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Nous rencontrons dans toutes les sphères de la vie des antinomies indissolubles, ces assimptotes qui s’approchent éternellement de leurs hyperboles sans jamais les atteindre – ce sont comme des phares, des limites, des песplus ultra – entre lesquels se balance, se meut et s’écoule la vie réelle.

Les cris des phares, les hommes qui protestent ont existé de tout temps dans chaque civilisation – principalement en décadence. Ce n’est que l’exception, que la limite supérieure, que la puissante transgression subjective, l’effort suprême – chose rare comme le génie, comme la beauté, comme une belle voix.

Sommes-nous plus prêts de la liberté de conscience, de notre souveraineté individuelle, de notre autonomie morale – par toutes les paroles et doctrines d’un prophète-précurseur?

L’expérience nous oblige d’être circonspects. Voilà un exemple. De mémoire d’hommes il n’y avait jamais un tel concours de toutes les conditions les plus propices – pour un développement rationnel d’un être libre comme aux Etats-Unis en Amérique.

Tout ce qui empêche le progrès des Etats sur un sol épuisé par une longue histoire ou complètement sauvage – n’existait point. Les doctrines du XVIIIe siècle, des grands penseurs de la grande révolution sans le militarisme français, le common law de l’Angleterre – sans les castes aristocratiques – formèrent le fondement de leur édifice social.

A quoi l’Europe osait rêver à peine – était de prime abord donné en Amérique – république, démocratie, fédération, autonomie de chaque partie et la ceinture à peine tangente de l’Etat confédéré – avec un nœud faible – et prêt à se délier. Eh bien, les résultats?

La société, la majorité – a usurpé les droits d’un dictateur et d’un sbire. Le peuple lui-même s’est fait Nicolas et la rue Jérusalem. Les persécutions au Sud pour les opinions et paroles, – avec leur bannière chantée – «L’esclavage ou la mort!» ne cèdent en rien aux persécutions du roi de Naples ou de l’Autrichien.

C’est vrai qu’au Nord – «l’esclavage» n’est pas un dogme religieux. Mais que dire du niveau intellectuel et de la liberté de conscience d’une population d’arithméticiens – qui après avoir fermé leurs livres de compte – tournent les tables et font des conversations avec les rapping spirits?

Nous trouvons – avec moins de grossièreté – quelque chose de pareil en Angleterre, en Suède – c’est à dire dans les pays les plus libres de l’Europe. Pouvons-nous conclure de là – que moins le pays est opprimé par son gouvernement, plus il est opprimé par la masse, qu’à un gouvernement tolérant correspond une opinion publique persécutant comme l’inquisition? La famille, la paroisse, le club vous épient, vous empoisonnent la vie… Je n’en sais rien, mais le doute est possible. L’histoire paraît être ce jeu des aspirations sociales – vers l’indépendance de l’individu, de la raison – une aspiration qui semble se réaliser mais la réalisation desquelles – est complètement incompatible avec l’existence de l’Etat… Systole et diastole de la circulation humaine.

Nous confessons franchement de ne pas connaître la réponse à cette question… mais nous ne voulons non plus accepter une solution toute faite – derrière notre dos. Jusqu’à présent l’histoire la résout d’une manière, et quelques penseurs éminents, dans leur nombre notre R. Owen, – d’une autre. Owen a une foi inébranlable, cette foi des grands philosophes du XVIIIe siècle (qu’on a surnommé le siècle des incrédules!) que non seulement l’humanité parviendra un jour à une organisation rationnelle – mais que nous sommes à la veille d’exiger notre toge virile… Quant à cette dernière assertion, il nous semble que les tuteurs, pasteurs ménins et bonnes peuvent encore tranquillement dormir et manger aux frais de leurs pupilles. Tant que notre siècle dure – les hommes d’aucun pays ne demanderont pas les droits des majeurs – et se contenteront encore des petits jouets – et du col rabattu à l’enfant.

Il y a mille raisons à cela. Et d’abord pour qu’un homme puisse arriver au simple bon sens – il faut qu’il soit un géant; quelquefois même les forces les plus colossales ne peuvent suffir pour se frayer un passage à travers les morts et les spectres – de la tradition. Prenez un état social bien et carrément assis sur ses bases comme en Chine ou au Japon.

Du moment où l’enfant ouvre ses yeux avec un sourire – en regardant sa mère, – jusqu’au moment où il les referme, presque avec le même contentement – ayant fait sa paix avec Dieu et assuré un bon placement qu’on lui fera occuper pendant un petit somme qu’il fera – tout est disposé pour qu’il ne puisse voir clair, avoir une seule notion simple. Il suce avec le lait de sa mère je ne sais quelle belladone – qui lui tourne la tête – pas un sentiment ne reste intact, pas une passion qui ne soit détournée de sa voie naturelle. L’éducation de l’école continue en aggravant l’œuvre de l’éducation domestique – en généralisant, en justifiant théoriquement – les pratiques et règles de la maison, donnant une base scolastique à tous les mirages, en habituant les enfants de connaître sans comprendre et d’accepter les noms pour des définitions.

L’homme ahuri – continue à exister dans un monde d’illusions optiques, perd l’instinct de la vérité, le goût de la nature et doit certainement avoir une force énorme d’intelligence pour s’en apercevoir et peut-être encore plus de courage – pour sacrifier tout s’il le faut et sortir – déjà chancelant et ivre de la malaria qui l’entoure.

R. Owen aurait répondu à cela – que c’est nommément par ces considérations qu’il est venu à la conclusion – qu’il fallait commencer la régénération sociale – non par un phalanstère, non par Icarie – mais par l'école.

Il avait raison, et encore plus, il a prouvé pratiquement qu’il l’avait. Devant l’exemple de New Lanark – ses adversaires se taisent, le maudit New Lanark ne peut être digéré par les gens qui accusent le socialisme – de ne s’occuper que d’utopie – sans savoir réaliser le moindre détail. N. Lanark était là en chair et os pour répondre à tous ces Saint Thomas de l’économie politique – tout le monde y allait – ministres, ducs, fabricants, lords et même évèques. – Un sceptique, le docteur du duc de Kent n’y croit rien, le duc lui propose d’y aller et de voir de ses propres yeux – le docteur Mac-Neb y va et commence sa première lettre par ces mots: «Mon rapport à demain, je suis trop ému, de ce que j’ai vu – plus d’une fois je sentais des larmes dans mes yeux».

Sur cet aveu magnifique en faveur de N. Lanark – je m’arrête et je constate qu’Owen a donné une grande preuve à sa doctrine de l’éducation – par sa réalisation.

Comment donc cela se fit que N. Lanark, étant au sommet de son bien-être – au milieu de la plus énergique, de la plus ardente activité d’Owen – croula et se transforma en une école – un peu moins vulgaire, peut-être, que les autres – mais très vulgaire? Est-ce qu’Owen s’était ruiné? Est-ce qu’il y avait dissidence parmi les maîtres, mécontentement de parents, insubordination des enfants?.. Rien de pareil, au contraire, la fabrique allait parfaitement bien, les revenus s’augmentaient, les ouvriers quittaient complètement l’ivrognerie et le vol, l’école étonnait le monde. Quel malheur est donc tombé sur N. Lanark?

Un beau matin l’école de N. Lanark vit entrer deux sinistres figures habillées en noir, d’une gravité comique, dans des chapeaux très bas et des pardessus d’une coupe préméditativement laide. C’étaient deux braves et pieux quakers – copropriétaires de N. Lanark. Ils froncèrent les sourcils en voyant les figures charnellement gaies des enfants, ils devinrent sombres en les entendant chanter de la musique de ce monde et baissèrent leurs yeux – s’apercevant que les petits garçons n’avaient pas d’«inexpressibles»! – Bon Dieu!

Ces malheureux enfants ne ressentaient aucun remords de la première chute d’Adam – et les quakers secouèrent la tête avec tristesse…. Owen pour conjurer la première attaque répondit par un trait de génie – par le chiffre de l’accroissement du gain. Ce chiffre annuel était si grand qu’il arrêta pour un certain temps le zèle religieux des quakers. Mais dans quelque temps leur conscience se réveilla – et cette fois héros du devoir et résolus de ne pas céder, ils exigèrent l’abolition de la danse, du chant laïc, des manœuvres par groupes – pour cela ils permettaient aux enfants de se récréer en chantant les psaumes.

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