1958 Je prendrai Dans les yeux d'un ami Ce qu'il y a de plus chaud,de plus beau Et de plus tendre aussi Qu'on ne voit que deux ou trois fois Durant toute une vie Et qui fait que cet ami est notre ami Je prendrai Un nuage de ma jeunesse Qui passait rond et blanc Par-dessus ma tête et souvent Et qui aux jours de faiblesse Ressemblait à ma mère Et aux jours de colère à un lion Un beau nuage douillet et rond et confortable Je prendrai Ce ruisseau clair et frêle d'avril Qui disparaît aux premiers froids Qui disparaît tout l'hiver Et coule alors paraît-il sur la table des Noces de Cana Je prendrai Ma lampe, ma meilleure Pas celle qui éclaire Non, celle qui illumine Et rend joli et appelle de loin Je prendrai Un lit, un grand, le mien Et qui sait ce que c'est qu'un homme Et son chagrin Un grand lit d'être humain Je prendrai tout cela Et puis je bâtirai Je bâtirai et j'appellerai les gens Qui passeront dans la rue Et je leur montrerai Ma crèche de Noël |