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Mais il en allait de même pour elle.

Et cette maudite flamme qui brûlait toujours.

Elle n'était même pas parvenue à l'éteindre.

Bon sang de bordel de merde.

Alors qu'elle était si près du but.

Elle bougea légèrement, pour tenter d'atténuer la douleur. Mais sa veste formait une sorte de boule sous elle, juste à l'endroit où cela lui faisait le plus mal. Il nota ce mouvement et posa le pied sur son ventre.

- Je t'ai dit de ne pas bouger!

La douleur fut si violente qu'elle en perdit le souffle. Son visage fut déformé par un rictus et elle vit trente-six chandelles. Puis elle sentit qu'il ôtait le pied et, au bout d'un moment, elle ouvrit à nouveau les yeux. Il était toujours debout près d'elle. Il était blême et tenait devant lui sa main bandée. Dans l'autre se trouvait un crucifix qu'elle avait déjà vu. Sur le document de Patrik.

- Tiens, dit-il, en le laissant tomber sur elle.

Il n'était pas très lourd mais elle banda machinalement ses muscles et son corps fut traversé par une nouvelle vague de douleur.

- Porte-le, poursuivit-il. Ce sera ta montée au Golgotha.

Si elle avait pu, elle lui aurait demandé ce qu'il voulait dire par là.

- Lève-toi! On va sortir!

Elle parvint à se mettre debout. De sa main valide, il l'empoigna par la nuque et la força à avancer, penchée en avant, les yeux rivés sur le sol et le crucifix dans la main gauche.

Le soir avait commencé à tomber.

La douleur au côté lui parut moins violente, une fois qu'elle fut debout. Sans lâcher prise, il lui fit descendre les marches du perron.

- Où allons-nous? lui demanda-t-elle.

Il ne répondit pas et se contenta de la pousser devant lui, vers la route. Elle se dit que, si vraiment elle était l'élue de Dieu, celui-ci pourrait bien faire passer une voiture.

Mais ce ne fut pas le cas.

Ils traversèrent et, aussitôt après, elle comprit où ils se rendaient. Dans la maison jaune.

- Qu'est-ce qu'on va faire? demanda-t-elle.

- Tu vas te tuer.

Elle tenta de se redresser, mais il la força à rester penchée.

- Ils te trouveront au mois de juin, quand ils viendront. Avec le crucifix sur le ventre. Ainsi, tout sera clair et on comprendra que Sibylla s'est punie elle-même de ses crimes. Kerstin pourra t'identifier et je me tiendrai près d'elle pour lui apporter mon aide.

Ils étaient arrivés devant la maison. Sibylla glissa sa main libre dans la poche de sa veste et sentit sa lime à ongles.

- Les clés sont dans ma poche, dit-il. Prends-les.

Ses doigts se saisirent de l'étui en plastique. La prise sur sa nuque se relâcha.

- Dans la poche droite.

Elle se redressa et se tourna vers lui. Ils se regardèrent un bref instant, puis elle lui planta violemment la lime à ongles dans le visage.

Elle n'eut pas le temps de voir où le coup avait porté. Pendant qu'il couvrait son visage de ses mains, elle pivota sur ses talons et partit en courant. La forêt commençait de l'autre côté de la petite clôture en bois et, malgré la douleur, elle l'enjamba sans ralentir.

Elle ne se retourna pas. Cette fois non plus, il ne cria pas.

Des branches la frappèrent au visage, au passage, mais rien ne put la ralentir. La pénombre n'était pas encore assez avancée pour qu'elle puisse se contenter de s'arrêter et de se dissimuler derrière un arbre. Il fallait qu'elle s'éloignât le plus possible avant qu'il ne se lançât sur ses traces.

Elle n'aurait pas su dire pendant combien de temps elle avait couru, en trébuchant sur des pierres et en s'éclaboussant jusqu'aux cuisses dans les flaques d'eau. À bout de forces, elle tomba la tête la première sur quelque chose qu'elle ne parvint pas à identifier, dans l'obscurité, et resta allongée sur le ventre. Ses poumons la brûlaient, sous l'effort. À intervalles réguliers, elle réfréna son haleine pour tenter de discerner des bruits.

Mais elle n'entendit rien d'autre que le vent dans les arbres et ses halètements constituaient presque un vacarme, en comparaison.

Elle resta longtemps dans cette position. Sans bouger, mais aux aguets.

À quel point avait-elle réussi à lui faire mal?

Elle n'était pas encore sauvée.

Soudain, elle entendit sa voix. Assez distante, mais parfaitement distincte, dans l'obscurité.

- Sibylla... Tu ne nous échapperas pas... Dieu voit tout, tu le sais bien...

La peur, à nouveau.

Et la lune qui sortait soudain de derrière les nuages et l'éclairait, telle une lampe céleste.

Juste devant elle se trouvait un sapin dont les branches traînaient jusque sur le sol. Elle se glissa prestement dans cette obscurité propice.

- Sibylla... Où es-tu?

La voix était beaucoup plus proche, maintenant. Et sa respiration oppressée risquait de la trahir.

Elle finit par l'apercevoir. Comme guidé par un fil invisible, il venait droit vers sa cachette.

- Je sais que tu es là, tout près.

Elle pouvait maintenant distinguer son visage. Il ruisselait de sang et le blanc de l'un de ses yeux, écarquillé, luisait dans la pénombre.

Plus que dix mètres.

Et soudain, le noir complet.

En un instant, la lune avait disparu derrière un nuage providentiel et l'avait sauvée. Elle l'entendit pousser un cri et comprit qu'il avait trébuché et s'était rattrapé avec sa main blessée.

Bien fait pour toi, espèce de salaud!

Elle sentit qu'elle souriait et que la disparition de la lune lui avait rendu l'espoir. Elle n'était plus condamnée. Pendant un moment, il avait réussi à lui faire croire qu'elle l'était.

- Tu n'as pas la moindre chance... Tôt ou tard, nous te retrouverons.

Sa voix s'éloignait.

Elle était momentanément sauvée.

Peut-être dormit-elle, à certains moments, elle n'aurait su le dire. L'obscurité était si compacte que cela ne faisait aucune différence qu'elle ait les yeux ouverts ou non. Lorsque les premiers contours commencèrent à se dessiner, à l'aube, elle sortit de sa cachette à quatre pattes pour tenter de trouver une route.

Elle n'avait pas l'intention de revenir sur ses pas, mais jusqu'où la forêt s'étendait-elle, dans l'autre sens? Elle décida donc de partir à angle droit par rapport à la direction qu'elle avait suivie jusqu'alors. De la sorte, elle devrait pouvoir parvenir à une route, mais assez loin de chez lui.

Elle grelottait de froid. Maintenant qu'elle avait l'esprit plus libre, la douleur revenait. Chaque pas lui causait une brûlure dans la cage thoracique.

L'aube se levait rapidement. La forêt se faisait moins dense, également. À cet endroit, il n'y avait plus que des pins, sans végétation à leur pied. Il fallait qu'elle trouve rapidement une route, sinon il risquait de la voir de loin.

Elle entendit une branche craquer, quelque part. Elle s'immobilisa pour tenter de localiser le bruit. Puis survint un autre bruit. Mais dans une autre direction.

C'est alors qu'elle les vit.

- À plat ventre! s'écria l'un d'eux.

Il était en uniforme et braquait sur elle un pistolet qu'il tenait à deux mains.

Si elle n'avait pas eu aussi peur, elle aurait été contente de leur arrivée. Elle n'aurait jamais cru qu'elle serait aussi heureuse de voir un uniforme de police.

Elle s'exécuta. Lentement, pour ne pas trop raviver la douleur, elle s'allongea, face contre terre. Puis elle tourna la tête et leva les yeux. Elle vit alors quatre policiers en armes qui approchaient d'elle, la tenant toujours en joue.

- Je ne sais pas où...

- Ta gueule! s'écria l'un d'eux. Ne bouge surtout pas!

Tout se mit alors en place en un instant, dans son esprit.

L'un d'entre eux lui plaqua le visage contre la mousse et elle sentit des mains qui tâtaient son corps, du haut en bas.

- Saleté d'assassin, siffla quelqu'un.

Elle comprit qu'il l'avait à nouveau prise de vitesse.

Elle obéit à leurs ordres. Pendant tout le trajet de retour jusqu'à Vimmerby, elle ne souffla mot.

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