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Juve,désormais, se rendait compte qu’il était àl’intérieur d’une sorte de petite prise d’eaucouverte par un toit.

Ilétait dans un bassin de pierre, complètement asséché,auquel venait aboutir un gros tuyau, probablement le tuyau d’unégout destiné à évacuer les eaux sales.

Juveregardait la disposition de ce tuyau, par rapport à la maisonde Mme Verdon, et se rendit compte qu’il devaiten provenir.

— C’estégal, grognait le policier en se frottant l’échine,j’aurais tout de même pu me casser quelque chose ;ce ne serait guère heureux en ce moment !…

Mais,alors qu’il grondait, Juve entendit parler.

— Onm’a vu tomber là-dedans, et on arrive pour m’enretirer…

Etil passa la tête à travers le carton bitumé de latoiture qu’il avait crevée.

Juveeut beau regarder autour de lui, il n’y avait personne. Ausurplus, il n’entendait plus rien.

Juverentrait à l’intérieur de la cabane, lorsqu’ànouveau, il perçut distinctement une voix de femme.

Or,Juve la reconnaissait aussitôt. Il n’y avait pas dedoute : c’était la voix de Mme Verdon.

Siles paroles qu’elle prononçait parvenaient indistinctesà Juve, le timbre de la voix cependant était facilementreconnaissable. À Mme Verdon quelqu’unrépondait.

Et,dès lors, c’était une voix plus grave, plus mâle,une voix d’homme, que Juve percevait.

— Leprofesseur Marcus, pensa le policier.

Maisen même temps il se disait :

— D’oùdiable peuvent provenir ces voix ?…

Soudain,Juve avait une inspiration.

— Letuyau !… s’écria-t-il.

Etalors il se mettait à genoux, collait son oreille àl’orifice du gros tube de métal qui venait aboutir danscette petite cabane.

Surle visage du policier, une expression joyeuse s’imprimait.

Ilavait compris.

Ilse rendait compte que la chute inopportune était pour luil’occasion d’une découverte inespérée.

Lefait qu’il était tombé dans cette cabane luifaisait découvrir l’existence d’un tuyau qui,assurément, devait servir à évacuer les eauxsales de la maison, mais qui, pour le moment, allait constituer pourJuve le meilleur des cornets acoustiques que pouvait rêver lepolicier.

Enune seconde, sa pensée imaginait le trajet du tuyau, depuisson embouchure, dans la petite cabane où Juve se trouvait,jusqu’à son origine dans la maison.

Assurément,le tuyau passait sous les plates-bandes du jardin, montait dansl’immeuble jusqu’au premier étage et y prenaitnaissance précisément au fond de la baignoire qu’ilavait entrevue dans la pièce voisine de la chambre occupéepar Mme Verdon.

C’étaità cette baignoire, baignoire métallique, que Juvedevait de si bien entendre, car ses parois servaient en réalitéde pavillon résonateur.

Juvene perdait pas une parole de la conversation échangéeentre Mme Verdon et le professeur Marcus.

Mais,au fur et à mesure qu’il l’entendait le visage dupolicier prenait une expression singulière : ses mains secrispaient, tout son corps tressautait ; puis, il demeuraitimmobile, écoutait encore, ses yeux par momentss’écarquillaient, par moments se fermaient, comme siJuve, faisant un violent effort de pensée, voulait réfléchirsur ce qu’il entendait.

EnfinJuve proféra :

— Cen’est pas possible, et pourtant si… c’est lavérité.

Qu’entendaitdonc le policier ?

Quellesétaient les paroles extraordinaires qu’échangeaientMme Verdon et le professeur Marcus ?

ChapitreXXI

Révélation surprenante

Juveécouta.

Decette voix harmonieuse, de cette voix qui troublait Juve, parce qu’ilcroyait déjà l’avoir entendue, sans pouvoirdéterminer où ni quand, Mme Verdoninterrogeait son interlocuteur :

— Etalors, disait-elle, cher monsieur Marcus, êtes-vous satisfaitde votre excursion dans la montagne ? Y avez-vous fait desdécouvertes de nature à faire progresser la science dela géologie ?

Unevoix masculine rétorquait :

— Eneffet, madame, et mon absence, à part le regret que j’aiéprouvé de vous quitter, m’a permis d’effectuerun voyage qui fut, j’ose le dire, couronné de succès.J’ai rapporté des granits bleutés de la régionqui avoisine le Lautaret, dont je fais le plus grand cas, car ilssont très rares.

— Maintenant,demanda Mme Verdon, allez-vous prendre quelquerepos ?

Leprofesseur Marcus répondait :

— Ilse peut que je reste, comme il se peut que je m’en aille…mes projets n’excèdent guère l’heure qui vavenir, et il ne faudra pas vous étonner si, aprèsm’avoir entendu promettre de rester, vous me voyez disparaître.

» Untélégramme… une lettre, une certaine rencontreeffectuée dans la rue, me déterminent souvent àentreprendre de longs et périlleux voyages, dont je connaispeut-être le commencement, mais rarement la fin…

Vraisemblablement,cette réponse devait attrister Mme Verdon,car, après un court silence, Juve entendit encore leprofesseur Marcus qui proférait :

— Ilva sans dire, madame, que les conditions que nous avons décidéesl’autre jour ne changent en aucune façon, et que je meconsidère, présent ou absent, comme notre locataire.

Maisune protestation véhémente interrompait le professeurdont la voix, elle aussi, surprenait Juve.

Mme Verdondisait :

— Làn’est pas la question, cher monsieur, croyez-le bien, et si jedéplore vos absences, c’est parce que… Parce que…

Juve,alors, n’entendait plus ce que disait la vieille dame, il luisemblait qu’elle balbutiait des paroles inintelligibles.

— Ahça ! se demandait le policier, est-ce que par hasard elleéprouverait une sympathie si grande pour ce professeurgéologue, qu’elle est toute troublée àl’idée que celui-ci s’absente ?… Jeregrette bien de ne pas avoir vu la tête de ce noble vieillardqui passe son temps dans les montagnes.

Juve,instinctivement, tressaillait à cette idée.

Décidément,il entendait bien parler autour de lui de gens s’intéressantaux montagnes depuis quelque temps.

Lapensée du cadavre de Daniel découvert au sommet duCasque-de-Néron lui revenait spontanément àl’esprit.

EtJuve, toujours aux écoutes dans la petite cabane oùaboutissait le tuyau qui lui servait d’acoustique haussa lesépaules.

— Àvouloir trop prouver, on ne prouve rien, songeait-il et il ne fautpas vouloir à toute force faire des rapprochements entre desgens et des choses qui n’ont aucun lien.

Juve,s’il repassait dans son esprit les propos qu’il venaitd’entendre, était, en somme, obligé dereconnaître qu’ils n’avaient rien que de trèsnaturel ; et le policier se demandait s’il allait resterplus longtemps à écouter la conversation que cettevieille dame avait avec un savant géologue, lorsque, parl’intermédiaire du conduit métallique, il perçutle bruit d’une troisième voix.

Àla façon dont le nouvel arrivant parlait, Juve comprit qu’ils’agissait d’un domestique.

Celui-ci,en effet, venait évidemment d’entrer dans la pièce,et il posait cette question au professeur Marcus :

— L’hommedu chemin de fer, monsieur, vient de dire qu’il a trouvédans le compartiment dans lequel était monsieur, le petit sacque monsieur se plaignait tout à l’heure d’avoirperdu.

Àce moment, d’un ton embarrassé, Marcus répliqua :

— C’estbien, donnez-lui quelque chose pour le remercier.

AlorsJuve avait l’impression que le serviteur se retirait, puisrevenait sur ses pas.

Ildisait encore, en effet, après un court silence :

— L’hommea retrouvé également le billet de monsieur, le billetque monsieur a pris à Paris, et qu’il avait perdu enarrivant à Grenoble, ce qui l’a obligé àpayer deux fois sa place…

— Oh !oh ! pensa Juve, qu’est-ce que cela signifie ? Voilàun géologue qui nous raconte qu’il vient de passerquarante-huit heures dans la montagne, et un domestique surgit qui,maladroitement, dit que ce professeur est allé à Parispuisqu’il apparaît nettement, désormais, qu’ilvient d’en revenir…

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