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Et tout ce qu'il disait, ça faisait rire les deux autres.

Je fixais leurs ongles rongés jusqu'au sang. Tu crois qu'il m'aurait prise sur une botte de paille? Non, ils étaient trop saouls pour se baisser sans tomber. Dans la laiterie, ils m'ont plaquée contre une cuve glacée. Il y avait une espèce de tuyau coudé qui me broyait le dos. Ca faisait pitié de les voir s'énerver avec leur braguette.

Tout faisait pitié.

Ils m'ont fait horriblement mal. Comme ça, ça ne veut rien dire mais je le répète pour ceux qui m'auraient mal entendue: ils m'ont fait horriblement mal.

Le gars des Billebaudes, l'éjaculation l'a dégrisé d'un coup. Bon, ben docteur, c'était pour rigoler hein? On n'a pas souvent l'occasion de rigoler par chez nous, pi faut nous comprendre, c'est mon beau-frère qu'est là qu'enterre sa vie de garçon, pas vrai Manu ?

Manu dormait déjà et le copain de Manu recommençait à picoler.

J'ai dit au gars, bien sûr, bien sûr. J'ai même rigolé un petit peu avec lui jusqu'à ce qu'il me présente le goulot. C'était de l'eau-de-vie de prune.

L'alcool les avait rendus inoffensifs mais je leur ai administré à chacun une dose de Ketamine. Je ne voulais pas qu'ils tressaillent. Je tenais à mon confort.

J'ai mis des gants stériles et j'ai bien nettoyé tout ça à la Bétadine.

Ensuite, j'ai tendu la peau du scrotum. Avec ma lame de bistouri j'ai fait une petite incision. J'ai sorti les testicules. J'ai coupé. J'ai ligaturé l'épididyme et le vaisseau avec du catgut n°3,5. J'ai remis ça dans les bourses et j'ai fait un surjet. Du travail très propre.

Celui que j'ai eu au téléphone et qui a été le plus brutal parce qu'il est ici chez lui, je lui ai greffé sa paire de couilles au-dessus de la pomme d'Adam.

Il était presque six heures quand je suis passée chez ma voisine. Madame Brudet, soixante-douze ans, debout depuis belle lurette, toute racornie mais vaillante.

– Je vais sûrement m'absenter, madame Brudet, il me faut quelqu'un pour soigner mes chiens et pour les chats aussi.

– Rien de grave au moins?

– Je ne sais pas.

– Les chats, je veux bien même si je dis que c'est pas une bonne idée de les engraisser comme ça. Y n'ont qu'à chasser les mulots. Les chiens, ça m'ennuie davantage parce qu'ils sont gros mais si c'est pas pour trop longtemps, je les prendrai avec moi.

– Je vais vous faire un chèque pour la nourriture.

– C'est bien. Posez-le derrière la télé. Rien de grave au moins?

– Tttttt tttttt, j'ai fait avec mon sourire.

Là, je suis assise à ma table de cuisine. J'ai refait du café et je fume une cigarette. J'attends la voiture des gendarmes. J'espère seulement qu'ils ne mettront pas la sirène.

Junior

Il s'appelle Alexandre Devermont. C'est un jeune homme tout rose et tout blond.

Elevé sous vide. Cent pour cent savonnette et Colgate bifluor, avec des chemisettes en vichy et une fossette dans le menton. Mignon. Propre. Un vrai petit cochon de lait.

Il aura bientôt vingt ans. Cet âge décourageant où l'on croit encore que tout est possible. Tant de probabilités et tant d'illusions. Tant de coups à prendre dans la figure aussi.

Mais pour ce jeune homme tout rose, non. La vie ne lui a jamais rien fait. Personne ne lui a tiré les oreilles jusqu'au point où ça fait vraiment mal. C'est un bon garçon.

Sa maman pète plus haut que son cul. Elle dit: " Allô, c'est Elisabeth Devermont…" en détachant la première syllabe. Comme si elle espérait encore duper quelqu'un… Tatatata… Tu peux payer pour avoir beaucoup de choses de nos jours mais ça, tu vois, pour la particule, c'est raté.

Tu ne peux plus t'acheter ce genre d'orgueil. C'est comme Obélix, il fallait tomber dedans quand tu étais petite. Ca ne l'empêche pas de porter une chevalière avec des armoiries gravées dessus.

Des armoiries de quoi? Je me le demande. Un petit fouillis de couronne et de fleurs de lys sur fond de blason. L'association des Charcutiers-Traiteurs de France a choisi les mêmes pour son papier à en-tête du syndicat mais ça, elle ne le sait pas. Ouf.

Son papa a repris l'affaire familiale. Une entreprise de fabrication de meubles de jardin en résine blanche. Les meubles Rofitex.

Garantis dix ans contre le jaunissement et sous n'importe quel climat.

Evidemment la résine, ça fait un peu camping et pique-nique à Mimile. Ca aurait été plus chic de faire du teck, des bancs classieux qui prennent lentement une belle patine et quelques lichens sous le chêne centenaire planté par le bisaïeul au milieu de la propriété… Mais bon, on est bien obligé de prendre ce qu'on vous laisse, hein.

A propos des meubles, j'exagérais un peu tout à l'heure quand je disais que la vie ne lui avait jamais rien fait subir à Junior. Si si. Un jour, alors qu'il dansait avec une jeune fille de bonne famille plate et racée comme un vrai setter anglais, il l'a eue son émotion.

C'était lors d'un de ces petits raouts mondains que les mamans organisent à très grands frais pour éviter que leurs rejetons ne s'aventurent un jour entre les seins d'une Leila ou d'une Hannah ou de n'importe quoi d'autre qui sentirait trop le soufre ou la harissa.

Donc il était là, avec son col cassé et ses mains moites. Il dansait avec cette fille, il faisait bien attention à surtout ne pas lui effleurer le ventre avec sa braguette. Il essayait de se déhancher un peu en battant la mesure avec les fers de ses Westons. Comme ça, tu vois, genre décontracté. Genre jeune.

Et puis la minette lui a demandé:

– Il fait quoi ton père? (C'est une question que les filles posent dans ce genre de sauteries.)

Il lui a répondu, faussement distrait, en la faisant tourner sur elle-même:

– Il est P.D.G. de Rofitex, j'sais pas si tu connais comme boîte… Deux cents employ…

Elle ne lui a pas laissé le temps de finir. Elle s'est arrêtée de danser d'un coup et elle a ouvert grand ses yeux de setter:

– Attends… Rofitex Tu veux dire les… les… préservatifs

Rofitex!!

Alors là, c'était la meilleure.

– Non, les meubles de jardin, il a répondu, mais vraiment il s'attendait à tout sauf à ça. Ah non vraiment, quelle conne cette fille. Quelle conne. Heureusement le morceau était fini et il a pu se diriger vers le buffet pour boire un peu de champagne et déglutir. Non vraiment.

Ca se trouve, ce n'est même pas une fille du rallye, c'en est une qui s'est incrustée.

Vingt ans. Mon Dieu.

Le petit Devermont s'y est repris à deux fois pour avoir le bac mais le permis non, ça va. Il vient de l'avoir et du premier coup.

Pas comme son frère qui l'a repassé trois fois.

Au dîner tout le monde est de bonne humeur. Ce n'était pas dans la poche car l'inspecteur du coin est un vrai con. Un poivrot en plus. C'est la campagne ici.

Comme son frère et ses cousins avant lui, Alexandre a passé son permis pendant les vacances scolaires dans la propriété de sa grand-mère parce que les tarifs sont moins chers en province qu'à Paris. Presque mille francs d'écart sur un forfait stage.

Mais enfin, là, le poivrot était à peu près à jeun et il a griffonné son papier rose sans faire l'intéressant.

Alexandre pourra se servir de la Golf de sa mère à condition qu'elle n'en ait pas besoin, sinon il prendra la vieille 104 qui est dans la grange. Comme les autres.

Elle est encore en bon état mais elle sent la crotte de poule.

C'est la fin des vacances. Bientôt il faudra retourner dans le grand appartement de l'avenue Mozart et intégrer l'école de Commerce privée de l'avenue de Saxe. Une école dont le diplôme n'est pas encore reconnu par l'état mais qui a un nom compliqué avec plein d'initiales: l'I.S.E.RP. ou l'I.RP.S. ou l'I.S.D.M.F. ou un truc dans ce goût-là. (Institut Supérieur De Mes Fesses.)

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