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Du Souriceau et de sa Mère.

Un Souriceau racontait à sa mère tout ce qui lui était arrivé dans un voyage dont il était de retour. – Un jour, lui disait-il, la curiosité me prit d’entrer dans une basse-cour, et là j’y trouvai un animal qui m’était inconnu, mais dont le minois me plut infiniment. L’air doux, la contenance modeste, le regard gracieux; au reste, la peau marquetée, longue queue, et faite à peu près comme la nôtre; voilà ce qui le rendait tout à fait plaisant à voir. Pour moi j’en fus si charmé, que déjà je l’abordais pour faire connaissance avec lui, lorsque certain oiseau farouche, turbulent, et qui portait sur sa tête je ne sais quel morceau de chair tout déchiqueté, m’effraya tellement par ses cris perçants, que j’en pris la fuite d’épouvante. – Mon fils, lui dit la mère, remercie les Dieux qui t’ont sauvé dans cette rencontre du plus grand danger que tu puisses jamais courir. L’Animal qui t’a semblé si doux, c’est un Chat; l’oiseau turbulent, c’est un Coq. Ce dernier ne nous veut aucun mal mais l’autre ne pense qu’à nous détruire. Reconnais donc maintenant quelle était ton imprudence, de courir te livrer toi-même à ton plus cruel ennemi. -

Du Loup et du Chien maigre.

Un jour, un Loup rencontra un Chien d’assez bonne taille, mais si maigre, qu’il n’avait que les os et la peau. Comme il allait le mettre en pièces: – Eh! Seigneur, lui dit le Chien, qu’allez-vous faire? ne voyez-vous pas bien que je suis présentement dans un tel état, que je ne vaux pas un coup de dent? Mais, croyez-moi, souffrez que je retourne au logis; j’aurai soin, je vous jure, de m’y bien nourrir, et s’il vous prend envie d’y venir dans quelque temps, vous m’y trouverez si gras, que vous ne vous repentirez point d’avoir perdu un méchant repas pour en faire un incomparablement meilleur. – Le Loup le crut et le lâcha. Quelques jours après, il court au logis du Chien, l’aperçoit au travers des barreaux de la porte, et le presse de sortir pour lui tenir parole. – Vous reviendrez demain, s’il vous plaît, lui dit le Chien; car pour aujourd’hui, outre que je ne crois pas avoir encore atteint le degré d’embonpoint qui vous convient, je ne me sens pas fort d’humeur à vous contenter. – L’autre entendit à demi-mot. Il baissa l’oreille, et rebroussant chemin, jura qu’il ne laisserait jamais échapper ce qu’il tiendrait.

De l’Assassin qui se noie.

Le Prévôt poursuivait un Assassin. Celui-ci fuyait, et de telle vitesse, que l’autre ne put l’atteindre, et se retira. Alors le scélérat s’imagina qu’il n’avait plus rien à craindre, et crut que son crime demeurerait impuni; mais le ciel se garda bien de le permettre. Pendant que ce malheureux croit traverser un ruisseau où il était entré sans en connaître la profondeur, il y perd pied, et s’y noie.

Des Boeufs et de l’Essieu.

Deux Boeufs attelés à un chariot fort chargé, ne le tiraient qu’avec peine. Cependant l’Essieu criait, et de telle sorte, que les Boeufs, étourdis du bruit qu’il faisait, s’arrêtèrent et se retournèrent vers lui. – Importun, lui dirent-ils, eh! qu’as-tu donc tant à crier, toi qui ne fatigues presque point, tandis que nous ne nous plaignons seulement pas, nous qui suons à tirer tout le fardeau? -

Du Coq et du Renard.

Un Coq se tenait sur un chêne fort élevé. Un Renard, qui ne pouvait l’y atteindre, courut au pied de l’arbre: – Ami, cria-t-il à l’autre, bonne nouvelle! Hier, la paix fut signée entre les tiens et les nôtres. Sans rancune donc, je te prie; et puisque dorénavant nous devons tous nous entr’aimer comme frères, commençons par nous réconcilier. Viens donc, mon cher, descends que je t’embrasse. – Ami, repartit le Coq, tu ne saurais croire combien cette nouvelle me réjouit. Je la crois certaine, car, si je ne me trompe, je vois là-bas deux courriers qui viennent nous en apporter la nouvelle. Demeure donc, je te prie; et sitôt qu’ils seront arrivés, je descendrai pour nous en réjouir tous quatre ensemble. – Ces courriers étaient deux Lévriers. Le Renard ne jugea pas à propos de les attendre, et gagna pays; et le Coq se mit à rire à gorge déployée.

De la Rose et des Fleurs.

Les Fleurs contemplaient la Rose, et trouvaient dans ses nuances un éclat si vif qu’elles lui cédaient, presque sans envie, le prix de la beauté. – Non, lui disaient-elles toutes d’une voix, notre coloris n’est ni si rare ni si beau. Nous n’exhalons point une odeur si douce. Triomphez, belle Rose: vous méritez seule les caresses des zéphyrs. – Fleurs, dit la Rose en soupirant, lorsqu’un seul jour me voit naître et mourir, que me sert d’être si belle? Hélas! je voudrais l’être moins et durer, comme vous, davantage. -

Du Cygne et de la Grue.

Le Cygne, à l’extrémité, chantait. – Je ne vois pas, lui disait la Grue, quel sujet vous avez de vous réjouir dans l’état où vous êtes. – Je sens que je vais mourir, répliqua le Cygne. Ai-je tort de marquer de la joie, quand je me vois sur le point d’être délivré de tous mes maux? -

De la Canne et du Barbet.

Un Barbet poursuivait une Canne. Celle-ci, pour se sauver, se jette dans un étang. L’autre s’y lance, et nage après elle. Comme il la suit, et de si près, qu’il ouvre déjà la gueule pour la prendre, la Canne fait le plongeon, s’enfonce et disparaît. Ainsi le Chien perdit sa proie dans le moment même qu’il croyait la tenir.

De l’Homme décoiffé.

Un Homme chauve se vit obligé de couvrir sa tête de cheveux empruntés. Un jour, comme il dansait en bonne compagnie, il donna en sautant, un tel branle à son corps, que sa fausse chevelure en tomba par terre. Chacun se mit à rire. – Messieurs, dit le Danseur, dans le dessein de faire cesser la risée par quelque bon mot, vous ne devez pas être surpris que ces cheveux n’aient pu tenir sur la tête d’autrui, lorsqu’ils n’ont pu rester sur la leur propre. -

Des Voyageurs et du Plane.

Vers le milieu d’un des plus chauds jours de la canicule, deux Voyageurs prenaient le frais à l’ombre d’un Plane. Ils s’y étaient retirés pour se mettre à l’abri du soleil. Comme ils en considéraient les branches sans y apercevoir de fruit: – Voilà, se disaient-ils l’un à l’autre, un méchant Arbre; s’il m’appartenait, puisqu’il n’est bon à rien, je le ferais abattre et jeter au feu tout présentement. – Ingrats, leur dit l’Arbre, n’est-ce donc rien que cet ombre que mon feuillage produit, et qui vous garantit si à propos des rayons que vous fuyez? -

Fables – Tome II - pic_4.jpg
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