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Juve,à l’instant où il causait ainsi à ThéodoreGauvin, était certainement fort loin de se douter que lesservices de la Sûreté télégraphiaient detous côtés à son domicile, qu’une dépêchede Jérôme Fandor était arrivée, dépêcheannonçant que Fantômas devait débarquerincessamment à Paris.

SiJuve avait su cela, certainement il aurait abandonné Me Gauvinet se serait précipité à la gare. Mais il ne lesavait pas, et l’ignorance où il était devaitamener rapidement de terribles catastrophes !

ChapitreXIII

Trois-et-Deux

SiFandor pouvait être à bon droit légèrementahuri par les formidables raclées qu’il recevait àla gare du Nord, à l’instant précis où ilse précipitait sur Fantômas, bien certain d’ailleursque les agents massés dans la gare allaient lui prêtermain forte, Fantômas tout au contraire ne manifestait aucunétonnement, aucune émotion même, en se voyantsoudain au centre d’une bagarre formidable, en comprenant quela police tentait un nouvel effort pour s’emparer de sapersonne.

Fantômasne manifestait aucune surprise, et à cela il y avait une bonneraison, une raison infiniment simple, qui était toutsimplement qu’il s’attendait à la chose depuisBruxelles.

LeMaître de l’épouvante, en effet, n’étaitpoint de ces hommes qui ne laissent rien au hasard, et que ladestinée peut prendre au dépourvu. Il calculait tout,au contraire, savait être toujours sur le qui-vive, et, enconséquence, se trouvait toujours prêt à toutesles éventualités.

Ques’était-il donc passé et comment Fantômaspouvait-il s’attendre à ce que Fandor préparaitcontre lui ?

Lorsquele terrible bandit avait au passage à niveau échappéà Fandor qui crevait, d’un coup de revolver, leréservoir de sa voiture, Fantômas étaitlittéralement furieux.

— Mauditjournaliste ! jurait-il. Je n’arriverai donc jamais àle tuer…

Etil passait sa rage sur sa voiture, la conduisant de main de maître,mais avec une réelle brutalité.

Fandor,assurément, menait mieux que lui, et la voiture, bientôt,en mécanique intelligente, car les automobiles ne sont pointdes machines stupides, répondait aux brutalités dontelle était victime en s’arrêtant net !

Fantômas,à cet instant, réellement fou de colère, sautaitdu siège, arrachait les courroies qui retenaient le capot, sepenchait sur le mécanisme…

Certes,l’instant était grave, les minutes avaient leur valeur,la panne choisissait bien son moment pour immobiliser Fantômas…

Lebandit, toutefois, avec son audace tranquille et son accoutumésang-froid, ne s’effarait pas outre mesure.

Ilavait bien fait cinq ou six kilomètres ; Fandor, éclopécomme il l’était, ne lui donnerait pas la chasse desitôt, Fantômas pouvait donc encore disposer, croyait-il,d’une grande heure en toute tranquillité.

— Queva tenter Fandor ? se demandait en effet le Génie ducrime. Tout au plus il peut prévenir la gendarmerie, mobiliserla police par télégraphe, donner le signalement de mavoiture… Le tout est donc de ne pas être immobilisélongtemps, et de pouvoir gagner de vitesse sur les instructions quivont être données.

Fantômas,tranquillement, se mit à chercher sa panne. Il ne la trouvaitpas toutefois avec facilité. Force lui était doncd’emprunter à son coffre, et cela afin de ne point tropse salir, de vieux vêtements pour se glisser sous le châssiset aller tripoter dans la boue du mécanisme.

Fantômasfit ainsi œuvre de mécanicien pendant près d’unquart d’heure. Enfin, la voiture repartit…

— Victoire !criait Fantômas.

Mais,cent mètres plus loin, il déchantait… La voitures’immobilisait encore, et s’immobilisait cette fois defaçon définitive.

Etc’était la plus terrible des pannes qui survenait, cellequi est irrémédiable en pleine campagne, c’étaitla panne d’essence…

Fandoravait en réalité été merveilleusementinspiré en essayant de crever le réservoir de lavoiture.

Fantômasne s’était pas aperçu de la chose, désormaisil était impuissant à repartir.

Quefaire en ces conditions ?

Fantômasdécidait tout d’abord de confier à ses complicesla garde de l’automobile. Puis, lui-même prenait unepetite valise dans laquelle il avait un costume de rechange, et, àpied, partait à l’aventure le long de la route.

Fantômasn’avait guère à ce moment de projets bienarrêtés. Il ne savait où il allait, il étaitdésireux seulement de fuir, de s’éloigner au plusvite de ce maudit Fandor qui le talonnait depuis quelque temps de laplus redoutable façon.

Or,précisément il arrivait ce que JérômeFandor avait prévu : Fantômas, en longeant lagrande route, finissait par apercevoir la halte oùs’immobilisaient les trains rapides. Il avait toutnaturellement l’idée de demander si un train n’allaitpoint passer prochainement, et comme on lui répondaitaffirmativement, il se décidait à y prendre place.

Fantômasétait donc monté dans le rapide de Bruxelles, étaitabsolument persuadé qu’il dépistaitdéfinitivement Fandor.

Leconvoi dans lequel Fantômas prenait place étaittoutefois quelques instants plus tard victime d’un incident quidevait suffire à donner l’éveil au Maîtrede l’effroi.

Fandorfaisait des signaux sur la voie, contraignait le mécanicien àbloquer ses freins, puis disparaissait…

Lesvoyageurs, lorsque le train repartait, étaient tous d’accordpour affirmer que le mécanicien s’était trompé.Fantômas, lui, était fort tenté de croire lecontraire.

LeGénie du crime, en effet, était beaucoup trop avisé,beaucoup trop réfléchi, pour admettre si facilement uneerreur de la part d’un homme qui jurait ses grands dieux avoirvu, avoir bien vu, un homme étendu sur la voie, et faisant desgestes de détresse.

Fantômas,dès lors, soupçonneusement, se disait :

— C’estbizarre…

SiFantômas, d’ailleurs, voulait réfléchir, ilsongeait que le train dans lequel il venait de prendre place l’avaiten quelque sorte ramené sur ses pas, et que son arrêtavait été occasionné à très peu dedistance de l’endroit où Jérôme Fandordevait précisément se trouver.

Delà à conclure que l’inexplicable arrêt dutrain pouvait être imputé à l’interventionde Fandor, il n’y avait pas très loin, et Fantômasne manquait pas de se poser la question.

C’étaitdonc l’esprit en éveil que Fantômas arrivait àBruxelles et descendait du wagon de seconde classe où il étaitmonté avec ses habits d’apache, ses vieux habits, sansla moindre vergogne.

MaisFantômas n’était pas plutôt descendu sur lequai qu’il se disait, tout naturellement :

— Sij’étais Fandor, que ferais-je ? à supposerque Fantômas se trouve dans ce train ?

ImmédiatementFantômas se répondit :

— Jeme précipiterais vers la sortie et j’irais guetter lespersonnes qui sortent !

Ayantdécidé ce que devait faire Fandor, Fantômasimmédiatement tirait parti de sa pensée : ilexaminait de loin la sortie de la gare de Bruxelles, et toutnaturellement il apercevait là, masqué par un tas debagages, un homme habillé en bleu qui n’étaitautre que Jérôme Fandor.

— Trèsbien, se dit Fantômas. C’est absolument parfait…

Ettranquillement il revint vers son wagon, à peine contrariépar la pensée que Jérôme Fandor, loind’abandonner sa poursuite, était tout au contraireacharné sur sa piste.

LeMaître de l’effroi, quelques instants plus tard,souriait :

— Ehbien, soit, décidait-il, puisque Fandor est là,finissons-en…

Loinde se cacher, Fantômas se promenait ostensiblement le long dutrain, ne cherchant nullement à éviter Fandor.

C’étaitFandor, en effet, qui évitait le bandit, et Fantômas,qui le surveillait du coin de l’œil, sans en avoir l’airregardant dans une glace qui lui permettait de voir derrièrelui, discernait parfaitement la course rapide du journaliste seprécipitant au télégraphe pour câbler àla Sûreté.

— Allons,pensa Fantômas à ce moment, Jérôme Fandorva encore avoir le dessus ! Il s’apprête en tout casà me faire prendre plus tard, il donne des instructions pournotre arrivée, j’ai toutes les chances du monde depouvoir voyager tranquillement !

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