– Qu’a-t-il donc à dormir ainsi les yeux ouverts? Il a l’air de rêvasser dans la fièvre. Réveille-toi tout à fait, mon Pierre, cela te vaudra mieux que de trembler et de soupirer comme tu fais.
Ainsi parlait le père Huguenin, et il secouait son fils pour l’éveiller. Pierre obéit machinalement, et se souleva; mais les cieux n’étaient pas encore refermés pour lui. Il ne dormait plus; mais il voyait encore passer autour de lui des formes idéales, et les accords des lyres sacrées résonnaient à ses oreilles. Il était debout et sa vision était à peine dissipée. Il était surtout frappé du parfum des fleurs qui le suivait jusque dans la réalité. – Est-ce que vous ne sentez pas l’odeur des roses et des lis? dit-il à son père qui le regardait d’un air inquiet.
– Je le crois bien, dit le père Huguenin, tu as des fleurs plein ta chemise; on dirait que tu as voulu faire de ta poitrine un reposoir de la Fête-Dieu.
Pierre vit en effet les fleurs d’Yseult s’échapper de son sein et tomber à ses pieds.
– Ah! dit-il en les ramassant, voilà ce qui m’a procuré ce beau rêve! Et, sans se plaindre d’avoir été interrompu, il se remit à l’ouvrage plein de force et d’ardeur.