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– Que veux-tu faire?

– Tu me le demandes? Écrire à la Savinienne, lui dire que nous l’attendons, que l’un de nous ira la chercher à moitié chemin, tandis que l’autre retiendra et préparera son logement dans le village. Est-ce que ce n’est pas là mon devoir?

– Sans aucun doute, Amaury; mais le dépit est un mauvais garant du devoir. J’aimerais mieux que tu écrivisses cette lettre demain, à tête reposée.

– Je veux l’écrire tout de suite.

– Parce que tu sens que demain tu n’en auras plus la force.

– Je l’aurai; j’écrirai encore demain, et encore après-demain, si tu veux; j’ai plus de force que tu ne crois.

– Amaury, si tu écris, la Savinienne viendra. Elle croira en toi, et, moi, je ne sais si j’aurai le courage d’en douter assez pour la désabuser. Si elle vient, et qu’elle te trouve aux pieds de la marquise, comment faudra-t-il considérer ta conduite?

– Comme celle d’un lâche ou d’un fou.

– Prends garde d’être fou. N’écris pas encore…

Le Corinthien écrivit pourtant; il écrivit dans la nuit, sous l’empire d’une indignation et d’un dégoût profonds pour la marquise. Aussitôt que le jour parut, il courut porter sa lettre à la poste, et elle partit avant que Pierre, vaincu par la fatigue, se fût réveillé.

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