À peine le général eût-il donné cet ordre que le gouverneur de la Bastille reprit en une seconde son air de lassitude ennuyée, de hautaine protection et d’impertinence vis-à-vis du petit bourgeois qu’était M. Jacques.
M. Jacques avait tourné en dedans le chaton de sa bague; la redoutable vision du chef suprême des Jésuites disparut, et il n’y eut plus là que l’humble M. Jacques.
Le marquis de Machault alla alors ouvrir lui-même la porte: l’antichambre était pleine de soldats que commandait un officier.
– Faites enregistrer cet ordre de mise en liberté, dit-il d’une voix nonchalante à une sorte de commis. Il concerne monsieur… voyons… M. le chevalier d’Assas… Veuillez, ajouta-t-il en s’adressant à l’officier, veuillez m’amener le n° 214: le roi fait grâce!
Dix minutes plus tard, le chevalier d’Assas paraissait devant le gouverneur et, toutes formalités étant remplies, sortait de la Bastille.
Le pont-levis une fois franchi, le chevalier, tout pâle de cette liberté imprévue, respira à grands traits en murmurant:
– Mordieu, que c’est bon! que Paris est beau! qu’il fait bon vivre!…
Et se tournant vers M. Jacques qui le regardait en souriant:
– Que puis-je faire pour vous remercier?
– Être heureux! répondit M. Jacques.
Aussitôt, il s’éloigna, laissant le chevalier ivre de bonheur et de liberté, un peu étourdi de l’étrangeté de ce personnage. Lorsqu’il revint au sens de la situation, d’Assas voulut rejoindre M. Jacques; mais déjà celui ci avait disparu au détour de l’une des étroites ruelles qui avoisinaient la Bastille et formaient autour du sombre monument un réseau à mailles serrées…