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— Elle a tout à craindre, au contraire ! intervint Adalbert. Si ceux qui la gardent apprennent la mort de Goldberg, ils la tueront ! Hilary, s’il reste en vous quelque chose de ce que j’ai aimé, ne vous chargez pas de ce nouveau crime. Il s’agit d’une jeune femme… que l’on ne peut approcher sans l’aimer et…

— Peste ! Quelle flamme ! Vous faites apparemment partie de la troupe ?

— Je ne crois pas que vous ayez encore le droit de m’interroger à ce sujet ? Cependant je veux bien admettre que je voue à Lisa Morosini un affectueux dévouement.

— Cela ne m’intéresse pas. Assez causé : les émeraudes, prince !

— Le premier qui m’approche, je l’abats !

Un geste rapide et la gueule noire du revolver apparut au poing de Morosini. Hilary, qui s’avançait déjà une main tendue, s’arrêta et même recula :

— Ne faites pas l’imbécile : elle n’a rien à craindre, vous dis-je !

— Qu’en savez-vous ?

— Oh, j’ai pour cela la meilleure des raisons : c’est en mon pouvoir qu’elle est maintenant. Ce… ce digne personnage l’avait amenée avec lui. Je n’ai eu qu’à la cueillir !

— Vraiment ? En ce cas tout est simple : rendez-la-moi et les émeraudes sont à vous. Je n’ai jamais eu l’intention de les garder.

— De ce dernier point je ne doute pas mais, si je vous suivais sur ce chemin, vous auriez tôt fait de me faire rattraper par la police et de reprendre ces si précieux cailloux.

— Non. Vous avez ma parole. Je n’ai aucune raison de vouloir conserver ces pierres. Bien au contraire ! Elles sont le pire porte-guigne que je connaisse !

— On ne m’a pas si facilement, mon cher prince, et je ne vous crois pas ! Il se trouve que j’ai besoin d’elle. Justement pour vous obliger à vous tenir tranquille pendant que je disparaîtrai. Elle vous sera rendue… en temps voulu.

— Pourquoi vous croirais-je alors que vous refusez ma parole ? Donnez l’ordre qu’on aille la chercher… ou je vous tue.

Il n’eut pas le temps d’ajouter un mot. Apparemment, les troupes de l’aventurière étaient plus nombreuses qu’il ne le croyait. Sortis de nulle part, deux hommes bondirent sur Aldo par-derrière et le maîtrisèrent. Instinctivement il appuya sur la gâchette et le coup partit mais la balle fila vers le ciel. Pendant ce temps, d’autres Arabes s’étaient emparés d’Adalbert. Un instant plus tard, tous deux étaient réduits à l’impuissance et proprement ligotés après qu’Hilary elle-même eut fouillé Aldo et découvert, sans peine aucune, les « sorts sacrés » enveloppés d’un mouchoir de soie dans la poche de poitrine intérieure de son smoking.

Elle les contempla avec le sourire que toute femme digne de ce nom réserve à la beauté :

— Quelles merveilles ! En vérité, elles valent bien la peine que nous nous sommes tous donnée…

— La vôtre n’a pas été si grande mais cela pourrait changer ! N’oubliez pas qu’elles portent malheur…

— Je n’ai pas l’intention de m’en parer et, de toute façon, je ne suis pas superstitieuse… Navrée de vous quitter à présent, chers amis. La fin de la nuit sera sans doute inconfortable mais du moins personne n’aura l’idée de vous accuser du meurtre de Goldberg ! Ceci compense cela.

— Vous ne l’emporterez pas en paradis, Hilary Dawson ! grogna Adalbert furieux…

Elle tourna vers lui un sourire presque tendre :

— À mon âge on a encore le temps de penser au Paradis et moi je préfère m’en créer un sur la terre. Adieu, mon cœur ! Et… à propos, je ne m’appelle pas vraiment Hilary Dawson. Quant à ma supposée famille, c’était une réunion d’amis chers qui ont bien voulu jouer le rôle.

— Y a-t-il en vous quelque chose de vrai ? fit Aldo avec dédain. En tout cas, retenez ceci : où que vous soyez je vous retrouverai et je vous ferai payer tout cela.

Il eut droit à la fin de son sourire :

— Je vais mourir de peur, mon cher Aldo ! En attendant, permettez-moi de vous dire que, pour un homme de goût, vous en manquez singulièrement en matière matrimoniale : cette grosse femme et vous ne devez pas former un couple bien assorti !…

Emmenant sa déplaisante troupe avec elle, Hilary quitta la piscine de Siloé, laissant ses prisonniers sous le coup de ses derniers mots. Cependant, Aldo attendit un moment avant d’exprimer sa surprise :

— Lisa, une grosse femme ? C’est impossible, voyons ! Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ?

— Que Goldberg avait dû se faire accompagner par quelqu’un d’autre et que ce n’est pas Lisa que cette damnée créature a emmenée…

— Autrement dit, Lisa est toujours au pouvoir des gardiens à qui cet homme l’avait confiée ? Et toujours en danger de mort… Bon Dieu ! c’est à devenir fou ! Et combien de temps allons-nous encore rester ici, ficelés comme des salamis ?

— Je n’ai pas de réponse à ta question, mon pauvre vieux, soupira Adalbert qui se tortillait dans ses cordes dans l’espoir de trouver un moyen de s’en libérer. Tes liens sont-ils aussi serrés que les miens ?

— Je le crains, mais si on réussit à se coucher de côté, tu pourrais peut-être essayer d’attaquer ceux de mes mains avec tes dents. Ou vice versa…

— Le malheur c’est qu’on n’y voit pas grand-chose…

Un mince jet de lumière lui apporta un soudain démenti. Aussitôt Adalbert se mit à crier :

— Par ici !… On est là !… Au secours !

La lumière s’agita au rythme de pas plus rapides puis vint les éclairer de plein fouet accompagnée d’une exclamation satisfaite :

— Je me demandais où vous étiez passés, fit le lieutenant Mac Intyre en tirant de sa poche un couteau suisse à l’aide duquel il attaqua les premiers liens qui se présentaient à lui et qui étaient ceux d’Adalbert…

— Vous nous aviez suivis ? demanda celui-ci.

— Oui… de loin. Une idée comme ça… au cas où vous auriez besoin d’aide…

— C’est le cas ! Et, en venant, vous n’avez rencontré personne ?

— Non. Je vous avais même perdus et j’étais assez loin quand j’ai entendu le coup de feu… Alors je suis revenu…

— Et vous n’avez vu personne ? insista Adalbert. Une jeune femme blonde vêtue de noir et une bande d’Arabes ?

— Mais non, je vous assure !

— Ils ont dû prendre le tunnel d’Ezéchias, murmura Aldo. La fontaine de la piscine ne coule plus. Ou peut-être se sont-ils dispersés ? Et à propos de piscine, regardez un peu, lieutenant, ce qu’il y a dedans ! Vous découvrirez le cadavre d’un rabbin nommé Abner Goldberg.

Le pinceau lumineux obéit, dessina la masse noire qui flottait doucement.

— Seigneur ! gémit le jeune homme. Un rabbin !… Ça va faire une histoire de tous les diables ! Et, en plus, les Juifs crieront qu’il faut purifier ce bassin ! C’est vous qui l’avez tué ?

— Mais bien sûr, voyons ! explosa Morosini. Nous l’avons tué alors qu’il était le seul à savoir où se trouve ma femme et ensuite, comme nous sommes très futés, nous nous sommes ficelés afin de nous procurer un parfait alibi ? Vous rêvez, Mac Intyre, ou quoi ?

— Oh, je suis désolé !… Je ne réalisais pas… Seulement, je ne comprends plus rien : vous ignorez toujours où est la princesse Morosini ?

— On se tue à vous le dire. Je crois, ajouta Vidal-Pellicorne avec un soupir, qu’il va falloir tout lui expliquer… et en détail. Alors, si vous le voulez bien, on rentre à l’hôtel et on cause. Mais vous voulez peut-être prévenir la police ?

— Oh, moi, je ne préviens personne, protesta le lieutenant. Je laisse ce soin aux premiers promeneurs qui viendront ici. Pour le reste, les Juifs s’arrangeront avec les Arabes puisque le poignard que je vois là-bas a tout l’air de signer le crime. Je ne tiens pas à être pris dans la tempête. Mon colonel serait capable de me casser ! Filons d’ici !

Remettant dans sa poche le couteau dont il venait de se servir avec tant d’efficacité, il se disposait à prendre le chemin du retour quand Morosini l’arrêta :

— Un moment ! Ne crois-tu pas, Adal, que nous ferions mieux de faire disparaître ce cadavre ? Si les gens qui gardent Lisa ne voient pas revenir Goldberg, ils risquent de s’en prendre à elle et ils la tueront à coup sûr quand ils apprendront sa mort. Souviens-toi de la lettre : il faut qu’il aille lui-même la rechercher et avec les mots convenus…

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