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– Il faut qu’elle se rappelle, il faut qu’elle parle; ordonnez-le-lui.

– Mais, si elle était dans le sommeil?…

– L’âme veillait.

Alors il se leva, étendit la main vers Andrée et, avec un froncement de sourcils qui indiquait un redoublement de volonté et d’action:

– Souvenez-vous, dit-il, je le veux.

– Je me souviens, dit Andrée.

– Oh! fit Philippe essuyant son front.

– Que voulez-vous savoir?

– Tout!

– À partir de quel moment?

– À partir du moment où vous vous êtes couchée.

– Vous voyez-vous vous-même? demanda Balsamo.

– Oui, je me vois. Je tiens à la main le verre préparé par Nicole… Oh! mon Dieu!

– Quoi? Qu’y a-t-il?

– Oh! la misérable!

– Parle, ma sœur, parle.

– Ce verre contient un breuvage préparé; si je le bois, je suis perdue.

– Un breuvage préparé! s’écria Philippe: dans quel but?

– Attends! attends!

– D’abord le breuvage.

– J’allais le porter à mes lèvres, mais… en ce moment…

– Eh bien?

– Le comte m’appela.

– Quel comte?

– Lui, dit Andrée étendant sa main vers Balsamo.

– Et alors?

– Alors, je reposai le verre et je m’endormis.

– Après? après? demanda Philippe.

– Je me levai, et j’allai le rejoindre.

– Où était le comte?

– Sous les tilleuls, en face de ma fenêtre.

– Et le comte n’est jamais entré chez vous, ma sœur?

– Jamais.

Un regard de Balsamo adressé à Philippe lui dit clairement: «Vous voyez si je vous trompais, monsieur?»

– Et vous dites que vous allâtes rejoindre le comte?

– Oui. Je lui obéis quand il m’appelle.

– Que vous voulait le comte?

Andrée hésita.

– Dites, dites, s’écria Balsamo; je n’écouterai pas.

Et il retomba sur son fauteuil en ensevelissant sa tête dans ses mains, comme pour empêcher le bruit de la parole d’Andrée de venir jusqu’à lui.

– Dites, que vous voulait le comte? répéta Philippe.

– Il voulait me demander des nouvelles…

Elle s’arrêta de nouveau; on eût dit qu’elle craignait de briser le cœur du comte.

– Continuez, ma sœur, continuez, dit Philippe.

– D’une personne qui s’était évadée de sa maison, et – Andrée baissa la voix -, et qui est morte depuis.

Si bas qu’Andrée eût prononcé ces paroles, Balsamo les entendit ou les devina, car il poussa un sombre gémissement.

Philippe s’arrêta; il y eut un moment de silence.

– Continuez, continuez, dit Balsamo, votre frère veut tout savoir, mademoiselle; il faut que votre frère sache tout. Après que cet homme eut reçu les renseignements qu’il désirait, que fit-il?

– Il s’enfuit, dit Andrée.

– Vous laissant dans le jardin? demanda Philippe.

– Oui.

– Que fîtes-vous alors?

– Comme il s’éloignait de moi, comme la force qui me soutenait s’éloignait avec lui, je tombai.

– Évanouie?

– Non, toujours endormie, mais d’un sommeil de plomb.

– Pouvez-vous rappeler ce qui vous arriva pendant ce sommeil?

– Je tâcherai.

– Eh bien, qu’est-il arrivé? Dites.

– Un homme est sorti d’un buisson, m’a prise dans ses bras et m’a apportée…

– Où cela?

– Ici, dans mon appartement.

– Ah!… et cet homme, le voyez-vous?

– Attendez… oui… oui… Oh! continua Andrée avec un sentiment de dégoût et de malaise. Ah! c’est encore ce petit Gilbert!

– Gilbert?

– Oui.

– Que fit-il?

– Il me déposa sur ce sofa.

– Après?

– Attendez…

– Voyez, voyez, dit Balsamo, je veux que vous voyiez.

– Il écoute… il va dans l’autre chambre… il recule comme effrayé… il entre dans le cabinet de Nicole… Mon Dieu! mon Dieu!

– Quoi!

– Un homme le suit; et moi, moi qui ne peux pas me lever, me défendre, crier, moi qui dors!

– Quel est cet homme?

– Mon frère! mon frère!

Et le visage d’Andrée exprima la plus profonde douleur.

– Dites quel est cet homme, ordonna Balsamo, je le veux!

– Le roi, murmura Andrée, c’est le roi.

Philippe frissonna.

– Ah! murmura Balsamo, je m’en doutais.

– Il s’approche de moi, continua Andrée, il me parle, il me prend dans ses bras, il m’embrasse. Oh! mon frère! mon frère!

De grosses larmes roulaient dans les yeux de Philippe, tandis que sa main étreignait la poignée de l’épée que lui avait donnée Balsamo.

– Parlez! parlez! continua le comte d’un ton de plus en plus impératif.

– Oh! quel bonheur! il se trouble… il s’arrête… il me regarde… il a peur… il fuit… Andrée est sauvée!

Philippe aspirait, haletant, chaque parole qui sortait de la bouche de sa sœur.

– Sauvée! Andrée est sauvée! répéta-t-il machinalement.

– Attends, mon frère, attends!

Et la jeune fille, comme pour se soutenir, cherchait l’appui du bras de Philippe.

– Après? après? demanda Philippe.

– J’avais oublié.

– Quoi?

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