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– Monsieur le marquis, votre parole d’honneur est plus que suffisante! Votre première réponse me satisfaisait déjà, et je suis prêt à partir avec mon fils quand il vous plaira!

Dès le lendemain, ils se mirent en route. Le petit Henry était alors un délicieux bambin de quatre ans, déjà solide et éveillé.

Richelieu les reçut dans une grande salle du château où était né Henri IV.

Déjà marqué par la mort, le visage amaigri, les mains osseuses et quasi squelettiques, l’œil toujours aussi lumineux, il semblait, au seuil du tombeau, plus grand encore qu’au sommet de sa vie.

Malgré son audace naturelle Gaëtan-Nompar-Francequin de Castel-Rajac se sentit tout à coup dominé par la majesté de celui qui, depuis tant d’années, était le véritable roi de France.

Au regard bienveillant que «l’homme rouge» lui adressa, et à l’appel affectueux de la main qu’il fit au petit Henry qui le contemplait d’un air un peu effarouché, mais respectueux, comme si, d’instinct, il devinait qu’il se trouvait en face d’une des plus grandes forces humaines qui eussent jamais existé, l’ami de la duchesse de Chevreuse comprit que M. de Navailles lui avait dit la vérité, et qu’il avait bien fait de ne point se dérober à l’appel du cardinal-ministre.

Celui-ci, d’une voix grave, lui dit:

– Monsieur le chevalier, si je vous ai mandé près de moi, ce n’est point dans un sentiment de curiosité, et encore moins de rancune; c’est parce que je voulais, avant de mourir, avoir de votre bouche toute la vérité.

Et, attirant l’enfant près de lui, il les regarda successivement avec beaucoup d’attention, puis il reprit:

– Je voudrais vous parler seul un instant.

Gaëtan prit le petit par la main et, l’emmenant au bout d’une vaste salle, près d’une grande fenêtre qui donnait sur la cour d’honneur, il lui dit:

– Regarde tous ces cavaliers… regarde-les bien, afin d’être un jour comme eux!

L’enfant s’absorba dans la contemplation des officiers et des gardes qui cavalcadaient sur le pavé. Le Gascon revint alors vers Richelieu, qui se disait:

– Il n’est pas encore tranquille, puisqu’il n’a pas voulu emmener le petit hors de sa présence. Cela prouve qu’il est aussi prudent que brave et cela n’est point pour me déplaire.

Castel-Rajac, qui s’était approché de Richelieu, attendait, dans une attitude pleine de déférence, que celui-ci daignât lui adresser la parole. Après l’avoir considéré pendant un instant l’homme rouge reprit:

– Savez-vous, monsieur le chevalier, que vous avez été mêlé à une aventure qui aurait pu vous coûter la tête?

– Je le sais, Éminence!

– Sans doute, vous êtes-vous étonné qu’après la tuerie du château de Montgiron, je n’eusse point songé à châtier ceux qui avaient massacré mes gardes?

Avec sa netteté habituelle, Gaëtan répondait:

– J’ai supposé que Votre Éminence avait perdu ma trace, ainsi que celle de mes amis!

– Il n’en était rien, monsieur! À peine un mois après votre rébellion, je connaissais le lieu de votre retraite, et si je vous ai épargné, c’est que j’ai appris que vous aviez agi en très bonne foi, et que si vous aviez pourfendu plusieurs de mes meilleurs soldats c’était uniquement pour tenir le serment d’honneur que vous aviez fait à la duchesse de Chevreuse, de défendre jusqu’à la mort l’enfant qu’elle vous avait confié.

Tout en s’inclinant légèrement, Gaëtan répondait:

– Je constate que Votre Éminence est admirablement renseignée!

– Maintenant, monsieur, j’ai une question très grave à vous poser. Elle est même la vraie raison pour laquelle je vous ai fait venir ici.

Tout en fixant dans les yeux le Gascon, qui soutint son regard avec la tranquille énergie d’une âme sincère, il dit:

– Connaissez-vous le père et la mère de cet enfant?

Spontanément, l’amant de la belle Marie répliquait:

– Le père… je m’en doute un peu…

– Il est inutile de me dire que c’est vous, coupait Richelieu, car je ne vous croirais pas, bien que vous l’eussiez déclaré sur le registre de baptême de l’église de Saint-Marcelin. D’ailleurs, cela n’a que peu d’importance… Mais la mère… Connaissez-vous la mère, ou plutôt, le nom de la mère?

– Non, Éminence…

– La duchesse de Chevreuse n’a jamais laissé échapper devant vous aucune parole qui fût de nature à éveiller vos soupçons?

– Jamais, Éminence!

– Et vous, n’avez-vous même point cherché à pénétrer ce secret qui doit être d’importance, puisqu’on a fait autour de lui un si grand mystère?

– Non, Éminence…

– Vous me le jurez?

– Je vous le jure…

Le cardinal garda un moment le silence. Puis il reprit:

– Êtes-vous ambitieux, chevalier?

Castel-Rajac sourit.

– Oh! pas du tout! J’aime mon pays, son soleil, ses paysages; cette vie simple me suffit, et je ne demande ni la richesse, ni la gloire.

– Cependant, vous me paraissez doué de qualités telles qu’il est dommage de penser qu’elles demeureront stériles… Vous n’êtes guère fortuné, mais vous êtes de bonne souche. J’ai là, dans cette cassette, un brevet de colonel. Que diriez-vous si je le signais?

Le chevalier s’inclina.

– Éminence, je serais pénétré envers vous de la plus profonde reconnaissance…

Et, avec finesse, il ajouta:

– Il va donc y avoir la guerre?

Richelieu répliqua:

– Pourquoi me dites-vous cela?

– Mais, Éminence, parce que s’il n’y a point de guerre, il n’y a pas lieu de me nommer colonel!

– Et s’il y a la guerre?

– Eh! mordiou, je me battrai en soldat!

Le grand cardinal dissimula un rapide sourire. Cette verve gasconne l’amusait. Il étendit la main pour saisir la cassette et mettre sa promesse à exécution. Mais le chevalier l’arrêta respectueusement.

– Pardonnez-moi, Éminence… Mais il existe un motif qui m’interdit l’honneur et la joie d’accepter l’immense faveur que vous daignez me proposer…

Le cardinal prit un air interrogatif.

Alors, Castel-Rajac, désignant le petit Henry qui continuait à regarder dans la cour les évolutions des cavaliers, fit, avec une profonde tendresse:

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