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Du Lion et de la Mouche.

Une Mouche défia un Lion au combat, et le vainquit: elle le piqua à l’échine, puis aux flancs, puis en cent endroits; entra dans ses oreilles, ensuite au fond de ses naseaux; en un mot, le harcela tant, que de rage de ne pouvoir se mettre à couvert des insultes d’un insecte, il se déchira lui-même. Voilà donc la Mouche qui triomphe, bourdonne, et s’élève en l’air. Mais comme elle vole de côté et d’autre pour annoncer sa victoire, l’étourdie va se jeter dans une toile d’Araignée et y reste. – Hélas! disait-elle, en voyant accourir son ennemie, faut-il que je périsse sous les pattes d’une Araignée, moi qui viens de me tirer des griffes d’un Lion? -

Fables – Tome II - pic_11.jpg

De la Taupe et de sa Fille.

Un Laboureur poursuivait une Taupe, dans le dessein de la tuer: celle-ci qui, faute d’yeux, avait peine à se conduire, fuyait vers son trou du mieux qu’elle pouvait. – Ma mère, lui cria sa Fille, il est impossible que vous vous sauviez, si quelqu’un ne vous conduit. Suivez-moi donc, et je vous mènerai droit où vous voulez aller. – Eh, ma Fille, répliqua l’autre, comment pourrai-je te prendre pour guide, quand je sais que tu ne vois pas toi-même plus clair que moi! -

Du Rossignol et de l’Hirondelle.

L’Hirondelle volant loin des champs trouva dans une forêt déserte le Rossignol au chant clair. Philomèle pleurait Itys prématurément arraché à la vie. Et l’Hirondelle lui dit: – Salut, très chère. C’est la première fois que je te vois depuis la Thrace, mais viens dans la campagne et dans la demeure des Hommes; tu vivras sous notre toit et tendrement aimée. Tu chanteras pour les laboureurs, non pour les bêtes. – Le Rossignol à la voix sonore lui répondit: – Laisse-moi habiter dans les rochers déserts, car les maisons et la fréquentation des Hommes rallumeraient en moi le souvenir de mes anciennes misères. – Cette fable signifie qu’il vaut mieux vivre sans souffrances dans la solitude que d’habiter avec le malheur dans les cités.

Du Singe et du Chat.

Le Singe et le Chat méditaient au coin du feu comment ils s’y prendraient pour en tirer des marrons qui y rôtissaient. – Frère, dit le premier à l’autre, ces marrons que tu vois, il nous les faut avoir à tel prix que ce puisse être; et pour cela, comme je te crois la patte plus adroite que la mienne, tu n’as qu’à t’en servir, écarter tant soit peu cette cendre, et nous les amener ici. – L’autre approuve l’expédient, range d’abord les charbons, puis la cendre, porte et reporte la patte au milieu du feu, en tire un, deux, trois; et pendant qu’il se grille, le Singe les croque. Un Valet vient sur ces entrefaites troubler la fête, et les galants prennent aussitôt la fuite. Ainsi le Chat eut toute la peine, et l’autre tout le profit.

Du Hérisson et du Serpent.

Un Hérisson que des Chasseurs poursuivaient, se coula sous une roche, où le Serpent se retirait, et pria celui-ci de souffrir qu’il s’y cachât: ce qu’on lui accorda très-volontiers. Les Chasseurs retirés, le Serpent qui se trouvait fort incommodé des piquants du Hérisson, lui remontra qu’il pouvait se retirer, sans péril, où bon lui semblerait: ensuite il le pria de sortir de son trou. – Moi, sortir, repartit l’autre? Les dieux m’en gardent! Apprenez, insolent, que j’ai ici autant et plus de droit que vous. – Comme celui-ci était le plus fort, il ne lui fut pas difficile de prouver net ce qu’il avançait.

De l’Âne et du Cheval.

Un Homme avait un Cheval et un Âne, et comme ils voyageaient ensemble, l’Âne, qui était beaucoup chargé, pria le Cheval de le soulager, et de prendre une partie de son fardeau, s’il voulait lui sauver la vie; mais le Cheval lui refusant ce service, l’Âne tomba, et mourut sous sa charge: ce que voyant le Maître, il écorcha l’Âne, et mit sur le Cheval toute sa charge avec sa peau; alors le Cheval s’écria: – Ô que je suis malheureux! je n’ai pas voulu prendre une partie de sa charge, et maintenant il faut que je la porte toute entière, et même sa peau. -

Du Cerf.

Le Cerf étant vivement pressé par les Chasseurs, se sauva dans l’étable des Boeufs; mais l’un d’eux lui dit: – Que fais-tu, malheureux? c’est t’exposer à une mort certaine, que de te mettre ici à la merci des Hommes. – Pardonnez-moi, dit le Cerf, si vous ne dites mot, je pourrai peut-être me sauver -; cependant, la nuit vint, et le Bouvier apporta des herbes pour repaître les Boeufs, et ne vit point le Cerf. Les Valets de la maison, et le Métayer même entrèrent et sortirent de l’étable sans l’apercevoir. Alors le Cerf se croyant hors de danger, se mit à complimenter les Boeufs, et à les remercier de ce qu’ils l’avaient voulu cacher parmi eux: ils lui répondirent qu’ils désiraient bien tous qu’il se pût sauver, mais qu’il prît garde de tomber entre les mains du Maître; car sa vie serait en grand danger. En même temps le Maître, qui avait soupé chez un de ses amis, revint au logis: comme il avait remarqué, depuis peu de jours, que ses Boeufs devenaient maigres, il voulut voir comme on les traitait. Entrant donc dans l’étable, et s’approchant de la crèche: – D’où vient, dit-il à ses gens, que ces pauvres Boeufs ont si peu à manger, et que leur litière est si mal faite, avec si peu de paille? – Enfin, comme il regardait exactement de tous côtés, il aperçut le Cerf avec ses grandes cornes, et appelant toute sa famille, ordonna qu’on le tuât.

Du Cuisinier et du Chien.

Un Chien étant entré dans la cuisine, et épiant le temps que le Cuisinier l’observait le moins, emporta un coeur de Boeuf, et se sauva. Le Cuisinier le voyant fuir après le tour qu’il lui avait joué, lui dit ces paroles: – Tu me trompes aujourd’hui impunément; mais sois bien persuadé que je t’observerai avec plus de soin, et que je t’empêcherai bien de me voler à l’avenir; car tu ne m’as pas emporté le coeur; au contraire tu m’en as donné. – Les pertes et la mauvaise fortune ouvrent l’esprit, et font que l’Homme prend mieux ses précautions pour se garantir des disgrâces qui le menacent.

Du Renard et du Singe.

Le Lion ayant établi son empire sur les Animaux avait enjoint de sortir des frontières de son royaume à ceux qui étaient privés de l’honneur de porter une queue. Épouvanté, le Renard se préparait à partir pour l’exil. Déjà il pliait bagage. Comme le Singe, ne considérant que l’ordre du roi, disait que cet édit ne concernait pas le Renard, qui avait de la queue, et à revendre: – Tu dis vrai, dit celui-ci, et ton conseil est bon, mais comment savoir si entre les Animaux dépourvus de queue le Lion ne voudra pas me compter au premier rang. Celui qui doit passer sa vie sous un tyran, même s’il est innocent, est souvent frappé comme coupable. -

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