Vous voyez, Messieurs, que par ce premier projet il n’y auroit aucune administration, aucune caisse, aucun maniement de deniers, ce qui ôteroit tout pretexte de defiance et de soupçons, de prédilection — chaque pauvre seroit surveillé — assuré de sa subsistance, il reprendroit courage; car lorsque je vois tous les capitalistes se donnent tant de mouvement pour augmenter leur fortune, il m’est impossible de croire que dès qu’un malheureux est hors d’inquiétude pour sa nourriture et son entretien, il perd tout aussitôt le gout du travail. Ce reproche n’a été imaginé que par ceux qui cherchent des prétextes pour se dispenser de faire l’aumône.
Dans le faubourg St. Antoine, dans le faubourg St. Marceau, dira-t-on peut être, — il n’y aura pas assez de gens riches pour nourrir les indigens.
Je ne le crois pas, mais quand je me tromperois, ce ne seroit toujours pas une raison pour que dans tous les districts de Paris on n’y employât d’abord le premier moyen que je propose.
Si contre mon attente ce moyen était insuffisant, alors on pourra passer aux Bureaux et aux atteliers de charité contre lesquels on n’a pas formé nonplus aucune objection serieuse.
On nous a parlé des mesures de l’Hôtel-de-Ville. Eh, Messieurs! qu’en pouvons nous attendre en faveur des pauvres, à présent qu’il a épuisé tous ses fonds, puisque pour aides les boulangers d’un simple prêt de 300 mille livres, il est obligé d’avoir recours à la triste ressource d’une souscription? Croyez-moi, mes chers concitoyens, ceux qui ne peuvent pas nous donner du pain pour de l’argent, ne seront jamais en état d’en donner pour rien à tous les pauvres de la capitale. On nous a dit aussi qu’en adoptant les Bureaux de charité, il falloit rejetter de notre sein tous les pauvres des provinces. Si cela pouvoit s’executer, il ne nous resteroit pas beaucoup d’indigens car chacun sait que le plus grand nombre des habitants de Paris n’y ont pas pris naissance, — mais, Messieurs, je crois qu’un semblable triage auquel j’avois d’abord pensé seroit impraticable et dangereux dans la fermentation actuelle — il seroit même inhumain à l’entrée de l’hiver. Je me flatte de connoitre aussi bien qu’un autre, les ressources que les campagnes peuvent offrir aux indigents, mais le moment de les y repousser n’est pas encore arrivé, ainsi que vous pourrez vous en convaincre par la lecture de mémoire ci-joint sur les dessechements et les défrichements.
Un honorable membre a voulu nous faire entendre aussi que les pauvres du Berry se nourrissoient et s’entretenoient avec presque rien. Il m’a paru que l’assemblée me dispensoit de répondre a cette objections. Mais quand elle seroit fondée, il n’en seroit pas moins vrai que nous sommes toujours dans l’indispensable nécessité de nourrir et d’entretenir les nôtres de manière à les preserver de l’horrible extremité [1] de nous arracher de force ce qu’ils n’auroient pu obtenir de notre humanité, de notre premier intérêt même celui de notre existence. Encore un mot sur les pauvres du Berry — il y en a beaucoup et la province n’est pas riche, ce qui peut rétablir la proportion entre eux et ceux de la capitale.
Enfin j’ai aussi entendu un honorable membre proposer qu’en admettant les Bureaux de charité, on supprimât la quête des commissaires des pauvres et autres établissements de ce genre, afin de tout réunir dans la caisse du District — je suis bien du même avis; et j’ai cru que la chose arriveroit ainsi, parcequ’il est convenable d’appeller les curés aux Bureaux et aux atteliers que je propose d’établir.
J’oubliois encore une objection — c’est celle qu’on a tirée des risques que nous avons couru par les atteliers de charité de l’ancienne administration. Oh, rien de plus vrai, ces atteliers étoient très inutiles, très dangereux. Mais les bureaux et les atteliers partiels que je propose d’y substituer n’y ont nulle ressemblance, nul rapport et par conséquent cette objection tombe d’elle même.
A l’égard des semestriers qui vont traverser la capitale et qui pourroient être tentés de s’y arrêter, je ne crois pas que leur surveillance doive entrer dans la composition des Bureaux et des atteliers de charité. C’est la un des objets qu’on doit abandonner au comité de Police de l’Hôtel-de-Ville, ou plutôt au comité militaire.
Telles sont, Messieurs, les réflexions que je vous supplie d’opposer aux objections qui m’ont été faites. Je ne vous dissimulerai pas que j’ai la présomption de croire que mes deux projets sont très salutaires et seuls capables de prévenir les malheurs, dont nous sommes menacés. Mais si l’assemblée en juge autrement, elle n’a pas un moment à perdre pour exécuter le projet qu’elle adoptera, j’y souscris d’avance. Car si je tiens à mes idées, je tiens encore davantage à mon existence et à celle de ma femme, de mes enfans et de mes concitoyens.
Je suis avec respect, Messsieurs,
Votre très humble et très ebéissant serviteur
Boudin.
Rue Basse du Rempart.
IX
Нац. библ., отдел рукописей f. fr. nouv. acq. 3241 (f. 164).
Adresse au commandant général par les ouvriers de la Bastille, du 21 Oct. 1789.
Mon général,
Les ouvriers de la Bastille, toujours empressés à ramener le calme dans les momens de trouble, tranquils dans leurs travaux à la destruction du Colosse formidable de cette forteresse, s’appercurent que des gens mal intentionnés pour susciter une insurrection, arrêtèrent une voiture chargée de piques, y mirent le feu et se préparèrent à de plus grand dégât, lorsque nous accourumes et remediâmes autant qu’il fut en notre pouvoir à appaiser les furieux. Et l’effervescence qui s’étoit manifesté devint calme, nous nous retirâmes chacun, et nous continuâmes nos travaux.
Tel est l’exposé sincère et fidèle de notre conduite et celle dont nous sommes jaloux de conserver, sur ce nous vous prions de nous croire. Avec le plus profond respect Mon général
Vos très humbles et très obéissants serviteurs Noms des ouvriers députés pour se présenter chez M. Lafayette.
Guerard dit Tourangeau
Laserre Daix
Toussaint Liotet
Pierre Bounin
Chevillette
Bosthien dit Gambeau
За подписями черта, a под ней слова:
Copie de la lettre de Lafayette.
X
Нац. библ., отдел рукописей
Mss. nouv. acq. fr. 3241 (f. 165).
Ordre de M-r Jallier de Savault, conseiller adm-r de la Municipalité de Paris à l’entrepreneur de la démolition de la Bastille.
Je prie justement M-r Palloy comme la ville se trouve surchargée par des dépenses journalières, d’ordonner une suppression d’ouvriers, mais que cette supression ne frappe pas sur les hommes chargés d’une nombreuse famille, qui méritent tous égard et que la préférence demeure à ceux qui ont des droits par leurs ancienneté dans cette démolition, je m’en rapporte à votre zèle et à la surveillance de M-rs les inspecteurs.
A Paris ce 25 Octobre 1789.
Signé Jallier de Savault,
Cons-er Administrateur de la
Municipalité de Paris.
XI
Нац. арх.
D. IV. 49. Пачка 1425 (février à juillet 1790)
Сверху пометка:
«comités de constitution et imposition le 13 fevr.»
13 Févr. 1790.
Les ouvriers du Fauxbourg St. Antoine à l’Assemblée Nationale.
Messieurs!
Nous sommes français! notre liberté est l’œuvre honorable de votre sagesse. Votre inaltérable civisme nous inspira le noble et persévérant courage qui assure notre conquête: nous saluons dans cette auguste assemblée les patriotes généreux qui nous ont fait devenir des hommes, et qui ont applaudi avec allegresse lorsque nous avons brisé nos fers. Avant tout nous renouvelions le serment unanime de vivre et mourir pour la loi, nos frères et la liberté. Vous avez, Messieurs! proclamé les français pour un peuple d’amis et de frères; cette juste proclamation nous impose le devoir de vous assurer que de nouvelles preuves de notre valeur et de notre force vous seront toujours données avec un empressement plus vif et mieux entendu qu’en 1789. Nous déclarons qu’avant de. parvenir jusqu’à vous les ennemis auront dû s’ouvrir un passage à travers nos cœurs. Qu’ils se persuadent bien que les français sont libres, qu’ils ont formé la noble et vigoureuse resolution de ne pas cesser de l’être; pareeque nous savons qu’une nation qui perd sa liberté ne la recouvre jamais. Nos frères des départements s’accordent à penser comme nous; ils sont nos rivaux de zèle et de patriotisme; ils s’uniront à nos efforts ou plutôt ils nous permettront d’unir les nôtres aux leurs.