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Elle ne s'arrêta pas. Elle n'avait tout simplement pas la force de faire une nouvelle tentative.

- Sylla. J'ai vu les affiches des journaux, à côté de la Coopé.

Elle se retourna et le regarda. Il hésita un instant avant de continuer et, cette fois, ce fut lui qui eut du mal à trouver ses mots.

- Ils disent que tu en as tué un autre, cette nuit.

- Tu es vraiment sûr qu'il dort?

- Oui, répondit-il avec un rien d'impatience. Il a bossé toute la nuit, alors... Il se réveille pas avant une heure.

Pourtant, elle était inquiète. Qu'est-ce qui se passerait si le père de Patrik se réveillait et trouvait dans la chambre de son fils une femme aux cheveux noirs et portant un sac à dos? Une femme qui était assez vieille pour être sa mère, en plus de cela.

Ils se trouvaient dans l'escalier de l'immeuble et Patrik avait déjà glissé la clé dans la serrure. Ils parlaient à voix basse.

- Et tu es sûr que ta mère ne va pas rentrer?

- Elle ne revient que demain soir.

Pourtant, elle n'était toujours pas convaincue.

Faisait-elle bien de le mêler à cette affaire?

Quand, dans la cour de l'école, il lui avait parlé de ce qu'il venait de voir sur l'affichette du journal, elle était allée s'asseoir sur le banc le plus proche. Elle était restée là à regarder, sans la voir, la cour déserte et avait senti le courage l'abandonner, une fois de plus.

Il était venu la rejoindre. Il n'avait pas dit grand-chose, tout d'abord, et l'avait laissée en paix. Elle avait alors levé les yeux vers la grande horloge de la façade, devant eux, et regretté de ne pas avoir suivi son impulsion, quelques jours plus tôt.

Il aurait mieux valu pour elle qu'elle ne ressorte pas vivante de ce grenier.

- Je peux toujours dire à la police que t'étais avec moi, cette nuit.

Il la regardait d'un air confiant et semblait vouloir lui redonner sa gaieté.

Mais elle avait pouffé, d'une façon plus méprisante qu'elle n'en avait l'intention, et avait tenté de lui sourire.

- On m'accusera de détournement de mineur, en plus.

- Eh! dis, je te ferai remarquer que j'ai déjà quinze ans, avait-il répliqué.

Que répondre à cela?

- Je n'ai pas la moindre chance, Patrik. Autant aller passer des aveux, pour mettre un terme à tout ça.

Il l'avait regardée fixement.

- T'es complètement dingue.

Il paraissait vraiment révolté.

- Tu vas quand même pas aller avouer quelque chose que t'as pas fait!

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse, alors?

Il réfléchit un instant.

- Tu peux aller causer avec eux.

- C'est la même chose.

- Bien sûr que non.

Elle le regarda.

- Tu ne comprends donc pas? Ils ont déjà décidé que c'était moi qui avais tué. Je n'ai pas la moindre chance.

Elle se pencha en avant et enfouit sa tête dans ses mains.

- Mais je ne supporterai pas d'être enfermée à nouveau.

- Ils feront pas ça, si tu leur dis ce qu'il en est.

Mais, cette fois, il n'avait pas l'air aussi convaincu.

Elle lui parla de ce qui s'était passé pour Jörgen Grundberg, des empreintes digitales sur sa clé, de la perruque et du couteau qu'elle avait oubliés. Et de tout ce qui, ajouté aux circonstances de sa vie, faisait d'elle la coupable idéale. Ancienne malade mentale, SDF, marginale... Tellement idéale qu'elle voyait déjà la police se frotter les mains. Bien sûr que c'était elle. Et, même s'ils devaient finir par admettre qu'elle était innocente, elle resterait enfermée jusqu'à ce moment-là. Cela la rendrait folle. Elle était déjà passée par là et savait de quoi elle parlait.

- L'assassin lui-même me met tout sur le dos. À Västervik, il a laissé un aveu en mon nom.

Il hocha lentement la tête.

- À Bollnäs aussi. Elle le regarda.

- C'est là qu'il a tué, cette nuit?

- Non, je crois que c'était avant-hier. Cette nuit, je sais pas où c'était.

Elle se pencha en arrière et appuya la tête contre son sac à dos.

Avant-hier. Il y avait donc eu un autre meurtre pendant qu'elle se cachait dans ce grenier. Elle était maintenant suspecte de quatre.

Il la regarda.

- Ah bon, t'étais pas au courant?

- Non, soupira-t-elle.

Ils restèrent un moment sans rien dire. Peut-être se rendait-il compte de la complexité de l'affaire, maintenant.

- Écoute, finit-il par dire. On va aller chez moi voir tout ce que les journaux ont raconté.

- Comment ça?

- Sur le Net.

Elle avait en effet entendu parler de cela. Internet, ce nouveau monde fantastique auquel elle n'avait jamais eu accès. Elle en avait un peu peur, ainsi que de cette invitation à se rendre au foyer de ce garçon de quinze ans si serviable.

- À quoi est-ce que ça servirait?

- On va peut-être trouver quelque chose qui prouvera que c'est pas toi. T'as lu tout ce qu'ils ont écrit?

- Non.

Il se leva.

- Allez, viens.

Elle avait hésité un moment. Mais elle n'avait guère le choix.

Ils étaient maintenant dans le hall. Elle avait l'impression d'être venue cambrioler et avait le cœur qui battait.

- Viens, dit-il tout bas.

Devant elle se trouvait une porte fermée sur laquelle était apposée une plaque de métal: Si vous entrez ici, c'est à vos risques et périls.

On ne saurait mieux dire.

Elle franchit le seuil d'une vaste salle de séjour puis, devant une porte fermée, Patrik mit son doigt sur ses lèvres pour lui faire comprendre que c'était là que dormait son père.

Elle prit peur et voulut faire demi-tour. Mais Patrik avait déjà ouvert la porte de sa chambre et lui faisait signe d'entrer.

Elle obéit.

On aurait dit qu'un ouragan avait dévasté la pièce. Le sol était jonché de vêtements, de vieux illustrés, d'étuis de cassettes et de livres.

Elle ôta son sac à dos et le déposa au milieu de ce fatras avant de regarder Patrik.

- J'ai promis à ma mère de ranger, mais j'ai oublié.

- Je vois ça.

Ils parlaient toujours à voix basse.

Il approcha de l'ordinateur posé sur une table et appuya sur un bouton. Une brève musique retentit et elle lui fit signe de baisser le volume du son. L'ordinateur se mit en marche.

Elle fit le tour de la pièce des yeux. En plus de la table sur laquelle étaient posés l'ordinateur et le matériel informatique, il y avait un lit et une étagère. Le lit n'était pas fait et, quand Patrik vit son regard, il s'empressa d'aller le recouvrir. La chambre prit aussitôt un aspect un peu plus présentable.

L'ordinateur acheva de se mettre en marche. Diverses icônes apparurent sur l'écran. Il tira la chaise et s'assit.

Sur le rebord de la fenêtre se trouvait un aquarium sans eau. Elle alla voir ce qu'il y avait dedans.

- Je te présente Batman, une tortue terrestre grecque.

Batman était en train de grignoter une feuille de salade dans un coin et elle l'observa de près. Elle était là, dans sa cage en verre, cette tortue, et ignorait le reste. Elle l'envia presque, l'espace d'un instant.

Patrik écrivit quelque chose sur son clavier. Elle approcha pour voir ce que c'était.

+ meurtre + dépeçage + sibylla.

Il pointa la flèche de la souris sur "rechercher" et cliqua.

Elle entendit l'ordinateur tourner pour exécuter cet ordre. Quelques secondes plus tard, ce fut terminé et il afficha: 67 réponses.

- Bingo! s'exclamat-il avec un grand sourire.

- Qu'est-ce que ça signifie?

- Qu'il existe soixante-sept pages dans lesquelles on parle de toi et de ces meurtres.

Était-ce possible? Ainsi, elle faisait partie intégrante de ce monde dont elle ignorait tout? Patrik cliqua sur l'une de ces lignes.

- J'imprime tout ce que j'ai trouvé et on pourra lire ça tranquillement.

Elle ne comprit pas vraiment ce qu'il voulait dire par là mais elle pensa qu'il savait ce qu'il faisait. Une autre machine posée sur la table se mit à tourner et, peu après, une feuille de papier apparut. Le texte était à l'envers et elle ne put donc voir ce dont il s'agissait avant que la feuille entière soit sortie.

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