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— Il est logique de supposer que tous ceux que vous pourriez me recommander voudronteux aussi être transférés et que vous ne rejetterez pas leur candidature, mais je me baserai sur vos suggestions chaque fois que ce sera possible. Yanni, j’aimerais que vous vous chargiez de régler ces détails avec Jordie.

La méfiance s’accentuait derrière le masque de neutralité des convives. Le jeune Suli parut enfin comprendre ce qui se passait. Peut-être venait-il de prendre conscience qu’il ne se trouvait plus à la table des enfants mais à celle des adultes, pour une grande occasion. Tous s’étaient figés, membres de la Famille et azis installés sur le pourtour de la salle.

Un raclement de gorge de Denys :

— Au fait, Aric

Un autre grondement.

— Ne serait-il pas possible d’avoir quelques-uns de ces délicieux biscuits qui nous ont été servis hier soir ?

Avec espoir.

— Si, ser, répondit un serveur proche de la porte.

Il s’esquiva, pendant que Denys additionnait son café d’une quantité considérable de sucre.

— Hm, l’important c’est Reseune, n’est-ce pas ? Ari, Jordie, Yanni, nous avons tous les mêmes aspirations : pouvoir poursuivre librement nos travaux. Aucun de nous n’apprécie les contraintes administratives. C’est une telle perte de temps. Ce que nous effectuons ici est plus important que les mesquines querelles des politiciens de Novgorod. Que les administrateurs de station soient ou non autorisés à créer des génébanques est certes plein d’intérêt, mais ce ne sont pas des problèmes qui nous concernentc ce que je veux dire, c’est que la politique ne devrait pas entraver nos recherches. Assister aux séances du Conseil est parfait pour Corain ou Chavez, et surtout pour Bogdanovitch, mais je trouve regrettable que Gorodin perde ainsi son temps. Et en ce qui concerne les Sciencesc c’est plus grave encore. Je suis sincère, Ari, cela représente un gaspillage inadmissible de votre temps et de votre énergiec

— Je ne partage pas ce point de vue, déclara Jordan.

Il leva son verre de vin à une rivalité aussi vieille que leur présence à Reseune, aux pointes traditionnellement échangées autour de cette table.

— Étant donné qu’Ari semble considérer que son domaine s’étend à tout l’univers.

Elle en rit et tous se sentirent soulagés de constater qu’elle n’assimilait pas de tels propos à une insulte. Nul ne souhaitait provoquer un incident, pas même Jordan.

— Eh bien, l’opportunité d’élargir votre propre horizon vient de se présenter, il me semble ? dit-elle. Espoir doit passer à proximité de Lointaine, et vous travaillerez avec de vieux amis. Ce serait bien différent si vous partiez seul. Si j’étais plus jeune, Jordie, je m’empresserais de saisir cette occasion. Mais Denys a raison. Le combat politique est gagné et l’avenir est tracé. Je suis impatiente de reprendre mes travaux et vous êtes impatient de reprendre les vôtres. Je suis désolée de vous charger d’une tâche administrative, mais vos compétences nous sont indispensables. Je vous demande de mettre sur pied une nouvelle section éducative, ici même, à Reseune. Ce sera pour vous la possibilité de nous transmettre votre héritage.

— Je lai déjà légué à des caissons cryogéniques, rétorqua Jordan.

Des rires nerveux, tout autour de la table.

— En voudriez-vous un échantillon ?

Ari gloussa et but une gorgée de café.

— Quoi ? J’aurais cru cela contraire à vos goûts, Jordie. Mais nous disposons quoi qu’il en soit d’une deuxième source d’approvisionnement.

Justin rougit. Tous se tournèrent vers lui pour s’en assurer. Il laissa échapper un petit rire.

— Je suis certain que Jordie fera tout son possible pour nous faciliter la tâche, intervint Denys avant que la situation ne pût s’envenimer.

C’était un vieux principe : rien de trop déplaisant, dans cette salle. Ici, les seules armes autorisées étaient les traits d’esprit, décochés avec modération.

— Je n’en doute pas, dit Ari qui fit une pause puis ajouta avec gravité : Nous devons nous restructurer. Je compte effectuer une partie de mon travail de conseillère par procuration. Tout sera plus calme, maintenant que nos projets principaux ont un avenir assuré. Nous ne devrions pas avoir de problèmes. En outre, il me sera toujours possible de faire un saut à Novgorod si ma présence y est indispensable. Mais Denys a raison, je suis très âgéec

— Certainement pas ! protesta Denys.

— Disons alors que je viens d’entamer la dernière étape de mon existencec c’est la stricte vérité.

Le silence était revenu.

— L’expérience Rubin me prendra une grande partie du temps qu’il me reste à vivre. Je ne suis pas morbide, vous savez comme moi que nous n’avons pas l’éternité devant nous pour lancer ce projet. Yanni, je vous charge de tout organiser, pour Lointaine. Je continuerai de m’informer de l’évolution de la situation, mais je tiens à superviser ce programmec pour prouver que je peux être encore active. Ou par vanité, peut-êtrec

Elle s’autorisa un petit rire.

— Je compte écrire mon livre, procéder à des recherches complémentaires. Prendre une retraite anticipée, en quelque sorte.

— Tiens donc ? s’exclama Jordan.

Elle sourit et couvrit sa tasse avec sa paume quand le serveur voulut la resservir.

— Non, merci. J’ai absorbé assez de caféine pour pouvoir gagner mes appartements. Je vais aller y prendre du repos, bien que le sol semble monter et descendre sans cessec car nous avons subi d’importantes turbulences au-dessus du Kaukaz. Et je n’ai pas fait un somme véritable pendant tout mon séjour à Novgorod. Catlin ?

Une chaise fut déplacée et l’azie apparut près d’elle, accompagnée par Florian. Catlin recula son siège.

— Bonne nuit à tous, fit Ari avant de se tourner vers Florian : Va dire à Grant que je veux le voir.

Les autres membres de la Maisonnée se levaient à leur tour et sortaient de la salle.

— Sera ?

— Je dois lui parler. Annonce-lui qu’il me sera désormais affecté. Justin ne deviendra jamais son tuteur. Je présume qu’il a déjà dû le comprendre.

3

— Un instant.

Florian venait de s’adresser à Justin et à Grant qui sortaient derrière Jordan et Paul, dont ils étaient séparés par d’autres membres de la Famille et des azis.

— Plus tard, rétorqua Justin.

Son cœur s’emballait. C’était toujours le cas, lorsqu’il avait affaire à Ari ou à ses gardes du corps pour des raisons autres que professionnelles. Il prit Grant par le bras pour lui faire franchir la porte, mais Florian bloquait le passage.

— Je regrette, insista l’azi. Sera veut parler à Grant. Il lui est affecté, désormais.

Il fallut à Justin quelques instants pour comprendre le sens de ce qu’il venait d’entendre. Quant à Grant, il s’était figé.

— Mais il peut aller récupérer ses affaires, précisa Florian.

— Va lui dire que nous refusons.

Ils empêchaient les Schwartz de sortir. Justin s’avança dans le corridor et entraîna Grant avec lui, mais Florian les suivit.

— Dis-luic bon sang, dis-lui que si elle souhaite bénéficier de ma coopération dans quelque domaine que ce soit, elle devra me laisser Grant !

— Je regrette, ser, mais il est trop tard. Il doit aller chercher ce qui lui appartient. Catlin et moi veillerons sur lui du mieux que nous le pourrons.

— Elle ne fera pas une chose pareille, dit Justin en s’adressant à Grant.

Florian regagnait la salle à manger, où Ari s’attardait. Justin avait froid et le repas alourdissait son estomac.

— Reste ici.

Son père attendait un peu plus loin dans le vestibule, en compagnie de Paul, et il alla les rejoindre. Il s’efforçait de paraître détendu et craignait d’être trahi par la pâleur de son visage.

— Il y a du nouveau au sujet d’un projet, déclara-t-il à son père. Je dois aller régler certains détails.

Jordan hocha la tête. S’il se posa des questions, l’explication semblait suffisante. Justin revint vers Grant, posa la main sur son épaule au passage, puis entra dans la salle à manger où Ari s’entretenait toujours avec Giraud Nye.

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