réfléchir intensément puis plongea son regard dans celui d'Hugo.

– Combien d'heures?

– Ça… c'est justement ce que je négocierais à mon tour avec les flics quand tu auras craché le morceau. Vois les choses sous cet angle: je vais te servir de médiateur pour que tu puisses sauver ta peau.

Le type digéra l'information, ses yeux ne trahissant pas la moindre trace d'émotion, froids comme des roulements à billes.

– O.K., qu'est-ce que vous voulez savoir?

– Je vais être franc avec toi: la localisation exacte du reste de la petite troupe. J'pense que les flics ne vont pas mettre plus d'un jour ou deux pour vous mettre le grappin dessus maintenant (un petit mensonge plausible) mais je veux que ce soit une affaire réglée dans la nuit. Evidemment jusqu'à ce que les flics m'annoncent que l'opération s'est déroulée comme convenu, tu resteras en notre compagnie…

Il n'eut même pas à montrer Pinto qui offrait un sourire rayonnant au type, sa bonne bedaine dépassant de son jean, où il tapotait nonchalamment la crosse brune de son Tokarev.

– Bon et là tout de suite j'aimerais que tu nous dises comment on peut t'appeler.

L'homme replongeait son regard dans celui d'Hugo.

– Je m'appelle Gustav Siemmens. C'est tout?

– Non, évidemment. Tu me diras aussi tout ce que tu sais sur votre bonne patronne, où elle se planque et aussi jusqu'où t'étais impliqué dans ses affaires. Ensuite seulement je te laisserai partir. Il faudra que la qualité ou le volume des informations atteigne un certain niveau, je ne te le cache pas.

L'homme soupira en plissant les yeux. Il prenait seulement pleinement conscience de la chose, de la merde dans laquelle il était.

– Il est évident que ce que je cherche c'est que ta trahison soit irrémédiable. Dès ce soir. Que tu ne puisses faire machine arrière et que tu sois dans l’obligation de te tirer au plus vite d'ici. Peut-être même d'Europe. En échange, je négocierai le délai maximal que je pourrai obtenir. En trichant même un peu avec les flics pour te filer du rab, si je suis content de toi.

– Qu'est-ce qui me prouve que vous tiendrez vos promesses?

– Une seule chose: le fait que j'aurais pu te tirer d'abord une rafale dans les jambes. Avant de commencer la discussion.

L'homme émit un vague assentiment en opinant doucement du chef.

Il pesa une décision, le regard tourné vers l'intérieur. Un choix douloureux, mais exécuté sans trop de remords visiblement.

– Bon, si j'obtiens vingt-quatre heures de délai tu peux considérer le marché comme réalisable.

– J'ai besoin d'une marge de manœuvre pour négocier. Tu descendras à douze heures. Ça te laisse amplement le temps de te barrer pour les antipodes.

Le type lui jetait un regard glacé qu'Hugo soutint d'un œil parfaitement neutre.

L'homme finit par laisser tomber:

– D'accord pour douze heures.

– Bien, laissa tomber Hugo négligemment, maintenant tu te réinstalles dans le coffre.

Et il montrait la gueule noire grande ouverte, comme déjà habituée à la présence de ce passager incongru.

À Almansil il trouva une cabine et un endroit discret pour garer la Nissan. Si le dénommé Siemmens avait communiqué la description de la caisse à ses complices il faudrait d'urgence la changer dès demain matin, à la première heure, pensa-t-il en ouvrant la porte vitrée à soufflets.

Il composa à toute vitesse la série de codes de sécurité, mais il lui semblait que des siècles passaient avant que la voix d'Anita ne résonne à nouveau à son oreille.

– Anita, j'écoute.

Tout allait bien.

– Bon, c'est toujours moi, Hugo. J'ai encore du nouveau. Silence et chuintement électrique de la ligne téléphonique.

– Quel genre?

Hugo mit de l'ordre dans sa tête, il n'avait pas vraiment préparé son speech.

– Genre imprévisible. Bon voilà: à la sortie de Faro, avec Pinto, je me suis rendu compte qu'on était suivi… Je… comment dire… On cherchait Travis, vous voyez, et je voulais pas trop conduire ce type dans la bonne direction…

– C'est normal.

Elle en convenait aussi. Ça pourrait marcher.

– Bon, donc j'ai improvisé et… on a quitté la nationale, vers Silvès.

– O.K, Hugo…, soupira-t-elle.

Ça voulait dire d'aller droit au but, ça.

– Bon, on a trouvé une espèce de piste vers la Serra de Caldoeiro. Une route déserte, voyez. Y'faisait nuit. On a piégé le mec.

A nouveau le silence et l'électricité, sur lesquels se posait un souffle gracile.

Il se demanda s'il avait expliqué la chose avec suffisamment de concision.

– Bon dieu. Vous avez son identité?

– Il m'a dit s'appeler Gustav Siemmens, écoutez voilà, je…

– Vous avez vérifié?

– Quoi, vérifié?

– Son identité. Vous avez vérifié son identité?

Putain pensa-t-il suprêmement agacé, non, il etait pas flic, lui.

– Non j'ai quelque chose de plus important à vous dire dans l'immédiat.

Un soupir.

– O.K. Quoi?

– On peut traiter avec lui. Il nous donne la cache de ses complices. Nous refile tout ce qu'il sait sur la mère Kristensen. Ce qu'il faisait et l'organigramme complet de l'organisation, en échange de quoi vous lui octroyez une douzaine d'heures de délai pour qu'il disparaisse dans la nature.

Un long silence électrique, avec ce souffle posé, diaphane, à la limite du perceptible.

– Vous avez déjà engagé des tractations avec lui?

La voix était sévère. Et réclamait un éclaircissement immédiat.

– Non, je lui ai dit que je devais d'abord avoir l'autorisation légale d'un officier de police judiciaire. Mais c'est vrai qu'il est déjà d'accord. Si on lui donne une douzaine d'heures il nous crache tout ce qu'il sait. Là, tout de suite. Les flics n'auront plus qu'à foncer jusqu'à leur planque et ça nous débarrassera d'une. énorme épine dans le pied, pour retrouver Travis, vous saisissez? On décapite toute la bande et on asphyxie la Eva K. sous la pression des flics. On trouve Travis tranquillement, on lui remet Alice et vous vous occuupez de la scène finale avec Mme Kristensen.

Une nouvelle virgule de silence.

– Je vois… Et vous?

Tiens… Elle manifestait un intérêt pour ce qui allait advenir de lui, sur l'autre branche du futur.

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