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Ordynov n’objectait rien, mais une grande tristesse s’emparait de lui, comme s’il ensevelissait son meilleur ami…

– Ah! Imaginez-vous… J’allais oublier de vous raconter… dit tout à coup Iaroslav Ilitch, comme s’il venait de se rappeler quelque chose de très intéressant. Il y a du nouveau! Je vous le dis en secret… Rappelez-vous la maison où vous logiez.

Ordynov tressaillit et pâlit.

– Eh bien, imaginez-vous que, dernièrement, on a découvert dans cette maison une bande de voleurs… c’est-à-dire des contrebandiers, des escrocs de toutes sortes, le diable sait quoi! On a arrêté les uns, on poursuit encore les autres… On a donné les ordres les plus sévères. Et, le croiriez-vous… Vous vous rappelez le propriétaire de la maison, un homme très vieux, respectable, l’air noble…

– Eh bien?

– Fiez-vous après cela à l’humanité! C’était lui le chef de toute la bande!

Iaroslav Ilitch parlait avec chaleur, et prenait prétexte de ce fait banal pour condamner toute l’humanité; c’était dans son caractère.

– Et les autres?… Et Mourine?… demanda Ordynov d’une voix très basse…

– Ah! Mourine! Mourine!… Non, c’est un vieillard respectable… noble… Mais, permettez… vous venez de jeter une nouvelle lumière.

– Quoi? Est-ce que lui aussi serait de la bande?

Le cœur d’Ordynov bondissait d’impatience.

– D’ailleurs… Comment dites-vous… fit Iaroslav Ilitch en fixant ses yeux éteints sur Ordynov, signe qu’il réfléchissait. Mourine ne pouvait pas être parmi eux… trois semaines avant l’événement il est parti avec sa femme, dans son pays… Je l’ai appris par le portier… vous vous rappelez, ce petit Tatar…

(1847)

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