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«C'était incroyable à voir, il l'a couchée par terre et lui a dévoré la gorge. Ses dents s'enfonçaient et ne lâchaient plus prise, plus elle cherchait à lui échapper, plus il la déchiquetait. L'autre fille était dans la chambre. Comme il y avait du bruit, elle est venue voir, elle était dans les vapes, complètement, se tenait aux murs pour avancer vers nous. Elle ne croyait pas ce qu'elle voyait. J'avais beau rappeler Macéo, il s'acharnait sur l'autre et lui chopait la viande à pleins crocs, lui en arrachait des morceaux en grognant furieusement, je ne l'avais jamais vu comme ça. Alors la brune s'est mise à hurler, elle a essayé de l'arrêter, et il s'en est pris à elle. Il aurait fallu que tu voies ça: babines retroussées il l'a collée contre le mur. Il était debout, ses pattes contre ses épaules et il lui bouffait la gueule, puis elle s'est affaissée et il l'a finie par terre.

«J'avais peur de lui moi aussi, et je me disais qu'il était devenu fou et qu'il allait falloir le piquer. Mais au bout d'un moment, il s'est calmé, et il est venu entre mes jambes, il était redevenu normal. Je l'ai caressé, je lui ai parlé. Je me suis dit qu'il fallait qu'on reparte, niais avant il fallait que je me débrouille, pour que ça ne se voie pas que c'était un chien qui l'avait fait. J'ai pris un grand couteau chez elle, et j'ai nettoyé les endroits où il avait mordu. Je réfléchissais en même temps, et je me disais que ces filles pouvaient s'attirer un tas d'ennuis, à cause de leur travail et qu'elles n'étaient pas de chez nous. J'ai donc fait ça vraiment bien, enlevé tous les endroits où Macéo les avait touchées. J'avais étalé du papier journal, plusieurs épaisseurs, à côté de chaque corps, et j'y entassais la viande en petits tas. Les gens s'imaginent que j'ai un petit pois dans la tête, mais je suis capable de faire les choses correctement. Je me suis souvenue que j'avais un jetable dans mon sac, et j'ai pris des photos avec, parce que j'ai calculé que ça pourrait me servir plus tard. Macéo semblait comprendre ce que je faisais, il faisait le guet devant la porte. Comme ça, en plus, j'étais tranquille pour tout ranger, parce que je savais que si Saïd passait, le chien se mettrait à pleurer dès qu'il aurait touché la porte en bas, Macéo reconnaît bien son maître.

«J'ai cru que le cauchemar était fini, et que maintenant que je m'étais débarrassée des deux, tout allait redevenir normal avec Saïd. Mais dès le lendemain il m'a laissée toute seule. Et quand il était là, tout ce qu'il avait en bouche c'était: «Stef et Lola ceci», et je l'ai même vu pleurer. Mais moi je pouvais bien crever, tout ce qu'il voulait, c'était sortir. Un soir, je suis descendue à L'Arcade, tu te souviens tu étais là, je l'ai vu à la table de cette pute de Roberta, elle lui buvait les mots de la bouche. Dès le lendemain, j'ai tiré les photos au labo et je les lui ai envoyées, je ne voulais pas aller chez elle. Je ne voulais pas recommencer, vraiment pas. C'était juste pour la faire flipper, cette salope. Qu'elle se tienne à distance. Mais je n'avais pas pensé à Mireille… Il parle souvent de toi, tu sais. Il t'aime bien. Je sais qu'il n'y a rien entre vous, parce que je peux te faire confiance à toi. Tu me respectes. Je sais que ton avis compte pour lui. Ça serait bien que tu lui parles.

– Que je lui parle?

– Il ne faut pas qu'il me traite comme ça, il faut que quelqu'un le lui dise. Il ne faut pas me laisser seule comme ça. Il faut lui dire.

Dès que j'en ai l'occasion, promis.

– En tout cas, il ne sortira plus pour aller voir celle-là.

Elle s'est relevée, a appelé le chien, a dit qu'il faisait froid quand même et s'est inquiétée:

– Ça va au fait, tu n'as pas trop mal?

J'ai fait non de la tête. J'avais l'impression que mes chevilles étaient passées au fer rouge, mais je ne voyais pas ce que ça changerait de le lui dire. Elle s'en foutait de moi, complètement. Elle a promis en remontant en voiture:

– On va s'arrêter à une pharmacie, acheter de quoi faire un pansement, et je te laisserai chez toi. D'accord?

J'étais sonnée. Elle a redémarré. Je regardais par la fenêtre, défilement de choses grises. Guillaume était parti, j'avais besoin de le voir. Et je revoyais Mireille en larmes. Et puis Mireille par terre. Sonia, ce que j'avais fait, ça avait tout d'un rêve, ça n'avait rien de réel. Je l'avais pourtant bien fait, aucune hésitation. La Reine-Mère, qui me serrait contre elle pour me dire au revoir. Sonia, ça avait tout d'un rêve, je l'avais pourtant bien fait, sans aucune hésitation.

Victor était parti, m'avait laissée derrière. La monnaie de ma pièce…

Périphérique, Laure répétait:

– Avec une autre fille il a fait ça, tu te rends compte?

– Et lui, tu vas le faire payer pour ce qu'il a fait?

Elle a tourné la tête vers moi, je venais de poser une question incongrue. Il y avait un peu d'indignation dans sa voix, mêlée à du reproche:

– Macéo ne fera jamais de mal à son propre maître.

Je l'ai regardée plus attentivement, ce truc brûlant qu'elle avait dans les yeux, plus brillant que jamais. Il y avait ce grand virage, j'ai glissé ma jambe sur la sienne, appuyé sur la pédale de l'accélérateur. Elle a fait des trucs avec le volant en essayant de se dégager, le chien s'est énervé, mais il n'y avait rien à faire. Je tenais bon, pied au sol, nous roulions vraiment vite, c'était un grand virage.

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