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– Il se fabriquait une chaloupe pour traverser l’océan. Depuis plus de quatre mois, le pauvre homme te cherche partout. Et comme il n’a pas réussi à te retrouver, il s’est mis dans la tête d’aller voir dans les lointaines contrées du Nouveau Monde.

– Elle est loin cette plage? – s’enquit Pinocchio d’une voix que l’anxiété rendait haletante.

– Plus de mille kilomètres.

– Mille kilomètres? O Pigeon, si je pouvais avoir des ailes comme toi!

– Si tu veux, je t’emmène.

– Mais comment?

– A califourchon sur mon dos. Tu es lourd?

– Lourd? Pas du tout! Je suis aussi léger qu’une feuille.

Sans attendre une minute de plus, Pinocchio sauta sur le dos du gros Pigeon, mit une jambe de chaque côté, comme un écuyer, et lança joyeusement: «Galope, galope, petit cheval, car je suis pressé d’arriver!»

Le Pigeon s’envola. Quelques instants plus tard, il volait tellement haut qu’il touchait presque les nuages. La marionnette eut alors la curiosité de regarder en bas mais elle eut très peur et la tête lui tourna. Par crainte de tomber, elle entoura le plus étroitement possible de ses bras le cou de sa monture à plumes.

Ils volèrent ainsi toute la journée. Vers le soir, le Pigeon déclara:

– J’ai très soif!

– Et moi, très faim – ajouta Pinocchio.

– Arrêtons-nous quelques instants dans ce colombier. Après, on reprendra notre voyage et on arrivera à l’aube sur la plage.

Le colombier était désert. Mais ils y trouvèrent une bassine pleine d’eau ainsi qu’un panier rempli de vesces.

Pinocchio, normalement, ne pouvait pas souffrir ces herbes. A l’entendre, elles lui donnaient la nausée et lui retournaient l’estomac. Mais ce jour-là, il s’en empiffra. Quand il eut quasiment tout mangé, il se tourna vers le Pigeon et lui dit:

– Je n’aurais jamais cru que les vesces fussent si bonnes!

– Mon garçon, lorsque la faim vous tenaille et qu’il n’y a rien d’autre à manger, même les vesces deviennent une nourriture exquise! La faim se moque bien des caprices de la gourmandise!

Leur repas hâtivement consommé, ils repartirent. Au petit matin, ils étaient sur la plage. Le Pigeon déposa Pinocchio, s’envola immédiatement et disparut dans les airs, apparemment peu soucieux de s’entendre remercier pour sa bonne action.

La plage était recouverte de gens qui criaient et gesticulaient en regardant la mer.

– Qu’est-ce qui se passe? – demanda Pinocchio à une vieille femme.

– Il se passe qu’un pauvre père à la recherche de son fils s’est embarqué pour tenter de le retrouver de l’autre côté de l’océan. Mais la mer est mauvaise aujourd’hui et sa chaloupe risque de sombrer.

– Où est-elle cette chaloupe?

– Là-bas, juste au bout de mon doigt – répondit la vieille femme en montrant une petite embarcation qui, vue de la plage, semblait une coque de noix contenant un homme minuscule.

Pinocchio scruta la surface de l’océan et, après avoir regardé très attentivement, hurla:

– C’est mon papa! C’est mon papa!

Ballottée par les ondes en furie, la petite embarcation disparaissait comme avalée par les énormes vagues puis réapparaissait. Pinocchio, debout sur un rocher élevé, n’en finissait pas d’appeler son papa et de lui envoyer des signaux en agitant les bras, son mouchoir et même son bonnet.

Geppetto, pourtant loin de la côte, semblait avoir reconnu son enfant. Lui aussi faisait des signes avec son béret et, par gestes, tentait d’expliquer qu’il aurait bien volontiers fait marche arrière mais que la mer déchaînée l’empêchait de se servir de ses rames et de se rapprocher de la terre.

Soudain, un vague énorme le submergea et la chaloupe disparut.

On attendit vainement que l’embarcation refasse surface.

– Pauvre homme! – dirent les pêcheurs rassemblés sur la plage.

Et, marmonnant à voix basse une prière, ils se décidèrent à rentrer chez eux.

C’est alors qu’ils entendirent un hurlement désespéré. Se retournant, ils virent un jeune garçon qui, du haut d’un rocher, se jetait dans la mer tout en criant:

– Je vais sauver mon papa!

Puisqu’il était en bois, Pinocchio flottait facilement. De plus, il nageait comme un poisson. Longtemps, on put voir une jambe ou un bras de la marionnette apparaître et disparaître dans les flots, de plus en plus loin de la côte. A la fin, on ne vit plus rien du tout.

– Pauvre garçon! – soupirèrent les pêcheurs.

Et ils rentrèrent chez eux en marmonnant une prière.

Chapitre 24

Pinocchio arrive dans une île appelée «Île des Abeilles Industrieuses» et retrouve la Fée.

La marionnette, dans l’espoir d’arriver à temps pour sauver son pauvre père, nagea toute la nuit.

Et quelle horrible nuit il passa! Le tonnerre grondait avec fracas, il tombait des trombes d’eau et même de la grêle, des éclairs éclairaient le ciel comme s’il faisait jour.

Au petit matin, Pinocchio entrevit non loin de lui une longue bande de terre qui émergeait de la mer.

Dés lors, il mobilisa toutes ses forces pour arriver jusque là, mais en vain. Il faisait du sur place, ballotté comme une vulgaire brindille par le flux et le reflux des flots déchaînés. Surgit, heureusement pour lui, une vague encore plus impétueuse que les autres qui le catapulta sans ménagement sur le sable du rivage.

Sa chute fut si violente que toutes ses côtes et toutes ses jointures craquèrent. Il se consola immédiatement en remarquant:

– Ouf! Cette fois encore, je l’ai échappé belle!

Puis, peu à peu, le ciel redevint serein, le soleil brilla de nouveau et la mer retrouva son calme.

Pinocchio enleva alors ses vêtements pour les faire sécher et inspecta l’immense étendue maritime pour tenter d’apercevoir une minuscule embarcation avec un petit homme dedans. Mais il eut beau chercher, il ne voyait rien d’autre que le ciel, l’océan et quelques voiles de bateaux si éloignés qu’ils n’étaient pas plus gros qu’une mouche.

– Si au moins je savais comment se nomme cette île! – se disait-il – Si au moins j’étais sûr qu’elle était habitée par des gens civilisés, je veux dire par des gens qui n’ont pas la mauvaise habitude de pendre les enfants aux branches des arbres! Mais à qui le demander? A qui, s’il n’y a personne?

A la pensée de se retrouver complètement seul dans un pays déserté, toute la tristesse du monde lui tomba dessus et il était sur le point de pleurer quand, soudain, il vit passer, à quelques encablures du rivage, un gros poisson qui vaquait tranquillement à ses affaires. Ne connaissant pas son nom, la marionnette s’adressa à lui en ces termes:

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