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Du Vieillard et de la Mort.

Un jour un Vieillard, portant du bois qu’il avait coupé, faisait une longue route. Succombant à la fatigue, il déposa quelque part son fardeau, et il appela la Mort. La Mort arriva et lui demanda pourquoi il l’appelait. Alors le Vieillard épouvanté lui dit: – Pour que tu soulèves mon fardeau. – Cette fable montre que tout Homme aime la vie, même s’il est malheureux et pauvre.

Du Crocodile et du Renard.

Le Crocodile méprisait le Renard, et ne lui parlait que de sa noble extraction. – Faquin, lui disait-il d’un ton arrogant, je te trouve bien hardi d’oser te faufiler avec moi. Sais-tu bien qui je suis? sais-tu que ma noblesse est presque aussi ancienne que le monde? – Et comment pourrez-vous me prouver cela? répliqua l’autre fort surpris. – Très-aisément, reprit le Crocodile. Apprends que dans la guerre des géants, quelques-uns d’entre les dieux prirent la fuite, et vinrent, transformés en Crocodiles, se cacher au fond du Nil. C’est de ceux-là dont je descends en droite ligne. Mais toi, misérable, d’où viens-tu? En vérité, repartit le Renard, c’est ce que je ne sais point, et ce que je n’ai jamais su. Croyez, Seigneur Crocodile, que je suis beaucoup plus en peine de savoir où je vais, que d’apprendre d’où je viens. -

Du voeu d’un Malade.

Un Laboureur dangereusement malade, voua cent Boeufs à Esculape. Il les lui devait immoler, bien entendu, lorsqu’il serait guéri. – Cent Boeufs! s’écria sa femme, vous n’y pensez pas mon fils; eh! grand dieu, où les prendre, quand je n’en vois pas un seul dans notre étable? – Taisez-vous, lui répondit le malade; si j’en reviens, il faudra bien que le bon Esculape se contente, s’il lui plaît, de notre Veau. -

Des Pêcheurs.

Des Pêcheurs tiraient leurs filets hors de l’eau: comme ils les sentaient plus pesants que de coutume, ils en concevaient bonne espérance. La pêche, se disaient-ils les uns aux autres, sera sans doute des meilleures; et Dieu sait quels poissons nous allons voir dans nos rets. Leur joie fut courte, car lorsqu’après beaucoup de fatigue, ils eurent vu le fond de leurs filets, ils n’y trouvèrent qu’un gros caillou, que le courant de la rivière y avait amené.

Des Grenouilles.

Les Grenouilles virent dans le fort de l’été leurs marais à sec. – Où nous retirerons-nous? s’écrièrent-elles alors. – Dans ce puits que vous voyez tout proche de vous, dit une des plus jeunes. – L’eau l’emplit jusqu’à deux doigts du bord; ainsi, il nous sera très-aisé d’y entrer. – Fort bien, répliqua une des plus vieilles; mais quand l’eau viendra à baisser, et que nous nous trouverons au fond de ce puits, à vingt pieds au moins de son ouverture, en sortirions-nous aussi aisément que nous y serons entrées? -

Des deux Ennemis.

Deux Hommes, qui se haïssaient mortellement, s’étaient embarqués sur le même vaisseau. Comme il cinglait à pleines voiles, une tempête s’éleva, et si grande, que le navire, battu des vents et fracassé par les vagues, s’entrouvrit. Dans cette extrémité, les deux passagers que l’eau commençait à gagner, se consolaient, quoiqu’ils se vissent sur le point d’être submergés. – Si je péris, disaient-ils l’un et l’autre au fond du coeur, mon ennemi périt aussi. -

Du Lion, de l’Ours et du Renard.

Le Lion et l’Ours s’entre-déchiraient, et cela pour quelques rayons de miel qu’ils avaient trouvés dans le creux d’un chêne. Chacun d’eux prétendait en faire son profit, sans le partager avec son compagnon. Ils eussent beaucoup mieux fait d’en faire deux parts; car tandis qu’ils s’acharnent l’un sur l’autre, un Renard se glisse sans bruit près du miel, le lape et se sauve.

Fables – Tome II - pic_5.jpg

De l’Astrologue.

Un Astrologue contemplait les astres en marchant: il eût beaucoup mieux fait de regarder à ses pieds; car tandis qu’il lève les yeux et les tient toujours fixés vers le ciel, voici que sans voir un puits qu’on avait creusé sur son chemin, il en approche, et de si près, qu’il s’y précipite et s’y noie.

Du Dauphin et du Thon.

Un Dauphin poursuivait un Thon, dans le dessein de se venger de quelque offense qu’il en avait reçue. Ce dernier gagne le rivage, l’autre l’y suit. Et le Thon, pour échapper, sauta sur le sable, et le Dauphin s’y lança avec lui. Mais voici que froissés de leur chute, ils y demeurèrent tous deux étendus. Cependant l’air de la terre agit sur eux. Ils s’affaiblissent hors de leur élément, et meurent, non sans s’être repentis de n’avoir consulté que leur ressentiment.

Du Fossoyeur et du Médecin.

Un Fossoyeur enterrait son Voisin. Comme il achevait de combler la fosse, il aperçut le Médecin qui avait traité le défunt pendant sa maladie. – Je vous croyais si habile, lui dit-il, que je m’étais imaginé que vous tireriez votre malade d’affaire. – J’ai fait tout ce que j’ai pu pour cela, répliqua le docteur; mais cet Homme était malsain. – Et s’il ne l’avait pas été, repartit le Fossoyeur en secouant la tête, aurait-il eu besoin de vous? -

De l’Oiseleur et de la Vipère.

Un Oiseleur cherchait à prendre des Oiseaux. Comme il se baissait pour tendre ses réseaux, une Vipère le piqua au pied. – Ah! s’écria l’Homme, je n’ai que ce que je mérite. Pourrais-je être surpris qu’on m’ôte la vie, tandis que je ne pense, moi, qu’à la ravir aux autres? -

De l’Âne qui change de Maître.

L’Âne d’un Jardinier se lassa de se lever avant le point du jour pour porter des herbes au marché. Un jour il pria Jupiter de lui donner un Maître chez qui il pût, disait-il, au moins dormir. – Soit, dit le Maître des dieux -: et cela dit, voilà le Baudet chez un Charbonnier. Il n’y eut pas resté deux jours qu’il regretta le Jardinier. – Encore, disait-il, chez lui j’attrapais de temps en temps à la dérobée quelques feuilles de chou; mais ici que peut-on gagner à porter du charbon? des coups, et rien davantage. – Il fallut donc lui chercher une autre condition. Jupiter le fit entrer chez un Corroyeur, et le Baudet, qui n’y pouvait souffrir la puanteur des peaux dont on le chargeait, criait plus fort que jamais, et demanda pour la troisième fois un autre Maître. Alors le dieu lui dit: – Si tu avais été sage, tu serais resté chez le premier. Quand je t’en donnerais un nouveau, tu n’en serais pas plus content que des autres. Ainsi, reste où tu es, de peur que tu ne trouves encore ailleurs plus de sujet de te plaindre. -

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