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Elle chercha quelque chose d'intelligent à dire. Patrik ne comptait pas s'en mêler, elle le vit sur son visage quand elle se tourna vers lui. Cette fois, il lui faudrait se débrouiller seule.

La femme posa le râteau qu'elle tenait à la main et avança vers eux. Patrik, lui, se dirigea vers le ponton. Sibylla avala sa salive et fit quelques pas vers la femme. Elle avait dans les soixante-cinq ans et boitait un peu. Elle resta un instant sans rien dire, tandis que Sibylla sentait son cœur battre la chamade.

- Vous êtes intéressés par l'achat de la maison?

Magnifique.

- Oui, c'est ça.

Sibylla eut un sourire de gratitude. Bien sûr qu'ils voulaient acheter la maison.

- Ah bon, dit la femme avec un sourire. Excusez-moi d'être méfiante, mais il y a tellement de curieux qui viennent rôder par ici.

Elle se racla la gorge, puis il y eut un instant de silence.

- Vous avez de la chance de me trouver. L'agence ne m'a pas prévenue.

- Non, nous passions par hasard.

La femme ôta ses gants de jardin et lui tendit la main.

- Gunvor. Gunvor Strömberg.

Sibylla hésita un moment avant de répondre:

- Margareta Lundgren.

Elle prit la main de la femme. Celle-ci était moite, après le temps passé dans le gant en caoutchouc.

- C'est votre fils, je suppose?

Sibylla suivit son regard et vit le dos de Patrik.

- Oui, se hâta-t-elle de répondre. C'est ça.

Patrik s'était mis à faire des ricochets. Sibylla, elle, avait le cœur qui battait. Elle se demandait à quel point elle avait pu le vexer pour qu'il se comporte de la sorte. Peut-être allait-il même tenter de lui faire payer cela?

- Ce ponton ne nous appartient pas, mais nous avons un droit d'usage, c'est marqué dans l'acte de propriété. Mais, le plus souvent, on était seuls à s'en servir.

Elle se tut et regarda vers le large. Puis elle reprit ses esprits.

- Je suppose que vous voulez voir l'intérieur?

- Eh bien oui, merci, répondit Sibylla avec un sourire.

- Et lui, ça l'intéresse? demanda-t-elle en montrant de la tête Patrik, toujours en train de jeter des pierres.

- Patrik, est-ce que tu veux voir l'intérieur de la maison? cria-t-elle.

Il ne se pressa pas et jeta une nouvelle pierre avant de se retourner. Gunvor Strömberg regarda Sibylla avec un sourire.

- C'est l'âge difficile. Je sais ce que c'est. On n'y peut rien, malheureusement.

Sibylla s'efforça de montrer, en souriant, qu'elle partageait cette opinion. Mais en se disant intérieurement que, âge difficile ou pas, il allait en entendre parler, après.

La femme remonta l'allée et Sibylla attendit Patrik, qui arrivait sans se presser. Quand il fut à sa hauteur, elle lui siffla à l'oreille:

- Arrête de faire l'imbécile. Elle croit qu'on veut acheter la maison.

Il la regarda en haussant les sourcils.

- Eh bien, achète-la. Puisque t'as de l'argent.

Il passa alors devant elle.

C'était étrange. C'était la deuxième fois en l'espace d'une semaine que deux personnes étaient déçues de constater qu'elle avait de l'argent. Comment était-ce possible?

Gunvor Strömberg était déjà sur le pas de la porte et Sibylla pressa le pas pour la rejoindre. Patrik tendit la main et se présenta poliment et correctement.

- Entrez et allez regarder. Je vous attends ici.

Ils échangèrent un regard, puis montèrent le petit perron de pierre et ouvrirent la porte.

- Ce n'est pas bien grand, mais il y a à peu près tout ce dont on a besoin, leur lança Gunvor Strömberg. Le chauffe-eau est un peu vieux et il faudra sans doute bientôt le changer.

Sibylla opina de la tête et franchit le seuil.

L'assassin avait fait de même, peu auparavant.

Elle regarda autour d'elle. Au bout de deux pas, elle se retrouva dans une petite cuisine. Tout était bien rangé. C'était une maison où on avait pris ses habitudes et qui en portait la trace. Les chaises de cuisine avaient laissé des marques sur le plancher, après avoir été tirées des centaines de fois. L'émail de la poignée du four était écaillé, lui aussi, pour avoir été saisi année après année par des mains impatientes.

On respirait une légère odeur de peinture.

Patrik s'était enfoncé un peu plus loin et avait ouvert la porte d'une autre pièce. Il se tenait maintenant sur le seuil de celle-ci et lui faisait signe d'approcher.

La chambre était peinte en blanc mais vide de meubles.

Il sortit alors les papiers qu'il avait rangés dans sa poche intérieure, trouva celui qu'il cherchait et le lui tendit.

- C'est ce mur-là, dit-il à voix basse.

Sibylla regarda la photo du lit ensanglanté et lut une nouvelle fois l'inscription que l'assassin avait laissée sur le mur en la signant de son nom.

Elle n'avait qu'un désir: sortir de là.

Gunvor Strömberg s'était éloignée jusque sur le ponton. Elle tournait le dos à la maison et regardait le large. Sibylla hésita une seconde. Patrik sortit et vint se placer à côté d'elle.

- Va lui parler.

Elle le regarda.

- On n'a encore rien trouvé d'intéressant, poursuivit-il. Pendant ce temps-là, je continue à chercher.

Il avait raison. Après être venus aussi loin, autant ne pas repartir bredouilles.

Gunvor Strömberg ne semblait pas consciente que quelqu'un était venu la rejoindre sur le ponton. Elle continua à regarder au loin et ce n'est que lorsque Sibylla se racla la gorge qu'elle porta la main à son visage pour essuyer une larme. Mais elle ne se retourna pas.

- C'est vraiment un endroit magnifique, hasarda Sibylla.

La femme ne répondit pas. Sibylla observa le mutisme, elle aussi. Le silence finirait par forcer l'aînée des deux à parler.

Cet endroit était vraiment la réalisation de ses rêves. Isolé. Calme. Et puis cette vue splendide. Mais elle n'aurait jamais les moyens de se l'offrir. Jamais de la vie. Bientôt, elle n'aurait même plus les moyens de quoi que ce soit.

- Autant que je vous le dise moi-même, plutôt que vous l'appreniez par d'autres, dit soudain la femme en se tournant vers elle. Vous n'êtes pas d'ici, hein?

- Non.

Elle hocha la tête et se tourna à nouveau vers le large.

- Je l'ai bien vu.

Sibylla vint se placer à côté d'elle. Le mieux était de la laisser parler.

- Mon mari a été assassiné, ici même, il y a six jours.

Elle continua à observer la mer, mais Sibylla fit de son mieux pour paraître surprise.

- Ce n'est pas quelqu'un du coin qui a fait ça, vous n'avez pas besoin d'avoir peur.

Elle se tut à nouveau. Sibylla regarda son visage. Il faisait encore assez clair pour qu'elle puisse distinguer les larmes qui coulaient le long de ses joues.

- C'est pour cela que vous la vendez? demanda-t-elle.

La femme secoua la tête dans un sanglot.

- Cela fait longtemps que nous voulions la vendre. Mais nous préférions attendre le printemps pour en tirer un meilleur prix.

Elle masqua son visage dans sa main droite, comme si elle ne voulait pas que Sibylla voie qu'elle pleurait.

- Sören était malade depuis longtemps. Le cancer du foie. Il y a un peu plus d'un an, il a subi une grave opération. Elle a donné des résultats dépassant toutes nos espérances. Les docteurs avaient dit qu'il n'avait que 44 % de chances de survivre.

Elle secoua la tête.

- J'avais commencé à reprendre espoir. Il prenait ses médicaments et procédait régulièrement à des examens. Tout paraissait aller comme il fallait. Mais, bien sûr, il était souvent fatigué et n'avait plus la force de ce qu'il faisait avant. Nous avons pensé qu'il serait trop dur de garder cette maison et nous nous sommes dit que nous pourrions utiliser l'argent pour voyager un peu. Nous ne savions pas combien de temps il nous restait à vivre, n'est-ce pas?

Elle se tut à nouveau. Sibylla posa sa main sur son épaule et ce contact déclencha des sanglots.

- Nous venions très souvent ici. Dès que nous avions un moment de libre.

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