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Il attendit. Elle porta les yeux sur lui et dut donner congé à Giraud, car cet homme regarda à son tour Justin et les laissa.

— À quoi rime cette histoire ? demanda Justin en venant vers Ari.

— Je vais avoir besoin de lui, c’est tout. Il a un généset de Spécial sur lequel j’effectue des recherches. Il me sera utile, voilà tout. Cette décision n’a aucun caractère personnel.

— À d’autres !

Il venait de perdre le contrôle de sa voix, ce jeune homme de dix-sept ans qui affrontait une femme aussi redoutable que son père. Il éprouvait le désir de la frapper. Ce qui n’entrait pas dans le cadre des possibilités. À Reseune, Ari pouvait faire n’importe quoi. À n’importe qui. Il était bien placé pour le savoir.

— Que voulez-vous ? Que désirez-vous obtenir de moi ?

— Je viens de te dire que ce n’est pas une affaire personnelle. Grant peut aller chercher tout ce qu’il possède. Il disposera ensuite de quelques jours pour se détendrec et en outre tu continueras de le voir. La situation serait différente si tu ne travaillais pas dans cette section.

— Vous comptez tester des bandes sur lui !

— C’est son utilité, il me semble ? Grant est un expérimental. Subir des tests est ce que nous attendons de lui en échange de l’existence que nous lui offronsc

— Il gagne sa vie en tant que concepteur, bordel ! Il n’est pas un de vos foutus cobayes, il estc

Mon frère,manqua-t-il dire.

— Je regrette que tu laisses tes sentiments prendre le pas sur ton objectivité et je te conseille de te calmer sur-le-champ. Tu n’as pas encore été habilité à avoir la tutelle d’un Alpha, et il est improbable que tu le sois un jour si tu ne réussis pas à te dominer. Si tu lui as fait des promesses que tu ne peux tenir, tu es le seul à blâmer. Tul’as blessé. Dieu sait de quoi tu t’es encore rendu coupable envers lui, et je découvre qu’un long entretien avec toi va s’avérer nécessairec pour t’apprendre ce qu’est un Alpha, découvrir ce que tu lui as fait et décider si tu es digne d’obtenir un jour sa tutelle. Posséder de l’intelligence n’est pas tout, mon garçon. Encore faut-il savoir raisonner en faisant abstraction de ses aspirations et de ses convictions. Il serait grand temps que tu le comprennes.

— D’accord, d’accord, je me plierai à tous vos désirs. Et lui aussi. Mais autorisez-le à rester avec moi !

— Calme-toi, tu m’entends ? Calme-toi. Je ne peux laisser un Alpha à quelqu’un d’aussi surexcité. En outrec

Du bout de l’index elle exerça une pression sur la poitrine de Justin.

— Tu sembles oublier à qui tu as affaire, mon chéri. Tu devrais savoir que je parviens toujours à mes fins. Tu n’as jamais rien obtenu en me manifestant ton opposition. Sèche tes larmes, reprends-toi, et regagne tes appartements avec Grant pour veiller à ce qu’il n’oublie rien qui pourrait lui être utile. Et, surtout, apaise ses craintes et ne t’avise pas d’accentuer son appréhension. Tu n’as donc pas la moindre compassion ?

— Soyez maudite ! Que voulez-vous ?

— J’ai déjà tout ce que je désire. Va et exécute mes ordres. Tu travailles pour moi. Et j’espère que demain matin tu manifesteras à mon égard toute la politesse et le respect que tu me dois. Est-ce compris ? Maintenant, va t’occuper de tes affaires.

— Jec

Ari se détourna. Elle se dirigea vers la porte de la zone de service et ses gardes du corps vinrent barrer le passage à Justin ; des azis, privés de choix.

— Florian, appela-t-elle avec impatience.

Et Florian laissa à sa coéquipière le soin de bloquer seule le chemin. Catlin était la plus redoutable des deux, car elle n’avait pas autant de scrupules que son compagnon. Elle n’hésiterait pas à utiliser la manière forte à la moindre incartade.

— Partez de l’autre côté, jeune ser, lui ordonna-t-elle. Faute de quoi je devrai intervenir.

Il se retourna et regagna l’autre porte. Grant l’attendait, livide et silencieux après avoir été le témoin de toute l’altercation.

— Viens, lui dit Justin qui le prit par le bras.

En temps normal il eût rencontré une légère résistance, découvert de la tension dans ses muscles. Il n’y en avait pas. Grant se contenta de le suivre puis de marcher à son côté lorsqu’il le lâcha. Il ne dit pas un mot avant d’être dans l’ascenseur des résidences du troisième niveau.

— Pourquoi fait-elle cela ?

— Je l’ignore. Mais ne t’inquiète pas. Tout va s’arranger.

L’azi le regarda à l’instant où la cabine s’immobilisa et Justin fut bouleversé par la vague lueur d’espoir qui faisait briller son regard.

Le couloir était presque désert en raison de l’heure tardive. Ils se dirigèrent vers leur appartement, dans une zone calme et résidentielle. Justin prit sa carte et la glissa dans la fente de la serrure, avec difficulté. Sa main tremblait. Grant dut s’en rendre compte.

—  Aucune entrée depuis la dernière utilisation de cette clé, annonça la voix plate du concierge qui fit aussitôt la lumière, conformément aux instructions que Justin avait incluses dans son programme.

Tout s’éclaira dans la salle de séjour bleu et beige, ainsi que dans une autre pièce.

— Grant m’accompagne, murmura-t-il à l’appareil.

La chambre de l’azi s’illumina à son tour au-delà de la voûte située sur la gauche.

— Je vais prendre mes affaires, déclara Grant.

Puis ses émotions furent les plus fortes et il demanda d’une voix tremblante :

— Ne devrions-nous pas avertir Jordan ?

— Dieu !

Justin étreignit Grant puis serra les poings et tenta de réfléchir, de raisonner en faisant abstraction de sa situation et de la loi de Reseune qui lui interdisait de protéger celui qu’il avait toujours considéré comme son frère, aussi loin que remontaient ses souvenirs.

L’azi savait autant de choses que lui. Il n’existait entre eux aucune différence, aucune, à l’exception d’une lettre dans un matricule : un maudit X qui ferait de Grant la propriété des laboratoires jusqu’à la fin de ses jours.

Ari pourrait l’interroger sur Jordan, sur tout ce qu’il savait ou suspectait. Elle testerait sur lui de nouvelles bandes-structures, inhiberait certains compartiments de sa mémoire, lui ferait subir tout ce qui lui viendrait à l’espritc et il n’existait aucun moyen légal de l’en empêcher.

Elle se vengerait de Jordan par son entremise. Cette maudite femme voulait s’approprier Grant après avoir fait affecter Justin à sa section. N’interviens pas, avait-il dit à son père. Laisse-la me prendre dans son équipe. Ne conteste pas cette décision. C’est sans importance. Tu ne peux te permettre de te fâcher avec elle en ce moment, et ce sera peut-être pour moi un poste valable.

Parce qu’il ne voulait pas risquer de compromettre les chances qu’avait Jordan d’obtenir ce transfert auquel il tenait tant.

Et son père lui avait alors dit, avec gravité :

— Dis-le-moi, dis-le-moi tout de suitesi elle te crée la moindre difficulté.

Ses problèmes avaient été nombreux, depuis qu’il travaillait auprès d’Ari : un entretien avec elle dans son bureau, la femme bien trop proche de lui et le touchant d’une façon tout d’abord amicale puis plus intime, pendant qu’elle laissait entendre qu’elle n’avait pas demandé son transfert uniquement pour des raisons professionnelles et qu’elle attendait de lui – et de Grant – de petites faveurs, parce qu’elle exigeait cela de tous ses assistants. Faute de quoi, elle pouvait rendre la vie très difficile aux membres de son équipe.

Il en avait éprouvé du dégoût, et de la frayeur. De l’angoisse, quand il avait compris les intentions de cette femme, vu le piège se mettre en place. Elle voulait se servir de lui pour inciter Jordan à provoquer un incident, qu’elle utiliserait pour lui nuire. Conscient des dangers, il n’avait rien dit quand elle l’avait touché, il avait balbutié des rapports pendant qu’elle demeurait assise sur le bras du fauteuil et caressait son épaule. Elle le convoquait dans son bureau après les heures de travail, pour l’interroger sur des sujets d’ordre personnel en feignant de remplir un formulaire, et il marmonnait alors des réponses à des questions qu’il chassait aussitôt de son esprit ; parce qu’elles se rapportaient à des choses qu’il n’avait jamais faites et qui l’horrifiaient. Il la suspectait d’influencer le cours de toute son existence sans utiliser ni bandes ni drogues, seulement son habileté face à sa naïveté. Il aurait pu s’en prémunirc à condition de perdre sa capacité de se sentir choqué, de lui répondre avec cynisme, et d’accepter les règles de ce jeuc

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