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A
A
Il dort. Quoique le sort fût pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange,
La chose simplement d’elle-même arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va [121] .

(1862)

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[121] La «source» de ces quatre vers pourrait bien se trouver dans une expérience vécue – et arrangée – par Hugo lui-même. Il raconte dans Le Rhin (Lettre XX – et ce chiffre n'est pas laissé au hasard) comment il découvre, dans une ruine, une tombe mystérieuse représentant un homme décapité, avec une inscription latine «lugubre» où se distinguent trois «X» «détachés du resté de l'inscription par la grandeur des majuscules», et sur laquelle aucun nom n'est écrit. Il comprend qu'il s'agit d'un condamné à mort dont la tombe, comme celle de tous les condamnés à mort, respecte la tradition séculaire de ne pas inscrire le nom. Sa réflexion est alors interrompue par trois jeunes filles, dont une, charmante, nommée Stella, qui lisent sans la comprendre l'épitaphe et partent chercher leur père pour qu'il la leur explique. Victor Hugo remarque à ce moment, sur la pierre tombale, une tache de plâtre; il prend un crayon et, «sur cette page blanche», écrit la traduction de l'inscription:

Dans la nuit la voix s'est tue.

L'ombre éteignit le flambeau.

Ce qui manque à la statue

Manque à l'homme en son tombeau.

Entendant la voix des jeunes filles qui reviennent, il disparaît avant leur retour, laissant sur lui le même mystère dont demeure entouré l'homme enterré là.

La méditation qui suit redouble la signification du quatrain anonyme et éphémère: «Je n'ai rien su non plus du mystérieux chevalier décapité. Triste destinée! Quel crime avait donc commis ce misérable? Les hommes lui avaient infligé la mort, la providence y a ajouté l'oubli. Ténèbres sur ténèbres. Sa tête a été retranchée de la statue, son nom de la légende, son histoire de la mémoire des hommes. Sa pierre sépulcrale elle-même va sans doute bientôt disparaître.»

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