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– Dites, dites.

– Je vous dis: «Mon petit maréchal, cessez de regarder indifféremment cette prune, que vous ne regardez indifféremment, au reste, que parce qu’elle n’est point pour vous; désirez-la avec moi, mon cher maréchal; convoitez-la avec moi, et si vous me secouez l’arbre comme il faut, si la prune tombe, eh bien!…»

– Eh bien?

– «Eh bien, nous la mangerons ensemble.»

– Bravo! fit le duc en frappant les deux mains l’une contre l’autre.

– Est-ce cela?

– Ma foi, comtesse, il n’y a que vous pour finir un apologue. Par mes cornes! comme disait feu mon père, comme c’est galamment troussé!

– Vous allez donc secouer l’arbre, duc?

– À deux mains trois cœurs, comtesse.

– Et la prune était-elle bien une reine-claude?

– On n’en est pas parfaitement sûr, comtesse.

– Qu’est-ce donc?

– Il me paraît bien plutôt que c’était un portefeuille qu’il y avait au haut de cet arbre.

– À nous deux le portefeuille, alors.

– Oh! non, à moi tout seul. Ne m’enviez pas ce maroquin-là, comtesse; il tombera tant de belles choses avec lui de l’arbre, quand je l’aurai secoué, que vous aurez du choix à n’en savoir que faire.

– Eh bien, maréchal, est-ce une affaire entendue?

– J’aurai la place de M. de Choiseul?

– Si le roi le veut.

– Le roi ne veut-il pas tout ce que vous voulez?

– Vous voyez bien que non, puisqu’il ne veut pas renvoyer son Choiseul.

– Oh! j’espère que le roi voudra bien se rappeler son ancien compagnon.

– D’armes?

– Oui, d’armes, les plus rudes dangers ne sont pas toujours à la guerre, comtesse.

– Et vous ne me demandez rien pour le duc d’Aiguillon?

– Ma foi, non; le drôle saura bien le demander lui-même.

– D’ailleurs, vous serez là. Maintenant, à mon tour.

– À votre tour de quoi faire?

– À mon tour de demander.

– C’est juste.

– Que me donnerez-vous?

– Ce que vous voudrez.

– Je veux tout.

– C’est raisonnable.

– Et je l’aurai?

– Belle question! Mais serez-vous satisfaite, au moins, et ne me demanderez-vous que cela?

– Que cela, et quelque chose encore avec.

– Dites.

– Vous connaissez M. de Taverney?

– C’est un ami de quarante ans.

– Il a un fils?

– Et une fille.

– Précisément.

– Après?

– C’est tout.

– Comment, c’est tout?

– Oui, ce quelque chose qui me reste à vous demander, je vous le demanderai en temps et lieu.

– À merveille!

– Nous nous sommes entendus, duc.

– Oui, comtesse.

– C’est signé?

– Bien mieux, c’est juré.

– Renversez-moi mon arbre, alors.

– J’ai des moyens.

– Lesquels?

– Mon neveu.

– Après?

– Les jésuites.

– Ah! ah!

– Tout un petit plan fort agréable, que j’avais formé à tout hasard.

– Peut-on le savoir?

– Hélas! comtesse…

– Oui, oui, vous avez raison.

– Vous savez, le secret…

– C’est la moitié de la réussite, j’achève votre pensée.

– Vous êtes adorable!

– Mais, moi, je veux aussi secouer l’arbre de mon côté.

– Très bien! secouez, secouez, comtesse; cela ne peut pas faire de mal.

– J’ai mon moyen.

– Et vous le croyez bon?

– Je suis payée pour cela.

– Lequel?

– Ah! vous le verrez, duc, ou plutôt…

– Quoi?

– Non, vous ne le verrez pas.

Et, sur ces mots, prononcés avec une finesse que cette charmante bouche seule pouvait avoir, la folle comtesse, comme si elle revenait à elle, abaissa rapidement les flots de satin de sa jupe, qui, dans l’accès diplomatique, avait opéré un mouvement de flux équivalent à celui de la mer.

Le duc, qui était quelque peu marin, et qui, par conséquent, était familiarisé avec les caprices de l’Océan, rit aux éclats, baisa les mains de la comtesse, et devina, lui qui devinait si bien, que son audience était finie.

– Quand commencerez-vous à renverser, duc? demanda la comtesse.

– Demain. Et vous, quand commencerez-vous à secouer?

On entendit un grand bruit de carrosses dans la cour, et presque aussitôt les cris de Vive le roi!

– Moi, dit la comtesse en regardant par la fenêtre, moi, je vais commencer tout de suite.

– Bravo!

– Passez par le petit escalier, duc, et attendez-moi dans la cour. Vous aurez ma réponse dans une heure.

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