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Il ajouta, en français:

«Ce n'est pas toujours rigolo!»

Et il sourit tristement.

Le mystérieux visiteur

L'instant de gêne était passé. Bob avait retrouvé sa bonne humeur. Il conduisit François à sa chambre, au premier étage.

— On aurait dû commencer par là, dit-il. Mais papa est terrible, avec ses marionnettes. Il n'a que ça en tête… Ça te plaît?

Oui, François aimait beaucoup cette chambre, à la tapisserie gaie, représentant des cavaliers sautant des obstacles, au lit à l'ancienne, avec ses rideaux de velours retenus par des embrasses, et les deux fauteuils de cuir, confortables comme savent l'être les fauteuils anglais. Il ouvrit la fenêtre. Un lierre épais l'encadrait, qui sentait la pluie et le terreau. Mais le soleil avait chassé les nuages et les allées du jardin fumaient légèrement.

— Tu remarqueras…, un jardin de savant, dit Bob. Il n'y a plus que des mauvaises herbes. Autrefois, c'était Mrs. Humphrey qui s'en occupait. Mais, avec ses varices qui souvent l'empêchent de marcher, c'est tout juste, maintenant, si elle peut assurer son service dans la maison.

Il s'accouda auprès de François.

— Quand mon père sera remarié, continua-t-il, j'espère que tout rentrera dans l'ordre… Elle est bien, Miss Margrave, tu verras… Elle vient souvent, bien sûr. Elle habite à Guildford, à une heure d'ici.

Il rêva un instant, chassa une guêpe qui voulait entrer dans la chambre, et baissa la voix:

— J'étais si petit quand j'ai perdu ma mère… Je l'ai oubliée. Miss Margrave, je sais bien, ce ne sera pas pareil, mais ce sera quand même mieux qu'avant. Et puis nous engagerons un jardinier. Papa a l'intention aussi de faire construire une espèce de laboratoire, au fond du parc, derrière la maison. Oh! Il a de grands projets, papa. Depuis toujours, je l'entends qui tire des plans. Il n'est pas comme les autres. Il vit en avant… Tu veux voir les autres pièces? Je te préviens, elles sont à moitié vides. Papa a été obligé de vendre beaucoup de choses, parce que ses recherches coûtent très cher.

Il entraîna François et, montrant le couloir, ajouta:

— Ici, c'est la chambre de papa. Ensuite, c'est la mienne, puis la chambre de Mrs. Humphrey, et en face, une seconde chambre d'amis. Sans intérêt. A l'étage au-dessus, il n'y a plus rien… Mais tu vas voir, le salon est amusant.

Ils descendirent et Bob ouvrit une porte:

— Voilà le musée!

François ne sut tout d'abord où porter ses regards. Il fit quelques pas avec précaution, car il marchait sur un très beau tapis persan. Autour de lui, il y avait des laques, des jades, des ivoires, toutes sortes de bibelots ouvragés, ciselés, inscrustés.

— Mon grand-père était consul, expliqua Bob. Il a été en poste un peu partout et il a rapporté un tas de trucs… Tiens, là, c'est une table de fumeur d'opium, avec les pots et les aiguilles… Ça, c'est un paravent chinois… Et ça, un moulin à prières qui vient de Bombay… Là-bas, c'est le coin des armes. Il y a même un boomerang… Et ce sabre de samouraï, qu'est-ce que tu en dis?

Avec souplesse, Bob se glissait entre les tables basses, encombrées des objets les plus variés, et montrait tour à tour un échiquier aux pièces sculptées, une défense d'éléphant, un coffret contenant des bagues anciennes…

— La pauvre Mrs. Humphrey! Quand il faut qu'elle fasse le ménage! Tu te rends compte! Mais tu sais ce que je préfère?… Ça!

Il prit, sur une console, une boîte plate et l'ouvrit. Elle contenait deux pistolets aux longs canons, soigneusement astiqués.

— Des pistolets de duel, dit-il. Oh! Ils ne sont pas neufs. C'est moi qui les fais briller. Soupèse-les… On est toujours surpris de leur légèreté.

François souleva l'un des pistolets et, par jeu, visa un masque africain.

— Tu parles d'un calibre, commenta Bob. Et ils pourraient servir, si on voulait. Il y a des balles dans la boîte… Regarde comment je m'y prends.

Adroitement, il chargea l'une des armes. Mais un bruit de pas, dans la salle à manger, l'alerta.

— C'est Mrs. Humphrey, chuchota-t-il. Elle n'aime pas beaucoup me trouver ici.

Il coucha les pistolets dans la boîte, la remit rapidement en place et revint au centre du salon. Quand la gouvernante entra, il disait innocemment à son ami.

— Personne ne vient jamais ici. Papa ne reçoit pas de visites… N'est-ce pas, Mrs. Humphrey?

La gouvernante jeta un regard inquisiteur.

— C'est l'heure de vos gouttes, dit-elle. J'ai tout préparé.

— Bon. On y va.

— Tu est malade? demanda François, tandis que la vieille femme s'éloignait.

— Mais non. Seulement le docteur s'est mis dans la tête de me faire maigrir.

Ils allèrent dans la cuisine où un verre plein d'un liquide rosâtre attendait Bob. Celui-ci ouvrit le buffet et s'empara d'un gros morceau de tarte.

— C'est pour ne pas sentir le goût, dit-il en riant.

Il vida son verre d'un trait et mordit dans le gâteau.

— Ce que ça peut être mauvais!.. Viens voir le garage.

Une partie du garage avait été convertie en atelier. Sur une table tachée de peinture, une carcasse métallique montrait des rouages compliqués, près d'un matériel de soudure.

— Et la voiture? demanda François.

— La plupart du temps, elle couche dehors, faute de place. Bientôt, les automates envahiront la maison et l'on sera obligé d'aller à l'hôtel!.. Pourtant, je l'aime bien, notre petite Morris. J'ai appris à conduire. C'est Miss Margrave qui m'a montré. Dès que j'aurai l'âge, je passerai le permis… Et toi? Tu sais conduire?

— Non, avoua François.

— Alors, je te donnerai des leçons… Ecoute! Un pas écrasait le gravier de l'allée. Bob et François sortirent. Ils virent un homme qui se dirigeait vers le perron. Il portait une gabardine serrée à la taille. Sa barbe blonde abondante et sa moustache tombante dissimulaient le bas de son visage. Un chapeau au bord rabattu cachait ses yeux. Bob alla au-devant de lui.

— Monsieur Skinner est-il là? demanda l'inconnu.

— Non. Mon père ne rentrera que ce soir.

— Ah! Comme c'est ennuyeux! L'homme enleva son chapeau et passa sa main, doitgs écartés, dans ses longs cheveux aux reflets roux. Il regardait la maison d'un air hésitant.

— Vous pourriez lui téléphoner, suggéra Bob.

— Oh non! Ce que j'ai à lui dire est trop confidentiel.

— Dans ce cas, je regrette…

Mais l'homme ne semblait pas désireux de rebrousser chemin. Il regardait Bob avec méfiance. Puis il considéra François avec attention, comme s'il soupçonnait les deux garçons de mentir.

— Et si je lui laissais un mot? proposa-t-il. Mais je n'ai pas de quoi écrire. Peut-être pourriez-vous me donner une feuille de papier et un crayon?

Il parlait avec un accent un peu rauque. Bob, des yeux, interrogea François. Celui-ci haussa imperceptiblement les épaules, en signe d'impuissance.

— Eh bien, entrez, dit Bob à regret.

Pas question de conduire ce personnage bizarre au salon. Encore moins au bureau. Bob ouvrit la porte de la salle à manger.

— Reste avec lui, souffla-t-il à François.

L'homme s'assit et pianota sur le bord de la table, d'un air pensif. François remarqua alors les taches de rousseur qui lui marquaient les pommettes. Il avait des sourcils soyeux, peu fournis, et des cils presque blancs. Avec ses yeux trop clairs, il faisait penser à un Scandinave. Bob revint et posa devant le visiteur un bloc et un porte-mine, puis les deux garçons se retirèrent dans un coin de la pièce, par discrétion. Mais ils ne perdaient pas de vue l'inconnu qui, le front plissé, ressemblait à un candidat en train de sécher sur sa copie. Enfin, il écrivit quelques mots, ratura, recommença. Visiblement, il aurait préféré être seul. Mécontent, il arracha la feuille du bloc, la froissa, la mit dans sa poche.

— Je reviendrai demain, dit-il en se levant. Bob s'avança vers lui:

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