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Celle-ci, d'une voix hésitante, demande alors si nous allons la violer. Je la rassure aussitôt: le docteur Juan vient d'apprécier son académie selon des critères esthétiques objectifs, mais elle est nettement trop formée pour son goût personnel, qui ne s'écarte pas de la plus stricte pédophilie. Quant à moi, dont elle satisfait à merveille – il faut en convenir – les fixations sexuelles et fétiches anatomiques les mieux ancrés, constituant même à mes yeux éblouis une sorte d'idéal féminin, je me trouve être, en matière d'éros, partisan de la douceur et de l'inoffensive persuasion. Même lorsqu'il s'agit d'obtenir des complaisances humiliantes ou de mettre en scène des pratiques amoureuses à caractère ouvertement cruel, j'ai besoin du consentement de ma partenaire, c'est-à-dire bien souvent de ma victime. J'espère ne pas trop la décevoir par un pareil aveu d'altruisme. Dans l'exercice de ma profession, bien entendu, c'est une toute autre chose, comme elle risque de s'en apercevoir bientôt, si elle ne montre pas assez d'empressement dans ses réponses à nos questions. Ça sera, qu'elle le sache bien, pour les seuls besoins de notre enquête.

«Et maintenant, dis-je, nous allons donc procéder à l'interrogatoire préliminaire. Tu vas lever les mains au-dessus de la tête, car nous avons besoin de voir tes yeux quand tu parles, pour savoir s'il s'agit d'une vérité sincère ou de mensonges, ou encore de demi-vérités. Afin que tu n'aies aucun mal à conserver longtemps cette posture, nous pouvons te faciliter les choses.» Le docteur, qui a sorti un bloc-notes et son stylo pour consigner par écrit certains points de la déposition, appuie alors sur une sonnette qui se trouve à portée de sa main gauche, et trois jeunes femmes font aussitôt leur apparition, vêtues de stricts uniformes noirs ayant probablement appartenu à un corps auxiliaire walkyrien de l'ex-armée allemande. Sans un mot et avec une rapidité de professionnelles habituées au travail en équipe, elles s'emparent de la petite prisonnière avec une fermeté dépourvue de toute violence inutile, lui fixent les poignets par des bracelets de cuir à deux lourdes chaînes descendues comme par miracle du plafond, tandis que ses deux chevilles sont attachées selon la même méthode à deux gros anneaux en fer jaillis du sol, distants d'un pas environ.

Les jambes se trouvent ainsi bien ouvertes, face à nous, dans une attitude peut-être un peu indécente, mais cet écartement des pieds – qui n'a rien d'excessif – donnera plus d'assise à une station debout prolongée. Ces entraves du reste ne sont pas trop tendues, non plus que les chaînes retenant les mains en l'air de part et d'autre de la chevelure dorée, si bien que le corps et les jambes peuvent toujours bouger, dans des limites cependant assez étroites, cela va sans dire. Nos trois assistantes ont agi avec une si naturelle aisance, tant de précisions dans les gestes, une si bonne coordination des mouvements et vitesses respectives, que notre jeune captive n'a pas eu le temps de bien comprendre ce qui lui arrivait, se laissant manipuler sans tenter la moindre résistance. Sur son tendre visage s'est peint seulement un mélange d'étonnement, d'appréhension vague et d'une espèce de déroute psychomotrice. Ne voulant pas lui laisser le loisir d'y réfléchir davantage, j'entame sans attendre le questionnaire, auquel les réponses arrivent aussitôt, d'une manière presque mécanique:

«Prénom?

– Geneviève.

– Diminutif habituel?

– Ginette… ou Gigi.

– Nom de la mère?

– Kastanjevica. K, A, S… (Elle épelle le mot), dite Kast sur son passeport actuel.

– Nom du père?

– Père inconnu.

– Date de naissance?

– Douze mars mille neuf cent trente-cinq.

– Lieu de naissance?

– Berlin – Kreuzberg.

– Nationalité?

– Française.

– Profession?

– Lycéenne.»

On devine qu'elle a dû remplir souvent ce même formulaire d'identité. Pour moi, en revanche, cela ne va pas sans problème: nous avons donc affaire à la fille de 10, que pourtant je croyais demeurée en France. L'érotique objet de mes actuelles convoitises serait ainsi ma demi-sœur, puisque engendrée comme moi par le détestable Dany von Brücke. En réalité, les choses ne sont pas aussi claires. Si le père présumé n'a jamais voulu reconnaître l'enfant, ni convoler en justes noces avec la jeune mère, sa maîtresse officielle depuis déjà deux mois au moment de la conception, c'est qu'il connaissait les relations amoureuses que son fils indigne et méprisé avait entretenues le premier avec la jolie française, relations qui s'étaient en outre poursuivies pendant une assez longue période transitoire. Despote à l'ancienne mode, usant d'abord d'un ignoble droit de cuissage seigneurial, il a fini par la garder pour lui seul. Joëlle, sans ressources, disponible et vagabonde, un peu perdue dans notre lointain Brandebourg, n'avait pas dix-huit ans. Elle s'est laissée convaincre par le prestigieux officier, d'ailleurs bel homme, qui lui apportait l'aisance matérielle et lui promettait le mariage. Son consentement à une solution apparemment avantageuse était fort compréhensible et je lui ai pardonné… A elle, pas à lui! En tout cas, vu la date de naissance de la troublante fillette, elle pourrait parfaitement être ma propre fille, sa carnation d'aryenne nordique lui venant alors de son grand-père, ce qui n'aurait rien d'exceptionnel.

J'ai regardé la délicieuse Gigi avec des yeux nouveaux. Plus excité que confus du tour que prenait son enlèvement inopiné, mû peut-être aussi par un vague désir de vengeance, j'ai repris l'interrogatoire: «Tu as déjà eu tes règles?» La jeune fille a, dans un assentiment muet de la tête, confessé cette maturité comme si cela comportait quelque chose de honteux. J'ai poursuivi dans l'intéressante voie: «Tues encore vierge?» Du même hochement gêné, elle a répondu oui. En dépit de sa vaillance, qui commençait malgré tout à faiblir, elle a rougi sous la cynique inconvenance de l'inquisition: son front et ses joues d'abord, puis toute sa tendre chair nue depuis la poitrine jusqu'au ventre, se sont colorés de rose vif. Et elle a baissé les yeux… Au bout d'un assez long silence, après avoir requis mon approbation, Juan s'est levé pour accomplir sur l'accusée un professionnel toucher vaginal, qui, même avec d'attentives précautions, a provoqué chez elle un sursaut, sinon de souffrance, du moins de révolte. Elle s'est un peu débattue dans ses liens, mais, impuissante à refermer les cuisses, elle n'a pu échapper à l'examen médical. Juan est ensuite revenu s'asseoir et il a déclaré calmement: «Cette petite fille est une effrontée menteuse.»

Nos assistantes policières étaient demeurées présentes, un peu à l'écart, attendant que l'on ait à nouveau besoin d'elles. Sur un signe que j'ai fait, l'une s'est approchée de la coupable, tenant dans sa main droite un fouet de cuir dont la fine lanière, souple bien qu'assez ferme, termine une extrémité rigide, facile à manier. J'ai indiqué par trois doigts tendus le degré de la punition méritée. Avec une adresse de dompteuse, l'exécutrice a aussitôt appliqué, sur les fesses un peu entrouvertes pour la posture, trois cinglons secs et précis, assez espacés l'un de l'autre. La petite se cabrait à chaque fois sous la morsure du fouet en ouvrant la bouche dans un spasme de douleur, mais se retenant de crier ou de laisser sourdre une plainte.

Très ému par le spectacle, j'ai voulu la récompenser pour sa bravoure. Je me suis dirigé vers elle, une moue compatissante masquant autant que possible un appétit gourmand, sinon pervers, et j'ai vu, par-derrière, la mignonne croupe fraîchement meurtrie: trois lignes rouges bien nettes, entrecroisées, sans aucune trace de déchirure, même légère, sur la peau fragile dont j'ai pu en outre, d'une caresse à peine effleurée, apprécier le satin. Bientôt, avec mon autre main, j'ai introduit deux puis trois doigts dans sa vulve qui était agréablement mouillée, m'incitant donc à lui branler le clitoris avec délicatesse, attentive lenteur et bienveillance toute paternelle, sans trop insister néanmoins malgré le gonflement immédiat du menu bouton de chair, et les frissons parcourant tout le bassin.

Retourné à ma place en face d'elle, je l'ai contemplée amoureusement, tandis que tout son corps ondulait d'une faible houle, peut-être pour apaiser les atteintes encore cuisantes de la brève correction. Je lui ai souri et elle a commencé par me rendre un plus incertain sourire, quand, soudain, elle s'est mise à pleurer sans bruit. Et c'était encore tout à fait charmant. Je lui ai demandé si elle connaissait l'alexandrin célèbre de son grand poète national: «J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.» Elle a murmuré à travers ses larmes:

«Je vous demande pardon d'avoir menti.

– Tu as dit d'autres choses inexactes?

– Oui… Je ne vais plus à l'école. Je suis entraîneuse dans un cabaret de Schôneberg.

– Qui s'appelle comment?

– Die Sphinx. »

Je commençais à m'en douter. Son visage d'ange me remettait en mémoire, par bouffées, un fugitif souvenir nocturne. Je fréquente irrégulièrement le Sphinx (ou plutôt: «la Sphinge», puisque le terme est féminin en allemand) et, quand je pénétrais ce sexe juvénile, un instant plus tôt, avec l'index et le médius, la fente toute humide de sa petite madeleine, enrobée d'une soyeuse fourrure naissante, a déclenché spontanément le processus de réminiscence: je l'avais déjà caressée sous sa jupe d'écolière dans ce bar très intime à la pénombre propice, où toutes les serveuses sont des gamines complaisantes, plus ou moins pubères.

Ne fallait-il pas, cependant, faire subir à celle-ci la suite de ses épreuves, ne serait-ce qu'en guise d'alibi moral justifiant sa présence entre nos griffes? J'ai allumé un cigare et, après en avoir tiré quelques bouffées de réflexion, j'ai dit: «Tu vas maintenant nous raconter où se cache ton géniteur supposé, bien qu'illégitime, l'Oberführer von Brücke.» La prisonnière, tout à coup saisie d'angoisse, a fait des mouvements désespérés de dénégation, agitant ses boucles d'or de droite et de gauche:

«Je ne sais pas, Monsieur, je ne sais vraiment rien. Je n'ai jamais revu ce faux père depuis que maman est rentrée en France avec moi, il y a bientôt dix ans.

– Ecoute bien: tu as menti une première fois en affirmant que tu allais encore en classe, tu as menti une seconde fois sur ta prétendue virginité, sans compter une réponse très incomplète quand tu as parlé d'un "père inconnu". Tu peux donc aussi bien mentir une troisième fois. Nous sommes ainsi contraints de te torturer un peu, ou même beaucoup, jusqu a ce que tu avoues tout ce que tu sais.

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