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A
A

— Je regrettec

— Mais tu n’y es pour rien, bon sang. Et moi non plus. Nul n’a rien fait. Olga n’a jamais frappé la gosse, et j’en remercie le Ciel, mais je ne peux plus supporter cette comédie, Ollie. Je n’en peux plus.

— Ne pleurez pas. C’est trop pénible, pour moi.

— Je ne vais pas craquer, rassure-toi. Cesse de discuter et passe dessous. C’est mon tour.

12

— Certainement pas, rétorqua-t-il à Petros.

Ils étaient séparés par un bureau sur lequel trônait un scripteur. Justin avait conscience qu’on analysait sa voix et que les résultats défilaient sur le moniteur placé devant le médecin. Ivanov adressait des regards à l’écran, entre deux sourires professionnels.

— Vous avez des rapports très étroits avec votre compagnon, dit Petros. Cela ne vous donne-t-il pas quelques inquiétudes ? Vous savez qu’un azi ne peut se protéger contre ce genre de choses.

— J’y ai beaucoup réfléchi. J’ai même abordé la question avec lui. Mais c’est ainsi qu’on nous a élevés, non ? Et pour diverses raisons – que vous êtes bien placé pour connaître – nous avons tous deux des problèmes qui nous coupent du reste de la Maisonnée et devons nous apporter un certainc réconfort mutuel.

— Décrivez-moi ces problèmes.

— Allons, Petros, vous savez comme moi que nous sommes des parias. Contagion politique. Il serait superflu de fournir des précisions.

— Vous vous sentez donc isolés ?

Il rit.

— Mon Dieu, n’étiez-vous pas invité à la soirée du Nouvel An ?

— Si.

Un coup d’œil au moniteur.

— J’étais présent. C’est une charmante enfant, n’est-ce pas ?

Il regarda Ivanov, haussa un sourcil et se permit un rire empreint d’amertume.

— Je pense que c’est une petite peste au même titre que tous les autres gosses et que je peux m’estimer heureux de ne pas risquer de tomber enceint,car vous risqueriez de vous en prendre à ma progéniture. Notez avec soin ce commentaire. Au fait, ça se présente comment ? Je parle de l’analyse des inflexions de ma voix.

— La tension est acceptable.

— Je m’en doutais. Vous essayez de me pousser à réagir, mais est-il pour autant nécessaire de sombrer dans le grotesque ?

— Vous trouvez donc cette fillette grotesque.

— Charmante, tout au contraire. C’est la situation, qui est ridicule. Mais ça ne vous pose aucun problème de conscience. Vous gardez en permanence une arme braquée sur mon père pour me dissuader de tenter quoi que ce soit. Est-ce que je mens ?

Petros ne souriait plus. Il surveillait le moniteur.

— Une bonne réaction. Excellente, même.

— Je n’en doute pas.

— Vous êtes furieux, pas vrai ? Que pensez-vous de Giraud ?

— Je l’adore. Qu’est-ce que ça donne, pour les comparaisons ? Vrai ou faux ?

— Ne jouez pas avec ça, vous pourriez vous blesser.

— Je tiens à faire enregistrer que vous venez d’adresser des menaces à votre patient.

— Ce n’était pas mon intention. Je dois insister pour que vous suiviez un traitement. Mmmmmc le pouls s’emballe.

— Il y a de quoi. J’accepte de me faire soigner si mon azi assiste aux séances.

— Ce n’est pas prévu par le règlement.

— Écoutez, Petros. J’ai vécu un véritable enfer, dans vos services. Allez-vous achever de me faire sombrer dans la folie ou m’accorder quelques garanties ? Même un non-professionnel a le droit d’assister à une intervention psych, si c’est à la demande du principal intéressé. Et je souhaite savoir ce qu’en pense un observateur impartial. C’est tout. Acceptez, et je viendrai de mon plein gré. Refusez, et je chercherai d’autres solutions. Je ne suis plus un gosse paralysé par la panique, Petros. Je sais où m’adresser pour déposer une plainte en bonne et due forme. Le seul moyen de m’en empêcher consisterait à me bouclerc ou encore à m’éliminer. Mais ça ferait assez mauvais effet, ne croyez-vous pas ?

— Je peux faire mieux.

Petros poussa un interrupteur et l’écran se rétracta dans le plateau du bureau.

— Je vais vous donner une bande que vous emporterez chez vous. Mais promettez-moi de l’utiliser.

— Bravo pour l’effet de surprise ! Il est dommage que vous ayez arrêté le moniteur.

— La peur vous fait perdre tout bon sens. Ce n’est pas un reproche, notez bien. Vous contrôlez votre voix, mais le pouls est rapide. Vous êtes-vous psyché avant de venir ? Je pourrais demander une analyse sanguine. Intervention orale ? Grant vous a préparé à cette entrevue ?

— Il faudra obtenir mon consentement écrit.

Petros libéra son haleine, les avant-bras posés sur le bureau.

— Ne vous attirez pas d’ennuis, Justin. C’est un conseil d’ami. Évitez les complications. Obéissez aux ordres. Cette autorisation pour les appels téléphoniques sera reportée à plus tard.

— C’est logique.

La déception pesait sur sa poitrine.

— Je m’en doutais. Ils se jouent de moi, quoi qu’il en soit. J’ai eu tort de croire Denys. J’aurais dû me méfier.

— Denys n’y est pour rien. C’est la sécurité militaire qui a opposé son veto. Il va préparer un dossier, pour tenter de persuader la Défense de revenir sur sa décision. Soyez bien docile pendant quelque temps. Ce n’est pas avec des petits numéros de ce genre que vous améliorerez votre situation. Vous comprenez ? Évitez les ennuis. Vous continuerez de recevoir les lettres.

Un autre soupir, un air malheureux.

— Je dois rendre visite à votre père. Y a-t-il quelque chose que vous souhaitiez lui dire ?

— Qu’allez-vous lui faire ?

— Rien. Rien. Calmez-vous. Je vais à Planys pour vérifier du matériel et contrôler le travail des techs. J’ai cru que ça vous ferait plaisir. Je compte lui apporter une photo de vous. Je pense qu’il appréciera. Je vous en rapporterai une de luic si c’est réalisable.

— Bien sûr.

— Je le ferai. Pour Jordan autant que pour vous. J’étais son ami.

— Mon père avait beaucoup d’amis.

— Il n’est pas dans mes intentions d’en discuter. Alors, un message ?

— Dites-lui qu’il me manque. Que pourrais-je ajouter qui ne soit pas censuré ?

— Je ferai de mon mieux. Toujours à titre officieuxc Je travaille ici, et si on me remplaçait votre situation n’en serait pas améliorée. Pensez-y. Rentrez chez vous. Continuez de travailler. Et n’oubliez pas de demander votre bande au bureau des entrées.

Après être parti, alors qu’il traversait la cour intérieure pour regagner la Maison avec la bande et une ordonnance, il ne pouvait décider s’il venait de remporter une victoire ou de subir une défaite. Ou encore quelle faction avait gagné ou perdu.

Mais c’était une question qu’il se posait depuis de nombreuses années.

Audiotexte extrait de :

Formes de croissance

Bandétude de génétique n‹1

« Entretien avec Ari Emory »

1 repartie

Publications Éducatives de Reseune :

8970-8768-1 approuvé pour 80 +

Q : D r Emory, je dois en premier lieu vous remercier d’avoir accepté de nous apporter quelques éclaircissements sur la nature de vos travaux.

R : J’en suis ravie. C’est moi qui vous remercie. Vous pouvez commencer.

Q : Vos parents ont fondé Reseune. Nul ne l’ignore. Savez-vous que certains biographes voient en vous la principale architecte de l’Union ?

R : J’ai déjà entendu porter cette accusation.(Rire.) J’aurais préféré qu’ils attendent ma mort pour tenir de tels propos.

Q : Niez-vous l’importance de vos réalisationsc tant politiques que scientifiques ?

R : Je fais de la recherche, au même titre que Bok. Ce sont deux domaines distincts, bien qu’ils puissent s’influencer. Nous disposons de peu de temps et j’aimerais faire une remarquec qui devrait me permettre de répondre à plusieurs de vos questions.

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