Une heure plus tard, Emma était dans un taxi en direction de Rikers Island. Elle avait opté pour un tailleur-pantalon sobre, déterminée à ne pas répéter l'erreur de la veille. Alors que la voiture s'engageait sur le pont menant à la prison, Emma sentit son estomac se nouer. Pourquoi était-elle si nerveuse à l'idée de revoir Jake Donovan ?
Les formalités d'entrée lui parurent interminables. Enfin, on la conduisit à la salle de visites des avocats. Jake était déjà là, assis à la table, ses mains menottées reposant devant lui. Quand il leva les yeux vers elle, Emma fut à nouveau frappée par l'intensité de son regard.
– Bonjour, Mr. Donovan, dit-elle en s'asseyant face à lui.
– Jake, corrigea-t-il. Appelez-moi Jake.
Emma hésita un instant avant d'acquiescer. – Très bien, Jake. J'ai examiné votre dossier en détail et j'ai quelques questions supplémentaires à vous poser.
Pendant l'heure qui suivit, Emma interrogea Jake sur chaque détail de sa journée du 15 mai. Elle fut impressionnée par la précision de ses réponses, par la façon dont il semblait se souvenir de chaque minute de cette journée fatidique.
– Vous comprenez, expliqua-t-il, quand on sort de prison, on devient hyper-conscient de chaque instant. On sait que le moindre faux pas peut nous y renvoyer.
Emma hocha la tête, touchée par la vulnérabilité qui perçait dans sa voix. – Jake, je dois vous poser une question délicate. Avez-vous des ennemis ? Quelqu'un qui pourrait vouloir vous piéger ?
Jake eut un rire amer. – Miss Collins, j'ai passé deux ans en prison. Bien sûr que j'ai des ennemis. Mais de là à monter un coup pareil… je ne sais pas.
– Appelez-moi Emma, dit-elle impulsivement, surprise par ses propres paroles.
Jake la regarda un long moment, comme s'il essayait de lire en elle. – Emma, dit-il finalement. Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous vous donnez tant de mal pour moi ?
La question prit Emma au dépourvu. Pourquoi, en effet ? Elle qui n'avait jamais traité d'affaire pénale, pourquoi s'investissait-elle autant dans ce cas ?
– Parce que c'est mon travail, répondit-elle, mais sa voix manquait de conviction.
Jake secoua la tête. – Non, il y a autre chose. Vous ne me croyez pas coupable, n'est-ce pas ?
Emma soupira. – Ce que je crois n'a pas d'importance, Jake. Ce qui compte, c'est ce que je peux prouver.
– Mais vous allez essayer ? insista-t-il. Vous allez vraiment chercher la vérité ?
Emma le regarda droit dans les yeux. – Oui, Jake. Je vous le promets. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour découvrir la vérité.
Le soulagement qui se peignit sur le visage de Jake la troubla profondément. Elle réalisa soudain à quel point sa promesse comptait pour lui, à quel point il s'accrochait à cet espoir.
Alors qu'elle s'apprêtait à partir, Jake l'arrêta. – Emma ? Merci. Vraiment.
Elle hocha simplement la tête, incapable de trouver les mots justes.
De retour au cabinet, Emma s'enferma dans son bureau, déterminée à éplucher chaque détail du dossier. Elle était tellement absorbée qu'elle sursauta quand quelqu'un frappa à sa porte.
– Entrez, dit-elle distraitement.
C'était Sarah, sa secrétaire. – Emma ? Il y a quelqu'un qui demande à vous voir. Il dit que c'est à propos de l'affaire Donovan.
Emma fronça les sourcils. – Je n'ai pas de rendez-vous prévu. Qui est-ce ?
– Il dit s'appeler Mike Donovan. Le frère de votre client.
Emma se redressa, soudain alerte. – Faites-le entrer, Sarah.
Mike Donovan était l'opposé de son frère. Petit, mince, l'air nerveux, il semblait mal à l'aise dans le bureau luxueux d'Emma.
– Miss Collins ? dit-il en lui serrant maladroitement la main. Jake m'a dit de vous apporter ça.
Il lui tendit une grande enveloppe marron. Emma l'ouvrit avec empressement. À l'intérieur, elle trouva des esquisses de tatouages datées du jour du braquage, ainsi que des impressions d'emails échangés avec des fournisseurs.
– C'est tout ce que j'ai pu trouver dans son appartement, expliqua Mike. J'espère que ça aidera.
Emma parcourut rapidement les documents. C'était exactement ce dont elle avait besoin pour commencer à construire un alibi solide pour Jake.
– Merci, Mr. Donovan. C'est très utile.
Mike hésita un instant avant de parler à nouveau. – Miss Collins… Jake est innocent, vous savez. Il a fait des conneries dans le passé, mais il avait vraiment changé. Ce salon de tatouage, c'était son rêve.
Emma sentit son cœur se serrer devant la détresse évidente de Mike. – Je ferai tout mon possible pour découvrir la vérité, Mr. Donovan. Je vous le promets.
Après le départ de Mike, Emma se replongea dans le dossier avec une énergie renouvelée. Les heures défilèrent sans qu'elle s'en rende compte. Ce fut la voix de James qui la tira de sa concentration.
– Emma ? Tu es prête ?
Elle leva les yeux, désorientée. – James ? Quelle heure est-il ?
– Presque 19h. On va être en retard pour le dîner de répétition.
Emma jura intérieurement. Elle avait complètement oublié. – Donne-moi cinq minutes, dit-elle en commençant à ranger frénétiquement ses affaires.
Dans le taxi qui les conduisait au restaurant, James lui jeta des regards inquiets. – Tout va bien, Emma ? Tu sembles… préoccupée.
Emma força un sourire. – Tout va bien. C'est juste cette affaire qui me prend beaucoup d'énergie.
James lui prit la main. – Tu sais que tu peux tout me dire, n'est-ce pas ?
Emma sentit la culpabilité l'envahir. Elle aurait voulu tout lui raconter : ses doutes sur l'affaire, la conversation troublante avec son père, l'étrange connexion qu'elle ressentait avec Jake Donovan. Mais comment expliquer tout cela sans risquer de tout bouleverser ?
– Je sais, dit-elle simplement en serrant sa main.
Le dîner de répétition se déroula comme dans un brouillard pour Emma. Elle souriait, répondait aux questions sur les préparatifs du mariage, mais son esprit était ailleurs. Elle ne cessait de penser aux documents que Mike lui avait apportés, aux pistes qu'elle devait encore explorer.
– Emma ? l'appela Elizabeth Hartley. Vous m'écoutez ?
Emma sursauta. – Je suis désolée, Elizabeth. Vous disiez ?
La mère de James la regarda d'un air inquiet. – Je vous demandais si vous aviez choisi les fleurs pour la cérémonie.
– Oh, euh… pas encore. Je m'en occuperai bientôt, promis.
Elizabeth échangea un regard avec son mari. – Ma chère, tout va bien ? Vous semblez… distraite.
Emma sentit tous les regards se tourner vers elle. – Je vais bien, assura-t-elle. C'est juste… le travail. Une affaire compliquée.
– Ah oui, intervint Richard Hartley. Cette fameuse affaire dont Pearson m'a parlé. Comment ça se passe ?
Emma se raidit. Le ton de Richard était léger, mais elle percevait la tension sous-jacente. – Ça avance, dit-elle prudemment. C'est… complexe.
– J'imagine, acquiesça Richard. N'oubliez pas ce dont nous avons parlé, Emma. Parfois, la solution la plus simple est la meilleure.
Emma sentit la colère monter en elle. Comment osait-il suggérer à demi-mot qu'elle devrait compromettre son éthique, et ce devant toute sa famille ?
– Je ferai ce qui est juste, Mr. Hartley, répondit-elle d'un ton plus sec qu'elle ne l'aurait voulu.
Un silence gêné s'abattit sur la table. James lui lança un regard interrogateur, mais Emma l'évita. Elle ne pouvait pas lui expliquer, pas maintenant, pas ici.
Le reste de la soirée se déroula dans une ambiance tendue. Emma avait l'impression d'étouffer, prise entre les attentes de sa future belle-famille, son devoir envers Jake, et ses propres doutes croissants.
Quand ils rentrèrent enfin à l'appartement, Emma était épuisée, physiquement et émotionnellement.
– Tu veux en parler ? demanda doucement James alors qu'ils se préparaient à se coucher.
Emma hésita. Elle mourrait d'envie de se confier, de partager le poids qui pesait sur ses épaules. Mais comment expliquer à James que son père lui demandait de trahir ses principes ? Comment lui dire qu'elle commençait à douter de tout ce en quoi elle avait cru jusqu'à présent ?