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Le comte, riant en lui-même du succès de sa feinte, la quitta en lui promettant de réfléchir à l’explication qu’il aurait avec le Corinthien et en lui donnant jusqu’au soir pour y réfléchir elle-même.

La marquise courut trouver Yseult, et lui raconta de point en point tout ce que le comte venait de lui dire. Yseult l’écouta avec une vive émotion. Sa figure s’éclaira d’une joie étrange; et la marquise, en finissant son récit, vit avec surprise des larmes d’enthousiasme inonder le visage de sa cousine.

– Eh bien, lui dit-elle, qu’as-tu donc, et que penses-tu de tout cela?

– Ô mon cher, mon noble aïeul! s’écria Yseult en levant les yeux et les mains vers le ciel; j’en étais bien sûre, j’avais bien raison de compter sur lui! Je le savais bien, moi, que, dans l’occasion, sa conduite s’accorderait avec ses paroles! Oh! oui, oui, Joséphine, il faudra épouser le Corinthien!

– Mais je ne te comprends pas, Yseult: tu me disais tantôt qu’il ne me rendrait jamais heureuse, qu’il fallait rompre avec lui; et maintenant tu me conseilles de m’engager à lui pour toujours!

– J’avais cru devoir te parler ainsi et te montrer les défauts de ton amant pour te guérir d’un amour qui me semblait coupable. Mais mon père a eu le vraie morale, lui! Il t’a conseillé de redevenir fidèle à ton mari, à l’approche de cette heure solennelle, après laquelle tu seras libre, et pourras faire le serment d’un amour plus légitime et plus heureux!

– Ainsi tu me conseilles toi-même d’épouser le Corinthien! Et son ambition, et sa jalousie, et ses outrages, dont j’ai tant souffert, et son amour pour la Savinienne qui n’est peut-être pas éteint? Tu oublies que cette nuit je l’ai chassé d’ici dans un accès de haine et de colère inexprimable.

– Il reviendra te demander pardon de ses torts, et tu le corrigeras de ses défauts en le guérissant de ses souffrances, en lui prouvant ta sincérité par des promesses…

– C’est de la folie! s’écria la marquise poussée à bout. Ou vous jouez, ton père et toi, une comédie pour m’éprouver, ou vous êtes sous l’empire de je ne sais quel rêve de républicanisme romanesque auquel vous voulez me sacrifier. Je voudrais bien voir ce que dirait mon oncle si tu voulais épouser Pierre Huguenin, et ce que tu dirais toi-même si on te le conseillait!…

Yseult sourit, et déposa sans rien répondre un long baiser sur le front de sa cousine. Son visage avait une expression sublime.

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