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Ainsi entend-on la faculté que lui laisse la loi de croiser ses enfants deux fois par semaine, plus, merci au législateur, la moitié du temps des vacances.

«Quand je les ai mis au monde, demande-t-il avec une imprudente brutalité, ça s'appelait aussi un droit de visite?

– Ce n'est pas toi qui les as mis au monde, mais moi, réplique-t-elle avec un sourire de droit divin.

– Cinquante-cinquante.

– Admettons. Nous n'allons pas nous chamailler pour une question de pourcentage.»

Il approuve. Miel et sucre. Amabilité, modèle du genre. Mais, au-dedans, à l'affût, cervelle bandée, réflexion galopante. Il ne comprend pas pourquoi elle souhaite éplucher une nouvelle fois cette patate chaude qu'ils ont cessé de se repasser depuis un petit moment déjà.

«La loi prévoit que les enfants sont chez toi un week-end sur deux… Faute d'un meilleur accord.

– Et l'accord des enfants?

– Ce n'est pas la question.

– Peut-on se passer de la loi?

– Pourquoi? La loi est un cadre nécessaire.

– Pas de problème, dit-il.

– Si tu te montres si apaisant, c'est que tu as quelque chose à demander. Je t'écoute.»

A vrai dire, il n'y avait pas songé. Mais si elle aborde la question, c'est qu'elle veut obtenir un aménagement des textes. Lui aussi. Il lance donc un hameçon, comptant au mieux ramasser une prise, au pire équilibrer les flotteurs.

«L'acte de divorce prévoit que les enfants doivent être chez moi du samedi matin, sortie des classes, au dimanche soir, vingt heures trente, dit-il. La question des samedis chômés n'est pas abordée…

– Je devance ta préoccupation, lance-t-elle en dressant un index martial face à son nez. Tu te demandes où ils passent la nuit du vendredi lorsqu'ils n'ont pas cours le lendemain?

– Exactement.

– Chez moi.

– C'est ce que nous avons toujours fait. Mais…»

Elle l'interrompt:

«Outre que le changement ne profite jamais aux enfants, la loi est très claire sur ce point: comme tu l'as toi-même remarqué, elle n'aborde pas la question des samedis chômés. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de question. Donc, passons à'autre chose.

– Je n'ai rien de plus à demander, répond-il, lugubre.

– Moi, si.»

Elle dégoupille son chignon, qui se révèle être une natte. L'extrémité descend presque jusqu'aux fesses. De quoi s'occuper le matin, avant de conduire les enfants à l'école.

«Quand tu les ramènes le dimanche à vingt heures trente, c'est trop tard. Ils n'ont pas le temps de préparer leurs affaires et de se réacclimater à la maison…

– Pas de souci, dit-il, espérant accroître son petit pécule de deux nuits par semaine: je te les ramène le lundi matin. Mieux: je les dépose directement à l'école.»

Elle joue avec sa natte, la frappant doucement sur le plateau de la table.

«Nous avons déjà tenté l'affaire… Souviens-toi du désastre.»

Il se rappelle, en effet. Un dimanche soir, Victor a souhaité rester. Il a appelé la reum. Elle lui a demandé de ramener l'enfant. Il a répondu que c'était au-delà de ses forces, au-delà de leurs forces. Elle a dit:

«C'est la loi.» Il a hurlé:

«La loi, je l'emmerde!»

Elle a répondu que s'il n'était pas présent chez elle à vingt heures trente précises, elle enverrait les flics. Puis elle a demandé à parler à Victor et a réitéré la menace. Il a appelé SOS médecins, et fait constater par un spécialiste que l'enfant n'était pas bien.

Finalement, elle a cédé. Elle a accepté qu'exceptionnellement, Victor dorme chez son père certains dimanches soir. Mais pas Tom: trop petit.

Trois dimanches successifs, Victor est donc resté à Paris. Trois dimanches successifs, il a peiné à s'endormir. Il faisait des cauchemars. Le matin, il avait la mine terne. Son père ne comprenait pas la raison qui plongeait l'enfant dans cet état. Il a fini par téléphoner à la mère:

«Le dimanche soir, ce n'était pas une bonne idée…»

– Je le savais. D'ailleurs, je n'étais pas d'accord, et je le lui ai dit.»

C'était la raison. Et la démonstration d'un théorème indiscutable: pour dormir sur ses deux oreilles, un enfant a besoin de n'entendre qu'une seule voix.

«Oublions le dimanche soir, admet-il. Et imaginons que je les ramène une heure plus tôt que prévu. En échange, me les laisserais-tu un vendredi par mois?

– Je t'accorderais les vendredis veilles de jours chômés.

– Même quand ils ne sont pas avec moi?»

Il n'y croit pas.

Il a raison.

«Seulement quand ils sont avec toi.

– Cela ne représente rien.

– C'est à prendre ou à laisser.»

Il réfléchit à toute allure: une heure de moins tous les quinze jours fait deux heures de moins par mois, soit six heures par trimestre, contre un samedi et demi chômé, moyenne des deux derniers trimestres, c'est-à-dire trois heures utiles le vendredi soir et environ deux fois plus le samedi.

«Je prends, lâche-t-il, tout sourire intérieur parfaitement bien dissimulé.

– Mais le dimanche, à dix-neuf heures, je viens les chercher.

– Je peux les ramener!

– C'est ce que la loi prévoit. Mais elle ne prévoit pas que tu sois en retard. Ce qui arrive trop souvent…»

La natte, tenue dans la main gauche, vient frapper la main droite.

«Je veux qu'on s'en tienne au système prévu par le jugement de divorce. Avec définition des tâches et des horaires.»

Il ne bronche pas.

«Maintenant, parlons de Tom.»

La natte fouette l'avant-bras.

«Je souhaite qu'il fasse du sport le samedi. Ce serait bien pour la croissance de notre petit garçon.»

Il cherche le piège. Il entrevoit quelque chose, au loin, dans les fourrés malins, mais rien n'est sûr encore.

«T'opposerais-tu à ce que je l'inscrive dans un club de foot ou de hand le samedi après-midi?»

Cela se précise. Vaguement.

«Ce serait nous, d'ailleurs, qui l'inscririons. Son pere et sa mere…

– En quoi suis-je concerné?» demande-t-il.

Elle appuie son mouvement tournant côté sens du poil, ce qui le hérisse.

«Mais il s'agit de notre enfant! De son bien!

– Et puis?

– Ce temps-là serait partiellement décompté sur ton droit de visite.»

Pile dans le mille!

«Demandons à Tom ce qu'il en pense», propose-t-il.

Elle abat son poing fermé sur le plateau de la table.

«Tom n'a pas l'âge de choisir.

– Même pas le sport que nous lui ferons faire?

– Es-tu d'accord ou non? C'est la seule question!»

Il a beau ne plus vivre avec elle, il y a un ton et l'emploi de certains mots qui le heurtent autant que jadis.

«C'est la seule question, dit-il froidement, à condition que je sois d'accord avec toi pour lui reconnaître cette qualité.»

Il l'a heurtée. Elle l'assassine d'un regard sombre.

«Tu refuses qu'il fasse du sport?»

C'est un sifflement. Il sait qu'ils vont monter en régime. Il se lève et va fermer la porte. Pourquoi le cherche-t-elle ainsi? Qu'attend-elle?

«Demandons à Tom, suggère-t-il de nouveau.

– Non.»

Il réfléchit à fond de train, et propose une solution intermédiaire:

«Il fait du sport le samedi après-midi, mais il reste avec moi le mercredi.

– Toute la journée?

– Nombre d'heures équivalent.

– C'est anormal.»

Il ose demander pourquoi.

«Le samedi, il fait du sport pour lui-même. Le mercredi, il te voit pour toi.»

Il la considère, les yeux tout ronds.

«Ce n'est plus une question de lui à lui, mais de lui à toi. Ou de toi à lui.

– Peut-être suis-je aussi indispensable à Tom qu'une heure de hand! maugrée-t-il.

– Oui, mais le temps qu'il passerait avec toi le mercredi soir ne correspondrait plus au temps qu'il passerait avec moi le samedi.

– Est-ce si important?

– Il a besoin de sa mère.

– Et aussi de son père.

– Comme tu as pu le voir, remarque-t-elle avec gravité, je n'en disconviens pas.

– Laissons tomber pour le samedi, propose-t-il. Nous en reparlerons plus tard.»

Il s'avance vers la porte. La reum le retient par le bras.

«Je te fais une contre-proposition. Il fait du sport le samedi et reste avec moi une heure de plus après. En échange, tu le gardes deux heures de plus le mercredi.

– Ce n'est pas équitable.

– Comptons», dit-elle.

Elle s'en va quérir une feuille et un crayon, astique la mine et s'empêtre dans des opérations à trois chiffres. Elle finit par renoncer, quitte de nouveau la cuisine et revient avec une calculette.

Elle se concentre sur de savants calculs alignés dans deux colonnes estampillées lui et moi. Au terme de quoi, elle fait une proposition chiffrée:

«Tu prends Tom quatre-vingt-dix minutes de moins tous les quinze jours, soit un manque à gagner de quarante-cinq minutes par semaine. J'ajoute à cela deux heures de sport hebdomadaires, plus une heure avec sa maman, trois heures tous les quinze jours, c'est-à-dire une nouvelle fois quatre-vingt-dix minutes que je divise par trois, un tiers pour toi, deux tiers pour moi car je ne le vois pas, que ce soit ton week-end ou le mien. Donc, je défalque.

– Pourquoi comptes-tu une heure supplémentaire passée avec toi?

– Qui le prépare?

– Qui va le chercher?

– J'irai, dit-elle.

– Ce n'est pas juste. Normalement…»

Elle lui coupe la chique d'un sourire de guillotine:

«Puisque je l'habille, il faut aussi que je le déshabille! Tu ne l'imagines quand même pas venant chez toi en tenue de hand!

– Parfaitement, s'écrie-t-il.

– Mon pauvre ami!» le plaint-elle.

Elle revient à ses comptes. Au résultat, elle obtient un bénéfice égal si Tom reste avec elle quarante-cinq minutes de plus le mercredi.

«Je suis bonne fille. J'arrondis à une heure.»

Elle exige que les heures de sport du samedi soient soustraites à l'un comme à l'autre, y compris l'heure supplémentaire qu'elle s'est octroyée puisque, dit-elle, C'est comme la viande, ça se larde et s'entrelarde pour être meilleur au goût, après on ne s'en occupe plus pendant la cuisson, mais le découpage est très important si on veut bien profiter de la préparation.

Il essaie d'argumenter sur la question du transport, étant admis qu'une marchandise à livrer n'est pas une marchandise consommée; pour reprendre l'exemple de la viande, l'apprêter n'est pas la manger; or, Tom dans la voiture ou sur la moto n'est pas comme Tom chez lui, Nous ne sommes pas vraiment ensemble, pourrait-on diviser par deux la charge du fret?

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