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– Non, non. Il faut que je rentre chez moi.

– Allez! Deux minutes seulement…

– J’ai déjà trop tardé! La Fée va être inquiète.

– Oh, la pauvre Fée!… De quoi a-t-elle peur? Que les chauve-souris te dévorent?

– Ainsi – continua Pinocchio – tu es vraiment sûr que, dans ce pays, il n’y a pas du tout d’école?

– Pas l’ombre d’une.

– Ni de maîtres?

– Pas un seul.

– Que l’on n’est pas obligé de travailler?

– Absolument!

– Quel beau pays! – s’exclama Pinocchio qui se sentait venir l’eau à la bouche – Quel beau pays! Je n’y suis jamais allé mais je l’imagine fort bien!

– Alors? Pourquoi ne pas y aller, toi aussi? – s’étonna La Mèche.

– Ne me tente pas, c’est inutile! J’ai promis à la Fée de ne pas renier ma parole.

– Puisque c’est ainsi, au revoir Pinocchio! Salue de ma part les petits et les grands de l’école si tu les croises sur ton chemin!

– Adieu, La Mèche! Bon voyage! Amuse-toi bien et pense de temps en temps aux amis!

La marionnette s’éloigna de deux pas, s’arrêta, se retourna:

– Tu es sûr et certain que, dans ce pays, il y a six jeudis et un dimanche dans la semaine?

– Tout à fait sûr.

– Que les vacances commencent le premier janvier et se terminent le trente et un décembre?

– Je te l’ai dit!

– Quel beau pays! – répéta Pinocchio, rêveur.

Puis, d’un ton résolu, il lança précipitamment:

– Cette fois, adieu pour de bon!

– Adieu! – répondit La Mèche.

– Au fait, vous partez dans combien de temps?

– Dans deux heures.

– Dommage! Si cela avait été dans une heure, j’aurais pu attendre.

– Mais la Fée? – fit remarquer son camarade.

– Maintenant je suis vraiment en retard. Alors, une heure de plus ou de moins…

– Sacré Pinocchio! Et si la Fée te gronde?

– Bah! Je la laisserai dire. Après, elle s’arrêtera bien…

Il faisait nuit, et même nuit noire quand ils aperçurent dans le lointain une lanterne allumée qui se balançait. Bientôt, ils entendirent un léger bruit de grelots et un coup de trompe aussi ténu que le zinzin d’un moustique.

– La voilà! – cria La Mèche en sautant sur ses pieds.

– Qu’est-ce que c’est? – demanda Pinocchio à voix basse.

– C’est la charrette qui vient me chercher. Alors, tu viens ou pas?

– C’est vraiment vrai que, dans ce pays, les enfants ne sont pas obligés d’aller à l’école?

– C’est tout à fait vrai!

– Quel beau pays!… Quel beau pays!… Quel beau pays tout de même!…

Chapitre 31

Après cinq mois passés au pays de cocagne, Pinocchio, à sa grande surprise, se voit pousser des oreilles d’âne. Il devient un vrai bourricot, avec la queue et tout le reste.

Enfin la charrette arriva. Elle ne faisait aucun bruit car ses roues étaient enrobées d’étoupe et de chiffons.

Douze paires d’ânons composaient l’attelage. Ils avaient tous la même taille mais leurs pelages étaient de couleurs différentes.

Quelques-uns uns de ces petits ânes étaient tout gris, d’autres blancs, d’autres encore avaient viré au poivre et sel. Certains avaient des grandes rayures jaunes et bleues. Mais le plus singulier était qu’au lieu d’être ferrés comme le sont habituellement les bêtes de trait ou de somme, ils étaient tous chaussés de bottes de cuir blanc.

Et le cocher?

Imaginez un petit bonhomme plus large que haut, mou et onctueux comme une motte de beurre, au visage comme une pomme de rose, avec une petite bouche toujours rieuse et une voix douce et caressante comme celle d’un chat cherchant à s’attirer les bonnes grâces de la maîtresse de maison.

Dés qu’ils le voyaient, tous les enfants étaient séduits et se mettaient à courir pour monter dans sa charrette qui devait les emmener dans ce pays de cocagne que les cartes de géographie désignent sous le nom de «Pays des Jouets».

La charrette était déjà occupée par de jeunes enfants entre huit et douze ans, entassés les uns contre les autres comme des anchois dans la saumure. Serrés comme ils étaient, ils pouvaient à peine respirer mais aucun d’eux ne se plaignait. Ils se consolaient en pensant que, bientôt, ils arriveraient dans un endroit sans livres, ni écoles, ni maîtres. Cela les rendait si contents et si patients qu’ils en oubliaient les désagréments et la fatigue du voyage ainsi que la faim, la soif et l’envie de dormir.

La charrette arrêtée, le petit homme se tourna vers La Mèche et, après mille minauderies, lui demanda, tout sourire:

– Dis-moi, bel enfant, tu veux aller, toi aussi, au pays du bonheur?

– Sûr que je veux y aller – répondit le garçon.

– Le problème, mon chéri, c’est qu’il n’y a plus de place. Comme tu vois, la charrette est pleine.

– Aucune importance! Puisqu’il n’y a plus de place dedans, je vais m’installer sur les brancards.

La Mèche prit son élan et s’assit à califourchon sur la pièce de bois

– Et toi, mon joli? – demanda le cocher en se penchant, cérémonieux, vers Pinocchio – Que souhaites-tu faire? Venir avec nous ou rester ici?

– Moi, je reste. – décida la marionnette – Je veux rentrer chez moi pour étudier et réussir à l’école comme font tous les enfants sages.

– Alors, bonne chance!

– Pinocchio, écoute! – intervint La Mèche – Viens avec nous, cela nous fera plaisir!

– Non, non, non!

– Viens! Cela nous fera plaisir. – lui crièrent d’autres enfants.

– Viens avec nous! – hurlèrent tous ensemble les occupants de la charrette.

– Mais si je viens avec vous, qu’est-ce que je vais dire à ma bonne fée? – interrogea la marionnette qui commençait à faiblir et à tergiverser.

– Ne te tracasse donc pas comme cela. Pense plutôt que nous allons dans un pays où l’on peut faire tout ce que l’on veut du matin au soir.

Nulle réponse de la part de Pinocchio mais un premier soupir, puis un autre, et encore un autre. Et, au bout du compte:

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