Au niveau de l’Union, le Conseil des Neuf est composé de représentants des divers électorats professionnels. Tous les citoyens de l’Union disposent du droit de vote, mais un coefficient est appliqué à leurs suffrages en fonction de leurs qualifications. Par exemple, si le coefficient de la majorité des votants de l’électorat des Sciences est de un, celui d’un tech de labo expérimenté sera de deux et celui d’un scientifique en renom pourra être de dix, selon les références professionnelles prises en compte – un écart creusé par l’application de ce facteur dans une formule mathématique. Tout citoyen est autorisé à demander une réévaluation de son coefficient en soumettant son cas à un conseil composé de ses pairs, mais le travail fourni et l’expérience sont à l’origine de la plupart des réévaluations.
Lorsqu’un siège devient vacant au sein du Conseil des Neuf, le secrétaire du bureau concerné assume l’intérim tant que l’électorat correspondant n’a pas élu un remplaçant, hormis si le conseiller sortant a désigné son successeur.
Le Conseil des Neuf peut être dissous si un candidat de l’opposition présente une pétition qui comporte un nombre suffisant de signatures.
Les clivages apparus entre les divers partis politiques font désormais de chaque vacance une occasion de se livrer à d’âpres affrontements. Cette situation rend la position des secrétaires plus vulnérable et augmente l’importance des bureaux internes et des fonctionnaires chargés d’assurer l’exécution des décisions prises pendant que des changements se produisent aux niveaux supérieurs de l’administration.
Les conseillers prennent les décisions politiques. Leurs secrétaires, qui sont de simples salariés, établissent les lignes directrices et donnent des ordres au personnel administratif Les chefs de service exécutent ces instructions et fournissent des rapports qui remonteront jusqu’au sommet de la chaîne hiérarchique en passant du secrétaire au conseiller, et du conseiller au Conseil des Neuf.
Ce Conseil peut proposer et voter des lois, mais le vote unanime de la délégation d’un électorat local est suffisant pour annuler toute décision qui ne s’applique qu’à ce même électorat. La majorité des deux tiers du Conseil Général et la majorité simple du Conseil des Neuf sera alors requise pour pouvoir faire appliquer malgré tout ladite décision. La souveraineté locale passe avant celle de l’Union, hormis en cas de vote presque unanime des représentants de cette dernière.
La majorité simple des Neuf est suffisante pour assurer la promulgation d’une loi, sauf décision contraire du Conseil Général composé d’un ambassadeur et d’élus de chaque monde ou station de l’Union, dont le nombre varie en fonction de l’importance de sa population.
Le Conseil des Neuf préside le Conseil Général. Le Conseil des Mondes (le Conseil Général sans les Neuf) peut lui aussi promulguer des lois à la majorité simple, sous réserve que les Neuf n’y opposent pas leur veto.
Le Conseil des Mondes compte de nos jours soixante-seize membres, dont le représentant de Cyteen. Au sein du Conseil Général (le Conseil des Mondes plus les Neuf), les élus de Cyteen sont restés de simples observateurs privés de tout droit d’expression et de vote jusqu’en 2377. Cette concession accordée par le monde où se trouve le siège du gouvernement devait rester en vigueur tant que la population globale de l’Union ne serait pas deux fois plus importante que celle de cette planètec un nombre atteint lors du recensement de 2377.
Tous les composants de l’Union ne sont pas représentés : les Territoires administratifs ne participent pas aux scrutins locaux et établissent leurs propres lois. Ils ont la même souveraineté que toute planète ou station de l’Union.
Ces enclaves, qui ne sont pas assujetties aux lois et aux taxes locales, ont leur propre système policier et judiciaire et leurs règlements internes ont force de loi sur leurs ressortissants. Un Territoire administratif est placé sous la supervision du bureau dont dépend son activité principale, et ce dernier peut intervenir dans ses affaires intérieures sous certaines conditions définies dans la Charte territoriale, dont les clauses varient selon les cas.
Il serait impossible de clore ce bref exposé sur les composants de l’Union sans parler de l’unicité de Cyteen, ce monde qui possède la population et l’électorat les plus importants, ainsi que le siège du gouvernement de l’Union (une enclave sur laquelle les autorités locales n’ont aucun pouvoir juridictionnel) et trois Territoires administratifs puissants.
Certains avancent que le principe de souveraineté nationale est battu en brèche, d’autres que ce monde est privilégié car il détient depuis toujours plusieurs sièges au sein du Conseil des Neuf. D’autres encore, des ressortissants de cette planète, pensent que Cyteen deviendra un jour une réserve gouvernementale et doit d’ores et déjà bénéficier d’une situation privilégiée car elle est en fait gouvernée par la totalité des composants de l’Union.
Il existe un autre sujet de discorde : l’utilisation des ressources de Cyteen tant par l’Union que par les Territoires administratifs, qui ne sont assujettis ni aux taxes locales ni à l’autorité du gouvernement planétaire. Les responsables de ces enclaves font remarquer que leur contribution à l’économie locale est supérieure aux avantages dont ils bénéficient, et que c’est à ses divers Territoires administratifs que ce monde doit son expansion spectaculairec
Chapitre VII
1
Le petit appareil prit contact avec le terrain d’atterrissage de Planys et continua sur sa lancée jusqu’au bâtiment qui tenait lieu de terminal. Justin déboucla sa ceinture. Il ne pouvait admettre qu’il venait d’arriver à destination.
Il avait cru qu’on viendrait l’arrêter, que les règles du jeu l’autorisaient à voyager mais pas à atteindre son but. À moins que leurs adversaires n’aient décidé de s’en prendre à son père.
Il n’était pas débarrassé de ses peurs, bien au contraire. Il existait d’autres possibilités, plus graves qu’un psych. Les dirigeants de Reseune pourraient les placer dans une situation qui leur permettrait ensuite de faire pression sur Jordan, ou de rendre plus strictes encore ses conditions de détention. Il essayait de reléguer de telles pensées au fond de son esprit, là où elles se résumaient à de simples rappels à la prudence ; au même titre que celles qui le préparaient à devoir faire soudain demi-tour, à apprendre qu’on venait d’annuler son sauf-conduit, même après être allé aussi loin.
Il lui fallait se résigner à de telles incertitudes, s’il ne voulait pas perdre la raison.
Il sortit sa mallette et son sac du placard pendant que son escorte avançait. Il était à bord de l’avion qui assurait la liaison entre Reseune et Planys : un appareil privé qui portait sur son empennage le symbole de l’Homme Infini et non le logo rouge et blanc de la RESEUNAIR, pourtant chargée d’assurer les transports sur la majeure partie du continent et de desservir les bases d’outremer. L’équipage était composé de membres du personnel navigant de la RESEUNAIR mais ce jet appartenait aux labos : un engin privé comme RESEUNE UN, ce qui soustrayait à la curiosité du bureau des Transports ses manifestes de fret et ses listes de passagers.
Un long, très long vol depuis Reseune, au-dessus d’un immense océan. Un avion muni d’un sas et de filtres à dépression, avec à l’arrivée la contrainte de mettre un scaphandre et un masque avant de pouvoir en descendre. Il ouvrit le placard et prit une combinaison en plastique blanc très fin qui se changerait en étuve une fois enfilée, car ces modèles à taille unique n’avaient aucun système de circulation d’air et de simples bandes élastiques les empêchaient de se dilater comme des ballons, et de raréfier ainsi l’air fourni par le masque.