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Du Lion et de la Grenouille.

Un Lion se coucha sur les bords d’un marais, et s’y assoupit. Comme il y dormait d’un sommeil profond, une Grenouille se mit à croasser; à ce bruit, l’autre s’éveille; et comme il croit que quelque puissant Animal vient l’attaquer, il se lève, et regarde de tous côtés. Mais quel est son étonnement, lorsqu’il aperçoit celle qui l’avait si fort épouvanté?

Du Maure.

Un Homme se mit en tête de blanchir un Maure; il le baignait, lavait et frottait: mais ce fut temps perdu. Le Maure bien décrassé parut encore plus noir qu’il n’était auparavant.

Du Marchand et de la Mer.

Un Marchand chargea un vaisseau de marchandise, et partit pour les Indes. Lorsqu’il mit à la voile, le vent était favorable et la Mer tranquille: mais à peine eut-il perdu le port de vue, que le vent changea tout-à-coup; la Mer éleva ses vagues, poussa le navire sur un banc de sable et l’y fit échouer. Le Marchand vit périr toutes ses marchandises, et ne se sauva qu’avec peine sur quelques débris du vaisseau. Quelques jours après, comme il se promenait sur le rivage où il avait abordé, il vit la Mer calme, et qui semblait lui dire de se rembarquer de nouveau. – Perfide Mer, s’écria-t-il, c’est en vain que par une feinte tranquillité tu cherches à m’attirer. S’y fie qui voudra; quant à moi, je n’ai point encore oublié de quelle manière tu m’as traité ces jours passés, je ne suis pas d’humeur à me fier une seconde fois à qui vient de me donner des preuves de son infidélité. -

Fables – Tome II - pic_6.jpg

Des deux Coqs et du Faucon.

Deux Coqs se battirent à outrance, et cela pour l’amour d’une Poule qui les avait rendus rivaux. Le vaincu prit la fuite, et se retira dans un coin de la basse-cour, pendant que le vainqueur montait sur le haut du poulailler, pour y chanter sa victoire. Celui-ci ne s’en réjouit pas longtemps; car tandis qu’en battant des ailes, il ne pensait qu’à y faire éclater sa joie, le Faucon, qui l’avait aisément découvert sur le haut de ce toit, vint fondre sur lui et le mit en pièces.

Du Castor et des Chasseurs.

Des Chasseurs poursuivaient un Castor; dans le dessein de tirer profit de certaine partie de son corps. Ils avaient coutume d’en employer la chair comme un remède souverain contre plusieurs maux. Le Castor, qui savait leur intention, n’eut pas plutôt reconnu qu’il ne pouvait leur échapper, qu’il la prit à belles dents, et se la retrancha. Alors les Chasseurs, satisfaits d’avoir ce qu’ils cherchaient, cessèrent de le poursuivre, et se retirèrent. Ainsi le Castor, qui fort sagement jugea à propos de se défaire d’une partie qu’il ne pouvait conserver sans perdre le tout, se sauva par son jugement.

Du Berger et du Chien.

Un Berger avait donné plusieurs fois à son Chien les Brebis qui mouraient chez lui de maladie. Un jour, une des plus grasses de son troupeau tomba malade; alors le Chien parut plus triste que de coutume. Le Berger lui en demanda la cause; sur quoi l’autre lui répondit qu’il ne pouvait, sans s’affliger, voir la meilleure Brebis du troupeau en danger de périr. – Tu me portes bien la mine, lui repart l’Homme, de penser beaucoup plus à ton intérêt qu’au mien. Tu as beau dissimuler, va, je suis bien persuadé que tu ne t’attristes de la maladie de ma Brebis, que parce que tu crains qu’en réchappant, elle ne t’échappe. -

De l’Avare et du Passant.

Un Avare enfouit son trésor dans un champ; mais il ne put le faire si secrètement qu’un Voisin ne s’en aperçût. Le premier retiré, l’autre accourt, déterre l’or et l’emporte. Le lendemain l’Avare revient rendre visite à son trésor. Quelle fut sa douleur lorsqu’il n’en trouva que le gîte! Un dieu même ne l’exprimerait pas. Le voilà qui crie, pleure, s’arrache les cheveux, en un mot se désespère. À ses cris, un Passant accourt. – Qu’avez-vous perdu, lui dit celui-ci, pour vous désoler de la sorte? – Ce qui m’était mille fois plus cher que la vie, s’écria l’Avare: mon trésor que j’avais enterré près de cette pierre. – Sans vous donner la peine de le porter si loin, reprit l’autre, que ne le gardiez-vous chez vous: vous auriez pu en tirer à toute heure, et plus commodément l’or dont vous auriez eu besoin. – En tirer mon or! s’écria l’Avare: ô ciel! je n’étais pas si fou. Hélas! je n’y touchais jamais. – Si vous n’y touchiez point, répliqua le Passant, pourquoi vous tant affliger? Eh, mon ami, mettez une pierre à la place du trésor, elle vous y servira tout autant. -

Du Cerf et du Faon.

Le Faon soutenait à son Père que la nature lui avait donné de si grands avantages sur le Chien, qu’il n’avait aucun lieu de le craindre. – Si jamais, disait-il au Cerf, nous en venons aux prises le Chien et moi, comptez que je n’aurai pas de peine à le battre, car, outre que je suis plus haut, et par conséquent plus fort que lui, je vois ma tête armée d’un bois que la sienne n’a point. – Mon fils, repartit l’autre, donnez-vous bien de garde de l’attaquer, la partie ne serait pas égale. Si les dieux lui ont refusé le bois qu’ils vous ont donné, ils lui ont fait présent d’un coeur que vous n’avez point. -

Du Renard et du Sanglier.

Un Sanglier aiguisait ses défenses contre le tronc d’un arbre. – À quoi bon, lui dit un Renard, te préparer au combat, quand tu ne vois ni Chien ni Chasseur? – Hé, dois-je attendre, répliqua l’autre, que je les aie en queue, pour songer à tenir mes armes en état, quand ils ne me donneront pas le temps d’y penser? -

Du Savetier Médecin.

Un Savetier des plus ignorants dans son métier, trouva si peu son compte au profit qui lui en revenait, qu’il lui prit fantaisie d’en changer. Un jour il se mit en tête d’être Médecin, et le fut, au moins ou le crut tel. Quelques termes de l’art qu’il apprit, son effronterie et son babil, joints à l’ignorance de ses Voisins, eurent bientôt fait d’un artisan très-maladroit un fort habile Charlatan. Il publia partout que la vertu de ses remèdes était infaillible, et chacun le crut sur sa parole. Un de ses Voisins, pourtant moins dupe que les autres, s’en moqua; voici comment. Il se dit attaqué d’un mal de tête, et mande le docteur. Celui-ci vient, et raisonne fort au long sur le prétendu mal; ensuite il assure le malade qu’il l’en délivrera, et en peu de temps, pourvu qu’il veuille s’abandonner à ses soins. – Pauvre ignorant, repartit le Voisin, en éclatant de rire, et comment pourrai-je me résoudre à te livrer ma tête, quand je ne voudrais pas seulement te confier mes pieds? -

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