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— Je compte sur vous, François. Pas un mot, dit Miss Mary.

Elle ouvrit la portière.

— Oh Bob!.. Aidez-nous! Nous sommes bien chargés.

— Vous m'avez laissé tomber, tous les deux! s'écria Bob. Je me demandais où vous étiez passés.

— Corvée de ravitaillement, dit Miss Mary. Et elle réussit à mettre dans sa réponse une espèce d'enjouement qui parut monstrueux à François. Mentir avec un tel aplomb, c'était à peine croyable. Et rien dans son attitude ne laissa deviner qu'elle venait de connaître des moments d'intense émotion, tandis qu'elle indiquait à Mrs. Humphrey, surgie à la rescousse, les différentes boîtes de conserves à ouvrir pour le dîner.

— Qu'est-ce que vous avez vu? questionnait Bob.

— Oh! Pas grand-chose.!»

— Tu aurais pu me prévenir que vous sortiez… Je me suis embêté comme… comme un rat mort… Demain, je t'emmènerai à la Tour de Londres, si papa est retrouvé et si tout va bien.

— Demain, dit François. Demain… Tu oublies que je dois rentrer.

— Mais pas tout de suite, plaida Bob. Tu viens juste d'arriver.

— Oui, mais les circonstances sont telles…

— C'est justement.

Bob n'acheva pas, pour ne pas montrer son désarroi, et François n'eut pas le courage de le réconforter. Pris entre Miss Mary et Bob, il sentait qu'il allait commettre fatalement quelque maladresse.

— Tiens, fit Bob, l'inspecteur! Morrisson remontait l'allée. Miss Mary et Mrs. Humphrey s'arrêtèrent sur le perron.

— Bonne nouvelle! cria l'inspecteur. M. Skinner est retrouvé.

Il hâta le pas et tout le monde l'entoura.

— Oui, reprit Morrisson, quelqu'un nous a téléphoné…

— Ne restez pas là, dit Miss Mary. Venez au salon.

Toujours respectueuse des convenances, elle jugeait sans doute indécente cette conversation en plein air, qu'un passant aurait pu surprendre. Ils se rendirent donc au salon, à l'exception de Mrs. Humphrey, qui se retira dignement dans la cuisine, estimant sans doute qu'on avait fait entrer l'inspecteur au salon pour la tenir à l'écart de l'entretien.

— Tout est étrange, dans cette affaire, dit Morrisson. Un coup de téléphone anonyme a signalé que M. Skinner se trouvait dans une maison de la banlieue… Nous avons tâtonné et je vous fais grâce des détails… Bref, nous avons pu établir d'où venait l'appel et nous nous sommes rendus à la maison. M. Skinner y était, seul, et tout prouvait qu'on l'avait abandonné précipitamment.

François regarda Miss Mary qui tourna la tête.

— Est-ce qu'on lui avait fait du mal? demanda Bob, impétueusement.

— Non. Mais il est très fatigué, comme vous pouvez le penser. Nous l'avons ramené à l'hôpital et nous avons pris toutes les précautions nécessaires. Je vous donne ma parole qu'il est, maintenant, à l'abri.

— Vous avez pu l'interroger? demanda Miss Mary.

Elle avait peur. N'avait-elle pas tout à redouter des révélations du blessé?

— Evidemment, répondit Morrisson, d'un ton qui signifiait qu'on n'allait pas lui apprendre son métier. Mais il ne sait rien. Rappelez-vous qu'il avait absorbé un somnifère. Il a vaguement le souvenir d'un homme qui le soulevait. A demi inconscient, il a cru qu'on l'emmenait à la salle d'opérations. Et puis, il a dormi, longtemps. Quand il a rouvert les yeux, dans une chambre inconnue, il était seul. Nous sommes arrivés peu après. C'est tout.

«Non! faillit crier François. Non! Ce n'est pas tout!»

— Vous alliez dire quelque chose? interrogea Morrisson.

— Moi?

François rougit. Les yeux si bleus de Miss Mary étaient fixés sur lui.

— Je pensais seulement que cette maison appartient à quelqu'un et qu'on pourrait apprendre…

L'inspecteur l'interrompit avec brusquerie.

— C'est fait, dit-il. Croyez-moi, nous n'avons pas perdu de temps. La propriété appartient au major Henderson, un homme au-dessus de tout soupçon, qui habite en ce moment à Cannes, en France. Elle a été louée, meublée, par l'intermédiaire d'une agence, à un certain Laslo Carolyi, né en Argentine, de parents hongrois. Il a fourni, paraît-il, des papiers en règle et payé, en espèces, trois mois d'avance. Inutile de préciser que nous le recherchons, mais il s'agit vraisemblablement d'une identité d'emprunt. Nous risquons d'avoir du mal. A propos, jeunes gens, je voudrais que vous passiez demain à mon bureau. J'ai d'autres photos à vous montrer.

— Et… l'opération? dit Bob, qui avait écouté avec impatience ces explications.

— Elle aura lieu le plus tôt possible. Probablement demain, de bonne heure.

Ce fut au tour de Miss Mary d'intervenir.

— Avez-vous découvert des indices, dans la maison? demanda-t-elle avec une curiosité polie. Des traces, des empreintes?

— Notre équipe est sur place. Mais je n'attends pas grand-chose de ces recherches.

— Mais qui a pu téléphoner? questionna Bob. L'inspecteur se renfrogna.

— Je donnerais gros pour le savoir. La voix était étouffée, précipitée… C'est du moins ce qui a été noté dans le rapport. Une voix d'homme, avec un fort accent étranger. Vous voyez que ça ne nous mène pas loin. Des étrangers, à Londres, ce n'est pas ce qui manque… Ne prenez pas cette remarque en mauvaise part, monsieur Robion… Alors, je reviens à la question: Qui a téléphoné? Toutes les hypothèses sont possibles. Ce qui est sûr, c'est que l'inconnu connaissait M. Skinner et savait que j'étais chargé de l'enquête. Est-ce un complice pris de remords? J'en doute. Un comparse qui a voulu se venger? Cela se produit assez souvent. Pour le moment, nous cherchons d'abord à localiser ce Carolyi. Voilà… J'ai tenu à vous rassurer personnellement.

— Merci, dit Miss Mary. L'essentiel, pour nous, c'est que M. Skinner nous soit vite rendu. Je suppose qu'on ne nous permettra pas de le voir avant l'opération.

— N'y comptez pas.

L'inspecteur se retira et Miss Mary monta dans sa chambre, après avoir tenu un bref conciliabule avec Mrs. Humphrey. François était de plus en plus perplexe. L'attitude de Miss Mary lui faisait clairement comprendre qu'il était de trop, en dépit des paroles qu'avait pu lui adresser la jeune femme. Il était résolu à reprendre l'avion sans délai. Mais il ne pourrait, décemment, abandonner Bob avant l'opération; ni même aussitôt après. En outre, il devait passer à Scotland Yard. Cela repousserait son départ au surlendemain. Il glissa son bras sous celui de son ami.

— Montons au grenier, proposa-t-il. C'est l'endroit idéal pour causer.

Le soleil s'était dégagé, comme il arrive souvent, en fin de journée, et entrait obliquement par une lucarne. Bob s'assit avec découragement sur une vieille malle.

— Oh, je sais, dit-il. Tu veux retourner chez toi.

Je ne veux pas, rectifia François. J'y suis forcé. Mets-toi à la place de Miss Mary. Tu crois que c'est agréable d'avoir sur le dos un invité dont il faut s'occuper, alors qu'on a déjà tant de soucis. Suppose que la même chose soit arrivée à mon père, quand tu étais à Paris?… Qu'est-ce que tu aurais fait?:.

— Oui…, bien sûr, admit Bob.

Il croisait et décroisait ses doigts. Il paraissait très malheureux.

— Tant que tu es là, murmura-t-il, je n'ai pas le temps de penser à des choses… Je ne suis pas seul.

— Mais voyons… tu n'es pas seul.

— Oh si! On peut être seul, avec les gens qu'on aime.

— Allons, mon vieux!

Bob respira avec effort. Il leva sur François des yeux un peu trop brillants, mais sa voix était assurée quand il dit:

— Eh bien, on s'écrira, hein? On s'écrira souvent… Quand comptes-tu partir?

— Après-demain.

— Aïe! Ce n'est pas loin, ça!

— Je vais téléphoner au bureau d'Air-France pour réserver.

Ils descendirent, résolus tous deux à brusquer les choses. Mais une voix chantante informa François qu'aucune place ne serait disponible avant quatre jours.

— Tu restes! s'écria Bob. Youpee!

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