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Тютчевой Эрн. Ф., 7 августа 1867

134. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 7 августа 1867 г. Москва

Moscou. Lundi. 7 août

Non, mille fois non. Je ne peux pas, je ne veux pas me résigner à la paralysie de tes pieds et de tes mains. Je ne veux pas accepter, comme définitif, cet état d’impotence dont tu me parles dans ta lettre du 27 juillet, et qui devait disparaître tout naturellement par le progrès de la convalescence. — Je vois clairement à travers les demi-aveux que ce progrès est nul et que ton état, à tout prendre, a plutôt empiré qu’il ne s’est amélioré dans ces derniers temps. Je ne puis dire l’horrible inquiétude que tout cela me donne. Mais c’est une inquiétude morose, désespérée, et qui pèse sur moi comme un cauchemar. — Ce qui m’achève, c’est l’absurde incertitude où je vis ici relativement aux couches d’Anna. Tous les termes sont dépassés, et il n’y a plus un calcul raisonnable à faire, pour s’orienter. En attendant, Kitty et ma sœur s’en iront d’ici le 10 de ce mois, c’est-à-d jeudi prochain, et il faudra, Kitty partie, attendre l’arrivée de la vieille Mad Aksakoff, pour avoir une marraine pour cet enfant à naître. Tu vois d’ici cette interminable perspective de délais possibles et même probables. Je ne saurai te dire l’état d’exaspération où tout cela me met et que je suis obligé de dissimuler. Ces délais compromettent non seulement ma course à Ovstoug, mais ils vont me mettre dans l’obligation de m’adresser à je ne sais plus qui à Pétersb, pour demander un congé en forme, chose que j’avais espéré de pouvoir éviter. Tout cela ne serait qu’un demi-mal, si j’avais l’esprit tranquille sur ton compte, et si je ne sentais comme un abîme tout prêt à s’ouvrir entre toi et moi. Ah, je pensais que des angoisses de cette nature me seraient épargnées, et que rien ne viendrait ébranler la certitude où j’étais… de m’en aller d’ici d’auprès de toi… En te disant ceci, je te livre le spectre qui m’obsède sans relâche — et que je retrouve à poste fixe chaque fois que je suis livré à moi-même.

Tu sais que je me suis donné la distraction d’aller à Troïtza assister au jubilé du Métropolitain de Moscou. C’était assurément une belle fête, d’un caractère tout particulier — très sollennelle et pas le moins du monde théâtrale, et vingt fois, en y assistant, j’ai pensé à Marie qui aurait vivement et excellemment apprécié ce que je voyais se passer sous mes yeux… Vous trouverez tous les détails de cette journée dans les journaux, avec le texte des adresses, discours, etc. Mais ce qui est difficile à saisir, à moins de l’avoir vu, c’est la physionomie qu’imprimait à tout cela l’individualité de l’homme qui était le héros de cette fête.

J’étais dans la salle de réception à deux pas du fauteuil, devant lequel il se tenait la plupart du temps debout, en recevant les adresses et félicitations qu’on lui offrait, — petit, frêle, réduit à la plus simple expression de son être physique, mais l’œil plein de vie et d’intelligence, et dominant par une force supérieure incontestable tout ce qui se passait autour de lui. — Quand il répondait, c’était la voix d’une ombre. Ses lèvres remuaient, mais la parole qui en sortait n’était plus qu’un souffle…

Devant toute cette apothéose il était parfait de simplicité et de naturel, et il avait l’air de n’accepter tous ces hommages que pour les transmettre à quelqu’un d’autre, à quelqu’un dont il n’était là que le mandataire accidentel. C’était très beau… C’était vraiment la fête de l’Esprit.

Le service divin avait été d’une magnificence et d’une ampleur remarquable. J’y ai assisté dans la grande église de l’Assomption, aussi grande que celle de Moscou, — dans l’enceinte même de l’autel. — Six archevêques officiaient avec trois archiprêtres mitrés dont l’un était Рождественский qui, par parenthèse, m’a bien recommandé de dire mille tendresses à Marie dont la dernière visite lui est restée très présente. — Tout l’intérieur de l’autel était comme une ruche sacrée, les abeilles de l’or le plus vif allant et venant avec toute sorte de bourdonnements profonds et mystérieux. — A deux heures on a servi le banquet pour deux cents convives, auquel pourtant le Monseigneur Philarète n’a point assisté. Son fauteuil est resté vide, à droite du fauteuil — les dignitaires laïques, à gauche — dix archevêques, arrivés exprès pour assister à cette festivité. Un diacre à la voix tonnante proclamant les santés, le second toast aux quatre patriarches d’Orient, et la chapelle du Métropolitain chantant des cantiques pendant toute la durée du repas.

On retrouvait dans tous les détails comme un cachet de l’église d’Orient. C’était grandiose et parfaitement sérieux…

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Mais tout cela ne fait pas que tu aies recouvré l’entier usage de tes mains et de tes pieds, et qu’il ne te reste encore dans le sang des traces de ton horrible empoisonnement. — Depuis trois jours le temps ici est d’une magnificence rare, et il est possible que tu en ressentiras la bonne influence… Quant à moi, je continue toujours à souffrir de mon mal habituel qui parfois s’exaspère d’une manière détestable. Mais tout ceci ne serait rien si je n’avais pas l’esprit incessamment bourrelé. Ah oui, je me sens bien triste.

Перевод

Москва. Понедельник. 7 августа

Нет, тысячу раз нет. Я не могу, я не хочу примириться с тем, что руки и ноги плохо тебе повинуются. Я не хочу считать законной ту слабость, о которой ты говоришь в письме от 27 июля и которая, по естественному ходу вещей, должна была бы исчезать по мере выздоровления. — Я ясно читаю меж твоих строк, что ты нисколько не поправляешься и что в целом твое состояние за последнее время скорее ухудшилось, чем улучшилось. Не могу выразить, какую страшную это поселяет во мне тревогу. Тревогу мрачную, отчаянную, душащую меня как кошмар. — А тут еще нелепая неизвестность относительно родов Анны, которая окончательно меня добивает. Все сроки давно прошли, и невозможно уже более полагаться ни на какие разумные расчеты. Между тем Китти и моя сестра уезжают отсюда 10-го числа сего месяца, то есть в ближайший четверг, и придется ждать прибытия старой госпожи Аксаковой, чтобы она заменила Китти в роли крестной матери ожидаемого ребенка. Ты видишь эту бесконечную перспективу возможных и почти неизбежных затяжек. Нет нужды говорить тебе, в каком я посему пребываю раздражении, не имея права его обнаруживать. Ведь эти затяжки не только срывают мою поездку в Овстуг, но в конце концов вынудят меня обратиться уж и не знаю к кому в Петербурге с просьбой о формальном отпуске, чего я надеялся избежать. Да это бы полбеды, если бы моя душа не болела за тебя и если бы у меня не было такого чувства, будто между тобою и мной вот-вот разверзнется бездна. Ах, не думал я, что мне предстоят беспокойства такого рода и что что-то способно поколебать мою уверенность… в отъезде отсюда к тебе… Ну вот я и познакомил тебя с призраком, который неотступно преследует меня — и возникает передо мной всякий раз, как я оказываюсь наедине с собой.

Ты знаешь, что я для отвлечения ездил к Троице на юбилей митрополита Московского. Это был поистине прекрасный праздник совершенно особенного свойства — очень торжественный и отнюдь не театральный, и, присутствуя на нем, я двадцать раз принимался думать о Мари, которая живо и точно оценила бы то, что происходило у меня на глазах… Вы найдете в газетах все подробности чествования с текстами адресов, речей и т. д. Однако человеку, не бывшему его свидетелем, трудно ощутить ту атмосферу, которая создавалась личностью героя торжества.

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