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À l'orée de la forêt, où elle était alors parvenue, s'étendait un grand champ de blé, mais le blé n'y était plus depuis longtemps, seul le chaume sec et nu se dressait sur la terre gelée. C'était pour elle comme une forêt qu'elle parcourait. Oh! comme elle tremblait de froid. Elle arriva ainsi à la porte de la souris des champs. C'était un petit trou au pied des fétus de paille. La souris avait là sa bonne demeure tiède, toute sa chambre pleine de grain, cuisine et salle à manger. La pauvre Poucette se plaça contre la porte, comme toute pauvre mendiante, et demanda un petit morceau de grain d'orge, car depuis deux jours elle n'avait rien eu du tout à manger.

– Pauvre petite, dit la souris, car c'était vraiment une bonne vieille souris des champs, entre dans ma chambre chaude manger avec moi!

Puis, comme Poucette lui plut, elle dit:

– Tu peux bien rester chez moi cet hiver, mais il faudra tenir ma chambre tout à fait propre et me conter des histoires, car je les aime beaucoup.

Et Poucette fit ce que demandait la bonne vieille souris, et vécut parfaitement.

– Nous aurons bientôt une visite, dit la souris des champs, mon voisin a l'habitude de venir me voir tous les jours de la semaine. Il se tient enfermé encore plus que moi, il a de grandes salles et il porte une délicieuse pelisse de velours noir; si tu pouvais l'avoir pour mari, tu n'aurais besoin de rien; mais il ne voit pas clair. Il faudra lui conter les plus belles histoires que tu saches.

Mais Poucette ne se souciait pas d'avoir le voisin, qui était une taupe. Il vint rendre visite dans sa pelisse de velours noir. Il était riche et instruit, dit la souris des champs, son appartement était aussi vingt fois plus grand que celui de la souris, et il était plein de science, mais il ne pouvait supporter le soleil et les belles fleurs, il en disait du mal, car il ne les avait jamais vues. Poucette dut chanter, et elle chanta «Hanneton, vole, vole «et «Le moine va aux champs», et la taupe devint amoureuse d'elle à cause de sa belle voix, mais ne dit rien, car c'était une personne circonspecte.

Elle s'était récemment construit un long corridor dans la terre, de sa demeure à celle de la souris, et elle permit à la souris et à Poucette de s'y promener tant qu'elles voudraient. Mais elle leur dit de ne pas avoir peur de l'oiseau mort qui gisait dans le corridor. C'était un oiseau entier avec bec et plumes, qui sûrement était mort depuis peu, au commencement de l'hiver, et avait été enterré juste à l'endroit où elle avait fait son corridor.

La taupe prit dans sa bouche un morceau de mèche, car cela brille comme du feu dans l'obscurité, et elle marcha devant eux et les éclaira dans le long couloir sombre; lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit où gisait l'oiseau mort, la taupe dresse en l'air son large nez et heurta le plafond, et cela fit un grand trou par lequel la lumière put briller. Sur le sol gisait une hirondelle morte, ses jolies ailes plaquées contre son corps, les pattes et la tête cachées sous les plumes. Le pauvre oiseau était évidemment mort de froid. Poucette en eut de la peine, elle aimait tant tous les petits oiseaux, qui avaient si joliment chanté et gazouillé pour elle tout l'été, mais la taupe donna un coup de ses courtes pattes à l'hirondelle, et dit:

– Elle ne piaillera plus! ça doit être lamentable de naître petit oiseau. Dieu merci, aucun de mes enfants ne sera ainsi, un oiseau pareil n'a rien d'autre pour lui que son qvivit, et doit mourir de faim l'hiver!

– Oui, vous pouvez le dire, vous qui êtes prévoyant, dit la souris. Qu'a l'oiseau pour tout son qvivit, quand vient l'hiver? Il doit avoir faim et geler; mais ce qvivit est tout de même une grande chose!

Poucette ne dit rien, mais lorsque les deux autres eurent tourné le dos à l'oiseau, elle se baissa, écarta les plumes qui recouvraient la tête de l'hirondelle, et la baisa sur ses yeux clos.»C'est peut-être celle qui a si joliment chanté pour moi cet été, se dit-elle, quelle joie il m'a procurée, le bel oiseau!»

Puis la taupe boucha le trou par où le jour luisait, et les dames l'accompagnèrent à sa demeure. Mais la nuit, Poucette ne put dormir, elle se leva de son lit et tressa une belle couverture de paille dont elle alla envelopper l'oiseau mort, et elle mit du coton moelleux, qu'elle avait trouvé chez la taupe, autour du corps de l'oiseau, afin qu'il put être au chaud dans la terre froide.

– Adieu, beau petit oiseau, dit-elle. Adieu, et merci pour tes délicieux chants de cet été, lorsque tous les arbres étaient verts et que le soleil brillait si chaud au-dessus de nous!

Et elle posa sa tête sur la poitrine de l'oiseau, mais fut aussitôt très effrayée, car il y avait comme des battements à l'intérieur. C'était le coeur de l'oiseau. L'oiseau n'était pas mort, il était engourdi, et la chaleur l'avait réanimé.

À l'automne toutes les hirondelles s'envolent vers les pays chauds, mais il en est qui s'attardent, et elles ont tellement froid qu'elles tombent comme mortes, elles restent où elles sont tombées, et la froide neige les recouvre.

Poucette était toute tremblante de frayeur, car l'oiseau était fort grand, à côté d'elle qui n'avait qu'un pouce, mais elle rassembla son courage, pressa davantage le coton autour de la pauvre hirondelle, et alla chercher une feuille de menthe crépue, qu'elle avait eue elle-même comme couverture, et la passa sur la tête de l'oiseau.

La nuit suivante elle se glissa de nouveau vers lui, et il était alors tout à fait vivant, mais très faible; il ne put ouvrir qu'un instant ses yeux et voir Poucette, qui était là, un morceau de mèche à la main, car elle n'avait pas d'autre lumière.

– Sois remerciée, gentille enfant lui dit l'hirondelle malade, j'ai été délicieusement réchauffé, bientôt j'aurais repris des forces et de nouveau je pourrai voler aux chauds rayons du soleil!

– Oh! dit Poucette, il fait froid dehors, il neige et il gèle, reste dans ton lit chaud, je te soignerai.

Elle apporta de l'eau dans un pétale de fleur à l'hirondelle, qui but et raconta comment elle s'était blessée l'aile à une ronce, et n'avait pas pu voler aussi vite que les autres hirondelles, qui étaient parties loin, très loin, vers les pays chauds. Elle avait fini par tomber à terre, ensuite elle ne se rappelait plus rien, et ne savait pas du tout comment elle était venue là.

Tout l'hiver elle y restera, et Poucette fut bonne pour elle, et l'aima beaucoup; ni la taupe ni la souris des champs ne s'en doutèrent, car elles ne pouvaient sentir la pauvre malheureuse hirondelle.

Dès que vint le printemps et que le soleil réchauffa la terre, l'hirondelle dit adieu à Poucette, qui ouvrit le trou fait par la taupe au-dessus. Le soleil rayonnait superbe au-dessus d'elles, et l'hirondelle demanda à Poucette si elle ne voulait pas venir avec elle, car elle pourrait se mettre sur son dos, elles s'envoleraient ensemble loin dans la forêt verte. Mais Poucette savait que cela ferait de la peine à la vieille souris des champs, si elle la quittait ainsi.

– Non je ne peux pas, dit Poucette.

– Adieu, adieu, bonne et gentille fille, dit l'hirondelle en s'envolant au soleil.

Poucette la suivit des yeux, et ses yeux se mouillèrent, car elle aimait beaucoup la pauvre hirondelle.

– Qvivit! qvivit! chanta l'oiseau.

Et il s'éloigna dans la forêt verte.

Poucette était triste. Elle n'eut pas la permission de sortir au chaud soleil: le blé, qui était semé sur le champ au-dessus de la maison de la souris, poussa d'ailleurs haut en l'air, c'était une forêt drue pour la pauvre petite fille qui n'avait qu'un pouce.

– Cet été tu vas coudre ton costume, lui dit la souris, car sa voisine, l'ennuyeuse taupe à la pelisse de velours noir, l'avait demandé en mariage. Tu n'auras de la laine et du linge. Tu auras de quoi t'asseoir et te coucher, quand tu seras la femme de la taupe!

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