Литмир - Электронная Библиотека
A
A

«Ami, si je sens bien les choses, ce premier contact citadin, toi aussi, t’horrifie. Nous avons vu néons, enseignes lumineuses, et nous préférons la lumière naturelle. Où est notre place ici? De quoi avons-nous besoin? Simplement de ne pas nous séparer, de rester bien près l’un de l’autre. Retournons à la chênaie et vivons-y, en sauvages amants. Les plus tendres sauvageons que forêt eut jamais abrités. Bâtis-nous belle et forte demeure. Moi, j’irai auprès de Marzin combiner quelque plan pour notre subsistance. Nous sommes, toi et moi, de cette nature, qui est notre milieu. Soyons arbre et rivière, couleuvre et roseau, que la forêt soit notre niche bienveillante. Ensemble le froid ne nous mordra pas, nous ne manquerons de rien. Si besoin, Marzin fera un intermédiaire entre le reste du monde et nous. Personne – tu connais la profondeur de la forêt aux environs des Sulèves! – ne connaîtra même notre existence en ces lieux.»

L’audace et la force de Lucile me confondaient. Comment… isolés ou presque de tout, saurions-nous survivre dans la chênaie… Tant d’années de confort petit nous ont si peu aguerris à vivre ainsi, et si proches de son ancien foyer! Folle, belle et si aimante Lucile… ton courage nous ouvre peut-être la voie, la seule pour ne pas dissoudre notre mariage – j’irai!

Je t’ai prise contre moi et t’embrasse et te serre, et nos rires à la consternation du badaud couvrent le grondement des automobiles, et nous dansons, tournoyons, sur cette place grise de béton et de vitrines offertes à l’ennui. Amour et folie ne firent jamais mauvais ménage.

9
{"b":"125118","o":1}