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– Est-ce qu’Owen était moins bien avec les catholiques qu’il n’a été avec les protestants et autres sectaires?

– Pensez-vous qu’il ait été républicain?

– Je pense qu’il préfère la forme du gouvernement la plus adéquate, la plus correspondante à son église.

– Quelle église – il n'en a pas.

– Eh bien?

– C’est pourtant impossible pour un Etat de ne pas avoir un gouvernement quelconque.

– Sans doute… même un très mauvais. Hégel raconte qu’une pauvre vieille femme disait – à ceux qui se plaignaient du mauvais temps: «Mais c’est toujours mieux d’avoir un mauvais temps, que de n’en avoir pas du tout».

– Amusez-vous autant que vous voulez – mais l'Etat périra avec le gouvernement.

– Et que cela me fait?

Chapitre IV

L’histoire de la révolution nous présente un essai d’un changement radical des bases de la société actuelle – par la voie gouvernementale et avec la conservation d’un pouvoir fort.

Les décrets du gouvernement qui allait se former – nous sont restés, avec leur préambule –

Egalité Liberté

Bonheur commun

et quelquefois avec l’alternative – ou la Mort!..

Ces décrets comme il fallait s’attendre commencent par le décret de police.

Art. 1. Les individus qui ne font rien pour la patrie ne peuvent exercer aucun droit politique, ce sont des étrangers auxquels la république accorde l’hospitalité.

Art. 2. Ne font rien pour la patrie ceux qui ne la servent pas par un travail utile.

Art. 3. La loi considère comme travaux utiles ceux de l’agriculture, de la vie pastorale, de la pêche et de la navigation,

Ceux des arts mécaniques et manuels;

Ceux de la vente en détail;

Ceux du transport des hommes et des choses;

Ceux de la guerre;

Ceux de l’enseignement et des sciences.

Art. 4. Néanmoins les travaux de l’enseignement et des sciences ne seront pas réputés utiles, si ceux qui les exercent ne rapportent pas dans le délai de… un certificat de civisme, délivré dans les formes qui seront réglées.

Art. 6. L’entrée des assemblées publiques est interdite aux étrangers.

Art. 7. Les étrangers sont sous la surveillance directe de l’administration suprême, qui peut les reléguer hors de leur domicile ordinaire et les envoyer dans les lieux de correction.

Dans le décret du travail – tout est réglementé, distribué, la loi définit à quel genre de travail, dans quelle saison – il faut s’occuper, combien d’heures il faut travailler. Des magistrats donneront l’exemple du zèle et de l’activité, l’administration municipale a constamment sous les yeux l’état des travaillants de chaque classe – elle instruit régulièrement l’administration suprême… elle déplace les travaillants d’une commune à une autre…

Art. 11. L’administration suprême astreint à des travaux forcés les individus dont l’incivisme, l’oisiveté, le luxe et les dérèglements donnent à la société des exemples pernicieux. Leurs biens sont acquis à la communauté nationale.

Art. 14. Les magistrats… veillent à la propagation et amélioration des animaux propres à la nourriture, à l’habillement, au transport et au soulagement des travaux des hommes.

Dans le décret de la distribution et de l’usage des biens de la communauté:

Art. 1. Nul membre de la communauté ne peut jouir que de ce que la loi lui donne par la tradition réelle du magistrat.

Art. 2. La communauté nationale assure à chacun de ses membres:

Un logement sain – proprement meublé.

Des habillements de travail et de repos.

Le blanchissage, l’éclairage et le chauffage.

Une quantité suffisante d’aliments en pain, viande, volaille, poisson, œufs, beurre… et autres objets dont la réunion constitue une médiocre et frugale aisance.

Art. 3. Il y aura dans chaque commune des repas communs auxquels tous les membres seront tenus d’assister.

Art. 5. Tout membre qui reçoit un salaire ou conserve de la monnaie est puni.

Décret du commerce

Art. 1. Tout commerce particulier avec les peuples étrangers est défendu.

Le commerce se fera administrativement. Après cela – «la dette nationale est éteinte, la République ne fabrique plus de monnaie, l’or et l’argent ne seront plus introduits, les dettes de tout Français – envers un autre Français sont éteintes. Et – pour la bonne bouche – toute fronde à cet égard est punie de l’esclavage perpétuel».

Vous pensez peut-être que ces décrets sont signés par Pierre Ier et contresignés par le comte Araktchéieff. – Non, ce n’est pas Pierre Ier qui les a signés à Sarskoïé Sélo, mais le рrеmier socialiste de France – Gracchus Babeuf

Cela serait injuste que de se plaindre qu’il n’y a pas assez de gouvernement dans ce communisme – on a soins de tout, on surveille tout, on gouverne tout. Même la reproduction des animaux domestiques n’est pas abandonnée à leur faiblesse et à leur coquetterie – mais réglée par des magistrats.

Et pourquoi pensez-vous tout cela se fera? Pourquoi les membres de la communauté seront-ils «nourris, habillés et amusés», pourquoi est-ce qu’on donnera à ces galériens du bonheur commun, à ces bataillons disciplinaires de l’égalité, à ces serfs Rei publica ad scripti – les poulets et les poissons…? Vous pensez pour eux-mêmes,pour leur propre bonheur – pas du tout… leur état sera d’après le décret assez médiocre – «La République seule sera riche, toute-puissante… splendide…»

Cela me rappelle l’image miraculeuse de la madone d’Ibérie à Moscou – elle a tout, des perles et des diamants, une voiture et des chevaux, des prêtres et des laquais… et la seule chose qui lui manque – c'est elle-même,elle possède tout cela in effigie.

…Après des siècles… lorsque tout se changera, il suffira d’avoir l’empreinte de ces deux dents molaires – pour restaurer jusqu’au dernier petit osselet les fossiles de l’Angleterre et de la France de nos temps d’autant plus facilement que les deux mastodontes du socialisme appartenaient au bout du compte à la même famille et avaient le même but.

Ils sortent d’une série d’idées très analogues. L’un voyait que nonobstant la République et le 21 janvier, l’anéantissement des fédéralistes et la terreur – le peuple ne gagnait pas beaucoup. L’autre voyait que nonobstant le développement colossal des machines et des capitaux, une productivité prodigieuse – «l’old merry England» devenait de plus en plus triste, et l’Angleterre vorace et gloutonne – de plus en plus l’Angleterre affamée. Ces considérations amenèrent l’un et l’autre à la nécessité d’un changement radical de toutes les conditions de la vie économique et politique de la société contemporaine.

R. Owen et Babeuf appartiennent à une époque dans laquelle les contradictions de la vie sociale devinrent plus grillées et plus manifestes, l’absurdité des institutions – plus évidente. Les maux n’empirent pas – cela serait une exagération, le développement inégal des éléments qui constitue l’existence sociale anéantit la harmonie qui existait avant, les circonstances étant moins bonnes et mieux équilibrées.

Mais ce n’est que sur ce premier pas qu’ils sont d’accord…une fois en chemin l’un va à droite, l’autre à gauche.

R. Owen voit dans le fait même qu’on s’en ait aperçu – le dernier succès, l’achèvement de l’histoire, la grande acquisition gagnée par le chemin douloureux des siècles, il salue la tendance d’en sortir comme l’aurore d’un nouveau jour – qui n'a jamais été – et n’était jamais possible – car l’intelligence n’était jamais à la hauteur de cette question.

La constitution de 1793 ne l’entendait pas ainsi – ni Babeuf non plus. Elle décrétait la réintégration – des droits naturels oubliéset perdus,elle rentrait dans une possession légitime – l’Etat actuel n’étant qu’un fruit illégitime de l’usurpation, venue à la suite d’une conspiration tramée par les tyrans et les riches. Le temps est venu de châtier les ennemis du peuple, et restituer les biens détenus par eux au seul souverain légitime qui manque de tout et qu’on appelle à cause de cela – sans culotte. Il faut le réintégrer dans ses droits perdus.

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