Il voulait dire après les interrogatoires et la longue marche de la justice.
– Je ne sais pas encore, lui répondit Travis. Peut-être Barcelone, ou alors l'Irlande, voire retourner aux Pays-Bas… Il faudra que j'en parle avec Alice…
– Dommage, susurra Hugo, malgré lui.
– Qu'est-ce que voulez dire?
Hugo tenta de ne pas paraître trop sibyllin, sans rien dévoiler de vraiment important.
– Eh bien, je connais des gens qui seraient foutrement intéressés par votre expérience, Travis.
– Vous pensez à quoi exactement?
– À votre expérience dans le domaine du pilotage et de la navigation, à votre connaissance des techniques navales les plus modernes… A votre sens de la clandestinité.
– J'ai la responsabilité d'Alice, maintenant… Je vais me consacrer à la peinture et à la plaisance.
– Oui, murmura Hugo. C’est pour ça que je ne voulais pas vraiment vous en parler.
Puis le Land Cruiser de l'Anglais avait continué vers Sagrès, vers la Casa Azul où il devrait demander l'inspecteur Peter Spaak, de la police d'Amsterdam.
Anita et lui avaient repris la route dans la Fiat, sans dire un seul mot.
A Faro ils s'étaient longuement regardés devant le capot de la BMW, avant de s'enlacer. Il avait vainement tenté de garder ses distances.
Elle avait senti le truc et avait plongé ses yeux au plus profond de lui.
– Je… je me fiche de vos putains d'occupations occultes, Hugo… je trouve simplement stupide que nous nous quittions comme ça, comme si rien n'était arrivé… Laissez-moi quelque chose, une adresse, un numéro de téléphone.
Elle se pendait à son cou et Hugo fit un effort surhumain pour la repousser.
Ses pieds lui semblaient solidifiés dans le béton.
– Je… c'est impossible… je dois quitter le Portugal au plus vite, Anita, je n'y suis pour rien… Je repasserai sans doute à Amsterdam. Vous savez…
Il tenta de faire passer du regard à quel point c'était vrai. Mais il vit un voile de tristesse troubler celui de la jeune femme. Bon sang, hurlait une voix dans sa tête, mais qu'est-ce que tu fous, nom de dieu, embrasse-la et emmène-la à trois mille kilomètres d'ici. Mais une autre voix tout aussi belliqueuse lui criait, en écho:
«Putain dégage, déguerpis d'ici avant qu'il ne soit trop tard, sois un peu réaliste.»
Il ne sut d'où lui vint l'instinct qui le fit agir. Il l'embrassa longuement et maintint son visage à moins d'un centimètre du sien. Un regard brouillé le fixait.
Puis il s'était engouffré dans l'habitacle et avait démarré dans la seconde.
Il ne put détacher ses yeux du rétroviseur alors qu'elle disparaissait lentement, toute seule sur le parking.
Alors qu'il franchissait la frontière, l'image était toujours là.
Il savait qu'il mettrait des siècles pour l'oublier.