— Vous avez dû souffrir.
Elle balançait les pieds et commençait à se sentir à son aise : elle les Tenait. Il était plus facile de les Travailler quand ils ne préparaient pas leurs questions à l’avance.
— Pas beaucoup. Je dirais presque que c’est plus pénible maintenant. Mais ils m’enlèveront ce plâtre dans quelques semaines.
Ils reprirent malheureusement leurs questions écrites.
— Avez-vous beaucoup d’amis, à Reseune ? Jouez-vous avec d’autres enfants de votre âge ?
— Ça m’arrive.
Ne sois pas agressive, lui avait dit Giraud.
— Surtout avec Florian et Catlin. Ils sont mes meilleurs amis.
— Je voudrais un complément d’information, dit quelqu’un. Ser Giraud, pourriez-vous nous fournir des détails sur leurs activités ?
— Souhaites-tu répondre toi-même, Ari ? lui demanda Giraud. Que faites-vous pour vous distraire ?
— Oh ! un tas de choses. On cherche l’intrus, on joue à la Poursuite Stellaire, on construit des tas de trucs.
Elle balança à nouveau ses pieds et se tourna vers ses azis.
— Pas vrai ?
— Si, confirma Florian.
— Qui s’occupe de vous ?
— Nelly. Ma maman l’a laissée avec moi. Et oncle Denys. Je vis chez lui.
— Des précisions, demanda une femme.
Mais Giraud lut la question suivante.
— Dans quelle matière es-tu la meilleure ?
— La biologie. Ma maman m’a appris beaucoup de choses.
Elle devait en profiter. Ils recevraient cette émission, là où elle vivait à présent.
— Je lui ai écrit des lettres. Est-ce que je peux dire bonjour à ma maman ? Ils me verront, à Lointaine ?
Giraud ne semblait pas apprécier. Il s’était renfrogné et son regard lui intimait de se taire.
Elle décida d’adresser un sourire angélique aux caméras pendant que les journalistes discutaient entre eux.
— Elle pourra me voir ?
— Mais bien sûr, ma chérie, lui cria une femme. Qui est donc ta maman ?
— Elle s’appelle Jane Strassen, et ce sera bientôt mon anniversaire. Je vais avoir neuf ans. Bonjour, maman !
Parce que le méchant oncle Giraud ne pouvait pas l’obliger à se taire. N’avait-il pas dit que toute la population de l’Union serait de son côté, si elle se conduisait comme une gentille petite fille ?
— Un complément d’information !
— Il serait préférable de garder quelques questions pour la prochaine conférence de presse, répondit oncle Giraud. Nous avons encore une longue liste de sujets à aborder. Je vous demande de ne pas l’allonger car la journée d’Ari a été très éprouvante. Pas aujourd’hui.
— Parlez-vous de cette Jane Strassen qui est directrice de RESEUNESPACE ?
— Oui, une scientifique qui doit sa notoriété à des travaux remarquables. Je regrette de ne pas avoir pensé plus tôt à le préciser. Nos services se tiendront à votre disposition pour vous fournir des renseignements sur sa carrière et ses recherches. Mais je vous demande de ne pas vous écarter de ce qui a été prévu afin de ménager cette enfant. En outre, sa vie de famille est une question d’ordre privé et mieux vaudrait attendre quelques années avant de l’interroger sur ce point. N’oubliez pas que vous avez affaire à une petite fille très lasse et que si nous nous égarons dans les détails il sera impossible d’aborder tous les thèmes prévus. Voici la question suivante, Ari : quels sont tes passe-temps favoris ?
Oncle Giraud les Travaillait, et ils n’étaient pas dupes. Elle aurait pu le contrer, mais elle aurait des ennuis et n’y tenait pas. Elle était parvenue à ses fins. Elle ne risquait rien, parce que oncle Giraud n’oserait pas la disputer devant les journalistes, des gens que tout le monde écoutait et qui faisaient parfois des enquêtes.
Elle avait appris ce qu’était la liberté de la presse. On en parlait dans ses bandes d’instruction civique.
— Mes passe-temps ? J’étudie l’astronomie. Et je m’occupe de mon aquarium. Oncle Denys m’a acheté des guppys. Ils viennent de la Terre. Il ne faudrait garder que ceux qui ont une jolie queue et se débarrasser des vilains en les donnant à manger aux koïs de l’étang, vous savez ? Mais je ne le fais pas. Je me contente de les mettre à part, dans un bac différent, parce que je ne veux pas qu’ils soient dévorés. C’est très intéressant. D’après mon professeur, nous assistons à une régression atavique. Oncle Denys va m’acheter d’autres aquariums que je pourrai mettre dans le boudoir.
— Les guppys sont des petits poissons, expliqua oncle Giraud.
Et Ari ne put s’empêcher de penser que les citadins ne savaient décidément pas grand-chose.
— Les élever est très facile, affirma-t-elle. N’importe qui pourrait en avoir. Ils sont très jolis et ils ne mangent presque rien.
Elle changea de position sur sa chaise.
— C’est pas comme Cheval.
FIN DU PREMIER VOLUME